La Russie achète des terres agricoles à Cuba

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La Russie renforce ces liens avec Cuba, son « vassal » de toujours – ou plutôt depuis la révolution castriste – mais ce n’est pas au profit des braves gens. Là encore, rien ne change ! Le gouvernement russe achète actuellement des terres agricoles dans l’île caribéenne et ce faisant, selon Panampost, organise la déportation des paysans. La Russie officialise ainsi sa pratique mise en œuvre de facto avec l’entreprise vietnamienne AgriVMA, à laquelle il a accordé 308 hectares pour cultiver du riz à Pinar del Río au début de l’année dernière, mais qui a fini par en ensemencer 1.100.

Maintenant la Russie se dispense d’intermédiaires, pour un bénéfice évident : aux dires de Titov Boris, chef du Comité d’entreprise Cuba-Russie, l’administration de Miguel Díaz-Canel offre « un traitement préférentiel » pendant 30 ans aux entreprises russes.

 

Les terres agricoles de Cuba, outil de manipulation du pouvoir

Mais est-ce vraiment une bonne affaire ? Sur place, la production agricole est des plus incertaines, vu le manque d’intrants, de carburant et de financement local, économie communiste oblige. Cuba a bien mis en place une loi sur la souveraineté alimentaire en 2022, mais c’est un échec cuisant : trois ans après son adoption, l’île importe 80 % des aliments qu’elle consomme. L’arrivée plus massive d’entreprises russes confirme en quelque sorte l’échec.

La manœuvre a été rendue possible par le fait que les terres agricoles cubaines sont « publiques » : c’est d’un trait de plume qu’on peut les faire passer des mains des paysans à des entreprises ou à des personnes physiques étrangères, dont seule la présence sur l’île est exigée pour permettre l’opération d’achat. C’est en tout cas ce que prévoit la loi sur la propriété, la possession et l’utilisation de la terre, que les partisans du régime castriste discutent à l’Assemblée nationale cubaine, et dont l’adoption sera concrétisée en décembre.

La question se pose évidemment : les paysans et entrepreneurs locaux sont-ils à tel point incapables de faire fructifier la terre qu’il faille en appeler aux investisseurs de l’autre bout du monde ? Selon Panampost, la réponse – positive – se résume en un mot : « discrimination ». Ces producteurs cubains souffrent du manque d’incitations, des obstacles bureaucratiques et de confiscations arbitraires propres aux régimes collectivistes. En outre, aux termes de la loi, les personnes morales privées cubaines ne pourront pas demander même un hectare inutilisé en usufruit…

 

La Russie se voit offrir un traitement préférentiel alors que la production s’effondre

« Le régime semble tenter de remédier à la profonde crise qu’il a provoquée dans le secteur agricole, étant donné que la production de riz, un aliment de base dans l’alimentation cubaine, a chuté en 2024 à 80.000 tonnes, un chiffre qui ne représente que 11 % de la consommation nationale. C’est moins d’un tiers de ce qui était produit en 2018 », écrit Gabriela Moreno pour Panampost.

Et d’ajouter : « Le régime communiste est le seul responsable de la dépendance. “De nombreux paysans se sont vu interdire l’entrée de machines telles que des tracteurs et des motoculteurs. Les obstacles sont si nombreux et la corruption dans les institutions agricoles est si importante que les énumérer tous serait un véritable casse-tête. Le problème, ce n’est pas nous, les paysans”, affirme le producteur Samuel Rodríguez, après avoir rappelé qu’il avait importé des machines pour travailler sur sa ferme et qu’à son arrivée à Cuba, elles avaient été saisies dans les entrepôts Berroa. »

Les paysans cubains sont les victimes systématiques de ces politiques aussi erratiques qu’elles sont tyranniques. Alors que le statut et la propriété des terres contrôlées par le pouvoir castriste sont dans la balance, ils se souviennent – rapporte Panampost – de la manière dont le régime les avait persuadés de céder des terres de la sucrerie centrale « 5 de Septiembre » à Cienfuegos en échange de la participation de la société brésilienne Odebrecht, qui elle-même a abandonné l’exploitation en 2017 pour cause d’absence des paiements promis par la société de monopole étatique AZCUBA depuis plus de deux ans – dont les caisses étaient vides. Sur place, c’est le conglomérat cubain qui a été accusé de corruption. La production, elle, avait chuté de manière spectaculaire.

 

Déposséder les paysans de leurs terres agricoles

Quoi qu’il en soit, les producteurs locaux y ont vu une opération de façade entre le pouvoir castriste et l’entreprise brésilienne dont le but réel était de les déposséder de leurs terres. D’autres paysans se plaignent d’avoir vu révoquer leurs contrats d’usufruitiers.

Sur ce plan-là aussi, tout continue : actuellement, la Sécurité de l’Etat, par l’intermédiaire de fonctionnaires du ministère de l’Agriculture, non seulement refuse l’accès à la terre aux micro, petites et moyennes entreprises, mais renforce également la révision des contrats d’usufruit des terres agricoles octroyés aux agriculteurs. Plus de 9.600 accords ont ainsi été résiliés à la suite de l’exercice de contrôle réalisé en 2024.

Savoir si la Russie tirera un avantage réel de la situation reste à voir. En tout cas, elle ne se gêne pas pour tenter d’accaparer ces richesses potentielles, elle qui proteste partout de sa volonté de ne jamais profiter des ressources des pays où elle s’implante de plus en plus visiblement.

 

Anne Dolhein