Un milliardaire chinois est discrètement devenu deuxième propriétaire étranger de terres agricoles aux Etats-Unis

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Mais comment a-t-il pu passer sous le radar ? Chen Tianqiao, 51 ans, à la tête d’une fortune estimée à un milliard de dollars par Forbes, est devenu en l’espace de quelques années le deuxième plus grand propriétaire étranger de terres agricoles aux Etats-Unis, depuis qu’il a fait son achat en 2015. Mais ses 85 millions de dollars d’achats de terrains forestiers sont introuvables dans les registres de l’Etat.

Ces registres américains sont supposés répertorier les propriétaires étrangers de terres agricoles aux USA. Aux termes d’une loi de 1978, ceux-ci doivent se signaler à l’administration, sous peine d’amende. Mais la loi est diversement interprétée, quand elle est appliquée, c’est avec laxisme.

Avec plus de 80.000 hectares achetés il y a 8 ans, l’introuvable Chen a semé la consternation parmi de nombreux responsables politiques américains ; plusieurs sénateurs ont notamment accusé l’administration Biden d’avoir manqué à son devoir de surveillance quant aux investissements de la Chine communiste, et se demande si ceux-ci ne sont pas beaucoup plus importants qu’on ne le pensait jusqu’ici.

 

Un Chinois propriétaire de terres aux Etats-Unis sans que l’administration ne soit au courant

C’est seulement en début de semaine dernière que la nouvelle de la vente est tombée dans le domaine public après la publication de registres fiscaux de l’Oregon, où l’on peut voir que l’une des sociétés appartenant à Chen Tianqiao était bénéficiaire de l’opération d’achat.

Son achat de terres forestières aux Etats-Unis complète les quelque 200.000 hectares qu’il possède au Canada. Il chercherait d’ailleurs actuellement à vendre une partie de ses terres américaines – soit 13.350 hectares – à 95 millions de dollars, soit plus qu’il n’a payé pour l’ensemble de ses acquisitions états-uniennes. Belle plus-value !

Selon le Département de l’Agriculture aux Etats-Unis, des sociétés liées au Parti communiste chinois (PCC) possédaient tout ou partie de près de 145.000 hectares de terres agricoles à la fin de 2022, sans compter les acquisitions de Chen. Cela représente plus de 2 milliards de dollars en valeur. Il y a 10 ans, la valeur totale des terres agricoles détenues par des sociétés chinoises ne représentait que 162 millions de dollars.

 

Des responsables politiques aux Etats-Unis demandent des comptes sur les investissements chinois

Pour la sénatrice républicaine Elise Stefanik, l’administration s’est rendue coupable d’une grave négligence, dès lors que la Chine est considérée comme une puissance hostile : « La sécurité alimentaire, c’est la sécurité nationale. Nous ne pouvons protéger nos terres agricoles vis-à-vis des adversaires étrangers si nous ne savons pas qu’ils sont en train de les acheter. » Elle a qualifié la « négligence » de l’administration Biden d’« inexcusable ».

Plusieurs domaines possédés par d’autres Chinois se situent notamment près de terres militaires et autres zones sensibles.

A la tête d’un groupe de 28 législateurs aussi bien républicains que démocrates, Mme Stefanik avait l’an dernier, déjà, écrit au secrétaire à l’agriculture Thomas Vilsack, pour faire état de leur « profonde inquiétude » au sujet de « l’oubli » fiscal relatif à des terres achetées par des ressortissants étrangers. Le ministère venait de révéler qu’il n’appliquerait aucune pénalité aux acheteurs ayant omis de signaler leurs achats de terres agricoles à l’administration entre 2015 et 2018, invoquant notamment des problèmes de manque de personnel.

Notons donc que ce dernier achat réalisé par Chen sous Obama a également été ignoré par l’administration Trump entre 2016 et 2020…

La personnalité de Chen rend l’affaire encore plus grave aux yeux de ces responsables politiques aux Etats-Unis. Membre du Parti communiste chinois, ancien responsable exécutif de plusieurs organisations qui lui sont attachées, admirateur de Mao – tout cela selon les médias chinois eux-mêmes – il réside en Californie et doit une belle part de sa fortune à Shanda Interactive Entertainment Limited, une société de jeux en ligne fondée en 1999, qui s’est ensuite diversifiée dans des sociétés d’investissement, de prêts peer-to-peer et dans des établissements de santé. S’étant dégagé financièrement tout en conservant la direction exécutive, Chan a mené avec sa femme des « investissements » philanthropiques ; ensemble, ils ont financé des programmes de recherche fondamentale sur le cerveau et de neurosciences, en y intégrant des disciplines comme « la psychiatrie, la psychologie, la sociologie, la philosophie et même la religion », pour déterminer « ce qu’est l’humain ».

 

Un propriétaire de terres agricoles aux Etats-Unis très proche du PCC

La question se pose bien sûr de connaître les liens actuels de Chen avec la Chine, qu’il a quittée à l’improviste en 2010, au motif – annoncé sept ans plus tard – selon lequel il aurait souffert à ce moment-là d’attaques de panique l’obligeant à quitter les affaires. Passant notamment par Singapour, il a rejoint la Californie par la suite et s’est installé à Menlo Park, non sans acheter plusieurs demeures historiques aux Etats-Unis.

Mais l’élément le plus important à connaître est sans doute constitué par les liens qu’il a forgés avec le Parti communiste chinois en bâtissant son empire. Les archives du gouvernement chinois, mieux tenues que celles des Etats-Unis, montrent qu’il a joué un rôle de représentant à la Conférence consultative politique du peuple chinois, assure le média américain de droite Daily Caller : ce sont des délégués qui représentent les intérêts du Parti et suivent ses directives pour la mise en œuvre de sa politique à la fois en Chine et à l’étranger. Chen a également fait partie d’institutions économiques et de travailleurs actives notamment dans le domaine de l’influence et du renseignement. Mais est-il possible de réussir en Chine sans cela ?

C’est bien la raison pour laquelle la présence massive d’investisseurs chinois dans les pays occidentaux constitue en soi un risque.

 

Anne Dolhein