Jorge Bergoglio, élu pape, avait choisi la rupture en se faisant appeler François : aucun souverain Pontife avant lui n’avait pris ce nom. A l’inverse, Léon XIV a choisi la continuité, celle de Léon XIII, qui occupa le siège de Pierre durant un quart de siècle, de 1878 à 1903. Un long règne marqué, pour les Français, par le ralliement des catholiques à la République, et pour l’Eglise, d’un exposé de sa doctrine sociale, sous la forme de l’encyclique Rerum Novarum (« A propos des choses nouvelles », 1891). On oublie que Léon XIII a relancé le thomisme avec Aeterni Patris, et les études bibliques avec Providentissimus Deus, condamné le divorce (Arcanum divinae), la franc-maçonnerie (Humanum Genus), l’esclavage et la traite humaine (In Plurimis), et montré, aussi bien dans le gouvernement du Saint-Siège que dans la promotion de la piété, avec notamment la consécration du genre humain au Sacré-Cœur par l’encyclique Annum Sacrum en 1899. Quant à Rerum Novarum, si elle condamne les « ploutocrates », si elle traite de la « condition ouvrière » comme le relève notre confrère Le Monde, si elle aborde « la justice sociale et même les droits des travailleurs » comme le note notre consœur l’Humanité, elle n’a cependant rien de socialiste. Au contraire, c’est une critique sagace et forte de celui-ci assortie d’une illustration sans ambiguïté du droit de propriété. Il y est écrit notamment qu’il ne faut pas opposer « à la légitimité de la propriété privée le fait que Dieu a donné la terre au genre humain tout entier pour qu’il l’utilise et en jouisse. Si l’on dit que Dieu l’a donnée en commun aux hommes, cela signifie non pas qu’ils doivent la posséder confusément, mais que Dieu n’a assigné de part à aucun homme en particulier ». Et d’ajouter : « Le mythe tant caressé de l’égalité ne serait pas autre chose qu’un nivellement absolu de tous les hommes dans une commune misère et dans une commune médiocrité. » Il en résulte « que la théorie socialiste de la propriété collective est absolument à répudier comme préjudiciable à ceux-là mêmes qu’on veut secourir, contraire aux droits naturels des individus, comme dénaturant les fonctions de l’Etat et troublant la tranquillité publique. Que ceci soit donc bien établi : le premier principe sur lequel doit se baser le relèvement des classes inférieures est l’inviolabilité de la propriété privée ».