Ses organisateurs ont mis fin au concours de Miss Pays-Bas parce qu’il n’est, selon leurs dire, « plus de ce temps ». Organisé pour la première fois en 1989, il avait pris la suite de Miss Holland, lancé en 1929. La décision de mettre fin à ce concours s’inscrit dans une histoire longue d’un siècle. Le premier concours national de beauté a eu lieu voilà un peu plus de cent ans en France, avant les Etats-Unis, en 1920 et a élu, en guise de Miss, la « plus belle femme de France ». En l’organisant, le journaliste d’origine belge Maurice Cartuywels, dit de Waleffe, pensait que « le choix de la majorité indiquera(it) le type instinctif d’une nation ». Il s’agissait en quelque sorte d’un plébiscite identitaire. La nation se reconnaissait dans le miroir d’une femme, la beauté des miss a servi dès l’origine un objectif politique, elle a continué pendant cent ans et continue aujourd’hui.
Hitler et Staline voulaient la fin des Miss
On le sait par ceux qui ont refusé le concours des miss. Entre 1927 et 1933 fut élue chaque année une Miss Allemagne. A son arrivée au pouvoir, Hitler mit fin à la chose, qui participait selon lui à la « décadence judéo-bolchevique ». Il déconseilla à la dernière élue, Charlotte Hartmann, de concourir pour Miss Europe à Paris. Le type instinctif de la nation allemande, dont il avait une idée précise, ne devait pas être soumis à des influences selon lui délétères. La République démocratique d’Allemagne, née dans la zone d’occupation soviétique après la guerre, maintint l’interdiction, afin d’éviter la « dégradation et l’exploitation des femmes par le capitalisme ». Ce fut aussi la position de Staline, cela reste aujourd’hui celle de beaucoup de féministes. En 2018, sous leur influence, le bikini a été supprimé pour l’élection de Miss America. Désormais on ne juge plus les concurrentes « sur leur apparence » mais sur « ce qui les fait elles ». C’est la beauté intérieure que l’on prime. Ce sont des identités que l’on classe.
L’islam et le féminisme ont évincé les bikinis du concours
La « prise de conscience Metoo » a hâté cette évolution. L’idéologie féministe, qui a toujours condamné l’exploitation du nu féminin, se trouve aujourd’hui en synergie avec les ligues puritaines américaines et le rigorisme musulman. En 2017, la jeune Britannique d’origine somalienne Muna Jama avait refusé sèchement le maillot de Miss Britain pour défiler en caftan : « Je ne porte pas de bikini à la plage, donc je n’en porterai pas dans une compétition. » Les organisateurs se sont inclinés. De même Sara Iftekhar arborait-elle un hijab un lors de la finale 2018 de Miss Angleterre. C’était « pour montrer que la beauté n’a pas de définition, que chacun est beau à sa manière, indépendamment de son poids, de sa race ou de sa forme ». Ainsi les concours de beauté sont-ils mis au service de l’arc-en-ciel. Dès 2016, Halima Aden, jeune somalienne naturalisée Américaine, défilait au concours de Miss Minnesota avec voile et burkini afin de « bousculer les idées reçues sur ces femmes musulmanes, combattre l’islamophobie, et transmettre un message de tolérance ». Depuis, elle a signé un contrat avec IMG Models, devenant le premier modèle en couverture de Vogue Arabia à voiler ses cheveux.
Cent ans de politique de la diversité
La couleur de la peau compte autant que les signes extérieurs de la religion. En 1992, Miss Afrique du Sud était blanche, en 1993 elle devint noire. En France, Geneviève Mullman, dite de Fontenay, ayant mis la main sur le concours de Miss France à la force du poignet et l’ayant développé grâce à l’aimable publicité que lui firent Guy Lux et l’Abbé Pierre un soir de Noël à la télé, a toujours promu des miss « issues de la diversité ». C’était une politique délibérée. Opposée depuis toujours au FN et à son « idéologie », votant « toujours à gauche », elle rêvait en 2009 d’une « miss France maghrébine » en dénonçant la « dérive xénophobe » du ministre sarkozyste Eric Besson. A l’échelon international, à considérer le palmarès de Miss Monde et Miss Univers, occupé jusqu’aux années cinquante par des caucasiennes aux yeux clairs, on constate que l’Amérique Latine et l’Océan Indien collectionnent les titres, le Venezuela en particulier, avec des brunes au teint mat : tel est le « type physique instinctif » de la nation arc-en-ciel.
Pays-Bas et Portugal en pointe de la propagande Trans
Après les avancées de l’islam et du métissage, les miss ont aussi servi à hâter l’avènement de la mentalité écologiste, avec le concours Miss Terre, qui demande pour être élue plus d’opinions correctes sur le climat que de respect des canons de la beauté. Enfin, mais ce n’est pas le moins important, au bout de cent ans d’existence, les concours de Miss ont beaucoup fait pour la cause transgenre. En 2023, le Portugal élisait « sa » première miss transgenre, quelques mois après les Pays-Bas. Le public, comme c’est souvent le cas, n’avait pas suivi. Est-ce que le financement du concours en a souffert ? Ou bien les organisateurs ont-ils estimé que son rôle politique historique était épuisé ? En tout cas le concours de Miss Pays-Bas s’est auto-dissous. On verra bien si quelqu’un reprend le flambeau à l’avenir. Mais il est certain que, du côté féministe, le vent souffle vers l’abandon des concours de beauté.
Fin des miss aux Pays-Bas et sororité politique arc-en-ciel
Voilà quelques années, en France, l’association Osez le féminisme jugeait le concours miss France « ringard en cela qu’il considère encore les femmes comme des potiches, qui ne doivent surtout pas déborder du cadre défini. Toutes les jeunes femmes qui s’apprêtent à concourir devant les caméras valent beaucoup mieux que l’écharpe et le diadème. Les femmes n’ont pas à se plier à un concours de beauté pour définir leur valeur ». Aujourd’hui, Monica Van Ee, qui s’occupait de Miss Pays-Bas, ne dit pas autre chose : « Les temps ont changé et nous évoluons avec le temps. » Elle a remplacé le concours par une « plateforme » visant à « partager des histoires de femmes qui ont réussi et mettre en lumière l’impact des réseaux sociaux et des normes de beauté irréalistes. (…) Plus de couronnes, mais des histoires qui inspirent. Plus de robes, mais des rêves qui prennent vie ; les femmes qui se soutiennent et s’entraident, c’est intemporel pour nous ». Il s’agit de promouvoir « un monde où l’on célèbre la vraie vie, sans la pression de se conformer à une image parfaite ». Voilà qui est sororal en diable.