Etude : les restrictions covid ont entraîné la baisse de nombreux anticorps protégeant d’autres infections

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C’est officiel, une étude universitaire en atteste : les bactéries comme le streptocoque A responsable d’infections respiratoires ou encore le virus respiratoire syncytial RSV s’en sont donné à cœur joie après la levée des restrictions covid. En cause, le déclin du niveau d’anticorps : celui-ci a été mesuré sur plusieurs années consécutives à la suite de la pandémie du covid dans le cadre d’une recherche menée à l’université d’Auckland, en Nouvelle-Zélande. Pour son co-auteur, Nikki Moreland, professeur associée d’infectiologie et d’immunologie, ce sont les restrictions de circulation et les mesures de distanciation sociale qui sont à l’origine de cette baisse immunitaire. Et elle ne fut pas sans conséquences.

Les niveaux d’anticorps protégeant contre une série de pathogènes responsables d’infections hivernales ont été mesurés chez 150 Néo-Zélandais donnant régulièrement leur sang au cours des trois ans qui ont suivi le déclenchement de la pandémie du covid.

 

Une baisse des anticorps généralisée

Si les anticorps du virus SARS-Cov-2 ont connu une croissance exponentielle jusqu’à mars 2023, ce qui s’explique à la fois par la vaccination et l’exposition au virus une fois que la Nouvelle-Zélande a levé ses restrictions draconiennes et rouvert ses frontières, la protection contre les streptocoques de groupe A et le virus respiratoire syncytial a notablement baissé. Ce dernier provoque notamment des pneumonies chez les jeunes enfants et les personnes âgées.

Cette chute reflète la circulation réduite des pathogènes au sein des communautés en raison du port du masque, des interdictions de voyager et de la distanciation sociale, assurent les chercheurs : elle a été suivie d’un véritable « rebond » qui a vu leur circulation atteindre des niveaux élevés, et leur a permis d’affecter des « personnes plus vulnérables », selon Mme Moreland.

« Il s’agit véritablement d’une conséquence non voulue des restrictions en cas de pandémie, et dont nous devons être conscients », a-t-elle déclaré au cours d’une interview.

 

Ce n’est pas le covid qui a affaibli les défenses immunitaires

Chose remarquable, le virus respiratoire syncytial a commencé à circuler de manière appuyée en Nouvelle-Zélande dès la fin 2021, avant même que le covid lui-même n’ait commencé à s’étendre dans le pays, ce qui indique selon les chercheurs que cette épidémie d’infections respiratoires a été impulsée par un déclin de l’immunité au niveau de la population générale plutôt que par une déficience immunitaire induite par le covid, comme l’ont suggéré certains scientifiques.

Voilà qui vient répondre aux protestations qu’on a pu voir dans les grands médias français, notamment, contre l’idée d’incriminer l’absence d’exposition à certains pathogènes du fait des restrictions covid devant la forte augmentation de certaines autres infections au cours des hivers qui ont suivi.

La théorie de la dette immunitaire a d’abord été exposée au printemps 2021 par des pédiatres français dans Infectious Diseases Now : de leur avis, le « défaut de stimulation » du système immunitaire en l’absence d’agents pathogènes conduirait ce dernier à « s’affaiblir ».

 

Les restrictions covid ont eu des conséquences dont on aurait pu se douter

A la suite d’une épidémie de bronchiolite précoce et d’une ampleur inhabituelle qui a frappé des pays de l’hémisphère nord à l’automne 2022 – que le concept de la « dette immunitaire » pouvait laisser prévoir – plusieurs journaux ont moqué l’explication : « un concept fumeux », titrait ainsi Libération en décembre 2022 à son sujet. Pour l’auteur de l’article, le médecin Christian Lehmann, l’idée de « dette immunitaire » est même un « emprunt toxique au vocabulaire financier ». Il explique que les nourrissons et tout jeunes enfants affectés par la bronchiolite n’auraient pas eu d’immunité supplémentaire pour avoir été affectés l’année précédente, puisque au contraire l’exposition précoce est liée à la récidive de l’infection chez les moins de 2 ans. « Ne pas avoir eu une bronchiolite en 2020 ou 2021 ne cause pas chez votre enfant de dette immunitaire mais au contraire évite un risque individuel plus élevé pour lui cette année », affirmait-il.

The Conversation annonçait à la même époque que le problème n’était pas celui de la baisse des défenses immunitaires, mais un « rattrapage » où des enfants qui n’avaient pas été infectés du fait des restrictions covid avaient été plus nombreux à être exposés pour la première fois au RVS par la suite, d’où l’épidémie inhabituelle.

Les observations de Nikki Moreland et de ses coauteurs montrent au contraire une réelle baisse des anticorps dans la population générale ayant facilité par la suite l’infection de populations plus vulnérables.

 

Jeanne Smits