Faire payer les riches ! Robin des Bois en a fait une légende ; pour Marx, c’était un élément-clef de son Manifeste communiste, qui préconise l’impôt progressif sur le revenu, et l’idée continue de se développer. Ainsi la Cour des comptes a-t-elle proposé dans une note du 14 avril de moduler le remboursement des soins médicaux en fonction des revenus pour réduire le déficit de la Sécurité sociale. Médicaments, actes chirurgicaux, remboursements optiques ou dentaires… Encore un peu et les « sans dents » auront changé de camp ! A la fin de l’exercice, on pourrait bien aboutir à la tarification sociale pour tous.
Que les plus fortunés paient déjà nettement plus à travers leurs contributions et autres charges sociales pour un même service – au demeurant nettement dégradé pour tous – n’a sûrement pas échappé à la Cour, on peut donc être sûr qu’elle assume cette nouvelle manière de redistribuer l’argent.
On dira que l’Allemagne a déjà un système de cet acabit, puisque chacun a un plafond de « reste à charge » en matière de frais de santé, modulable selon les revenus et comparable à la franchise des contrats d’assurance. En France, le reste à charge pour les frais de santé ne cesse d’augmenter pour tous, et on voit mal comment une ponction supplémentaire sur les classes moyenne pourrait améliorer quoi que ce soit.
La tarification sociale, ou des prix à la tête du client
Dans la même veine, l’OFGEM (office des marchés du gaz et de l’électricité) britannique, agence gouvernementale non ministérielle, vient de proposer une modulation des factures d’énergie en fonction des revenus en mettant en place des tarifs « progressifs ». En passant – il s’exprimait devant une conférence d’industriels, mardi – Jonathan Brearley, directeur d’OFGEM, expliquait à son auditoire que si le prix de l’électricité, élément variable des factures, devrait normalement baisser à l’unité dans les années qui viennent, en revanche, les frais fixes vont selon toute vraisemblance augmenter tant en proportion qu’en importance. Autrement dit, l’énergie outre-Manche va peser plus lourdement sur la bourse des utilisateurs, particuliers ou non, quoi qu’il arrive.
Dans le cas de l’énergie britannique, la hausse de ces frais fixes est ouvertement liée à la « transition » vers le net zéro : celle-ci exige de nombreuses constructions d’infrastructures et de pylônes pour l’acheminement de l’électricité à travers le pays depuis les champs d’éoliennes en particulier, ainsi que leur entretien. Ce sont donc des coûts artificiellement ajoutés au système existant. C’est pourquoi, a annoncé Brearley, l’ensemble des factures en cours va être passé au crible cet été pour voir si « quelque chose ne pourrait être fait en relation avec le revenu », pour se poser au moins la question de savoir si ces coûts fixes « ne pourraient être alloués de manière plus progressive ». Moins chers pour les pauvres, plus chers pour les riches.
Remboursements de frais de santé, énergie : pourquoi s’arrêter là ?
Début avril, l’Office for Budget Responsibility annonçait déjà que les taxes « net zéro » supportées par les familles et les productions d’énergie devraient progresser de 60 % d’ici à la fin de la décennie, pour atteinte 19,7 milliards de livres au total en 2030 (près de 24 milliards d’euros).
Dans tous les cas – progressivité des coûts ou réduction des remboursements – c’est toujours la même idée appliquée de manière diverse. C’est en fait un impôt sur le revenu supplémentaire, et qui ne dit pas son nom, qu’on propose de mettre en place à travers de telles initiatives. Pourtant, en France, l’impôt sur le revenu est déjà confiscatoire dans ses tranches les plus élevées.
Cela suppose également un contrôle et une diffusion tous azimuts des revenus de chacun.
En France, l’accès aux cantines scolaires, aux solutions de gardes d’enfant et autres services exige déjà de sortir sa feuille d’impôt pour accéder à une tarification « sociale », qui existe aussi pour l’eau dans certaines communes ainsi que pour les transports publics… En fait, les biens et services potentiellement concernés sont légion. Et il en existe déjà, on pense aux épiceries sociales et solidaires, par exemple. Pour y accéder, il faut constituer des dossiers, remplir des formulaires, fournir des justificatifs, bref, se soumettre aux exigences des dieux des fonctionnaires. On est aux antipodes de la charité chrétienne.
Tarification sociale : entre transition verte et Etat nounou
Ce que laisse craindre la tarification sociale tous azimuts – outre la fondamentale injustice qui consiste à fixer comme règle la vente des biens à la tête du client – c’est la large communication, automatisée, pourquoi pas, des données privées concernant fortune et revenus à un nombre croissant d’intervenants.
La France est déjà triste championne de l’OCDE en matière de prélèvements obligatoires ; avec la taxation déguisée des plus aisés (en fait, d’une classe moyenne qui n’en peut déjà plus d’être paupérisée), elle creuserait encore son écart.
Ce qu’il faut en retenir ? La mode est à la redistribution de la richesse, on veut s’enfoncer encore davantage dans un collectivisme socialiste qui a réussi l’exploit de faire croire que notre économie est ultra-libérale.