La défense des minorités marginalisées, discriminées ou opprimées est l’un des devoirs qu’impose à nos sociétés la révolution progressiste, ce qui a pour conséquence de transformer toute critique desdites minorités en « discours de haine », bientôt montré du doigt et de plus en plus réprimé par la loi – en France, par exemple les lois Pleven et Gayssot. Mais même aux Etats-Unis, traditionnellement protégés par le fameux Premier Amendement, la liberté d’expression recule fortement, notamment chez les jeunes, qui parfois ignorent cette disposition constitutionnelle fondamentale, et qui de toute manière supportent mal les discours de haine et autres « offenses » aux minorités, comme le montre une étude récente, 2025 Future of Free Speech Index (FFSI), l’indice 2025 de l’avenir de la liberté d’expression.
Récession mondiale de la liberté d’expression
Si l’on compare cet indice à celui qui a été relevé en 2021, le déclin des Etats-Unis est manifeste. Sur 33 pays étudiés, les USA sont encore neuvièmes, mais connaissent la troisième plus forte chute derrière le Japon et Israël. Ce n’est hélas qu’une amplification spectaculaire d’un mouvement général qu’on peut nommer « récession de la liberté d’expression ». Cette récession frappe le monde entier : le nombre de pays qui avouent une décroissance substantielle de leur soutien à la liberté d’expression est deux fois plus grand que celui de ceux qui affirment un attachement croissant à son endroit.
Le Venezuela et la Hongrie fans de la liberté d’expression
Paradoxalement, les cinq nations qui expriment le plus d’enthousiasme pour la liberté d’expression sont la Norvège, le Danemark, la Suède, la Hongrie et le Venezuela. Trois démocraties scandinaves et deux démocraties plus autoritaires, ou populistes, comme on préférera dire. Voilà en tout cas un attelage hétérogène. On peut donc se demander à bon droit ce que les populations qui manifestent leur attachement à la liberté d’expression entendent par là. Les rédacteurs du FFSI écrivent : « La plupart des nations montrent un haut niveau de soutien à la liberté d’expression dans l’abstrait, mais ce soutien baisse et se divise lorsqu’elles ont affaire à des déclarations concrètes qui sont offensantes pour des minorités, leur propre religion, favorables aux relations homosexuelles ou insultantes pour le drapeau national. »
Toute « offense » est un discours de haine potentiel
En somme, chacun est pour la liberté d’expression tant que l’on dit ce qu’il pense. C’est particulièrement sensible aux Etats-Unis et cela divise les générations. Selon le périodique Reason, « les jeunes Américains (âgés de 18 à 34 ans) montrent nettement moins de tolérance pour les discours controversés que leurs aînés, quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle. La croissance de cet écart depuis 2021 est remarquable ». En particulier la tolérance d’un discours pro-homosexualiste a plongé de 20 points, d’un discours offensant les minorités de 12 points, d’un discours attaquant une religion de 14 points. Du point de vue partisan, cela peut sembler contradictoire, le point un paraissant réactionnaire et le point deux progressiste : mais la cohérence, c’est que « l’offense » est jugée insupportable, et la liberté d’expression, en conséquence, passe au deuxième plan.
Les jeunes, gendarmes sans pitié pour le discours de haine
On note cependant que les Américains de plus de 55 ans ont peu changé d’avis depuis 2021. C’est la jeunesse soumise par les médias, l’école et l’université qui redoute les méfaits des « offenses » sur les populations fragiles. En témoigne un sondage datant de 2019. Il relevait qu’une courte majorité d’Américains, 51 %, souhaitaient récrire le Premier Amendement afin qu’il « reflète les normes culturelles d’aujourd’hui ». Mais, c’est beaucoup plus inquiétant, 54 % des Millennials entendaient faire du « discours de haine » un crime, et que celui qui s’en rend coupable soit emprisonné. Entendons-nous bien : je ne suis pas une fanatique de la liberté d’expression, il me semble plus juste d’établir un lien entre liberté et vérité. Mais le système démocratique occidental se flatte d’être fondé sur la liberté – n’ayant que mépris pour les dictatures et autres régimes « illibéraux ». L’effondrement de la liberté d’expression devant la peur de dire un « discours de haine » annonce un nouveau totalitarisme.