Opéra de Paris : la culture, bastille de la Révolution, reste à prendre

 

Jack Lang est toujours debout, tel un veau d’or aux boucles de chevreau teintes, éternel directeur de l’Institut du monde arabe après avoir été ministre de la Culture inamovible, inventeur de la Fête de la musique et de la révolution par la culture, et ministre de la Communication, des Grands Travaux et du Bicentenaire de la Révolution de François Mitterrand. C’est lui qui guida les grands travaux des années 1980 à Paris, grand Louvre, Arche de la Défense, Bibliothèque de France, Opéra Bastille, 35 milliards de francs aux frais du contribuable. Il y voyait la marque d’un ministère de la Culture « sans équivalent dans le monde ». Hélas, le prix est resté mais la qualité n’était pas au rendez-vous, et l’Opéra Bastille, moins vieux (il a été inauguré en 1989) mais moins solide que Jack Lang, menace de s’écrouler. Notre ministre de la Culture, Rachida Dati, estime à 400 millions d’euros le coût des restaurations nécessaires, au bout de même pas trente-six ans. C’est le symbole d’un échec et d’une imposture.

 

L’Opéra Bastille en ruine à peine inauguré

Quand la France encore prospère léguée par Giscard et Barre tomba dans les mains socialistes, les militants firent la fête place de la Bastille et Jack Lang leur révéla que le pays était passé « de l’ombre à la lumière ». Puis il accompagna le président à Cancun au Mexique et annonça « la relance par la culture ». L’argent public allait couler à flots et Paris fleurir de constructions nouvelles. Parmi lesquelles, décidé dès 1982, un opéra « moderne et populaire » sis à la Bastille, haut lieu s’il en est de la Révolution : il fallait que le bâtiment fût terminé pour le Bicentenaire de 1789. On se pressa. On eut tort. Bien que l’opéra ait coûté 2,8 milliards de francs, il fut bricolé. Un an après son inauguration, une première dalle de façade se décrochait, on posait les premiers filets de sécurité. Une bonne partie s’y trouve toujours, malgré la réfection du revêtement, à quoi s’est ajouté en catastrophe une mise aux normes de sécurité de l’intérieur du bâti représentant coûtant douze millions d’euros. Et ça n’empêche pas la bâtisse de se dégrader. En 2024, la Cour des comptes estimait à 200 millions le « grand carénage » dont l’opéra a besoin.

 

Les grands travaux, une Révolution dans Paris

Mais comme le disait un haut fonctionnaire, « de l’argent public, on en trouve toujours ». Il y a pire : n’étant plus très moderne aujourd’hui, l’opéra Bastille n’a jamais été populaire. Sa programmation porta pendant trente ans la marque du parisianisme le plus bobo, et son public se compose en conséquence. Le plus immoral est que ces privilégiés sont subventionnés par l’argent public, qui représente officiellement 40 % du budget de l’Opéra, qui reçoit 123 euros pour chaque billet vendu. Les enfants de Jack Lang sont des coqs en pâte. Mais la culture objet de snobisme et moyen de révolution, ses pyramides et ses arches qui tombent en ruine, ne se limite pas à l’ère Mitterrand. Le phénomène a commencé avec Georges Pompidou et le centre qui porte son nom, premier foyer de flafla idéologique issu de 1968, qu’on a dû restaurer intégralement vingt ans après sa construction en 1997 et qui est aujourd’hui à nouveau l’objet de grands travaux jusqu’à sa réouverture en 2030. Nos pharaons post-modernes bâtissent avec des mots sur du vent. C’est cher et cela ne tient pas, mais ce serait une erreur de croire que ce coûteux échec leur desserve, au contraire : la « culture » est la forteresse inexpugnable de la Révolution dont ils imposent le spectacle au peuple.

 

La culture, bastille du parisianisme et de la Révolution

Depuis plus de 45 ans (le Yalta abandonnant l’Education nationale et la culture à la Révolution est antérieur à l’élection de Mitterrand, c’est lui qui l’a rendue possible), le ministère de la Rue de Valois n’a pas pour objectif de faire vivre des arts, spectacles, qui conviennent aux Français, ni d’entretenir le patrimoine (on a dû lancer un loto, avec Stéphane Bern, à ce dernier effet), mais de nourrir des clientèles d’individus et d’associations politisées et de diffuser la propagande d’une Révolution. C’est ainsi que les centres dramatiques ont liquidé le théâtre, que les DRAC ont imposé l’art conceptuel et pourchassé les peintres qui s’y refusaient, etc. De sorte qu’aujourd’hui, la « culture » ainsi entendue est devenue la forteresse indestructible de la Révolution totalitaire, avec ses prébendiers innombrables et ses apparatchiks. Elle se défend beaucoup mieux que la Bastille en 1789, on l’a vu dans les Pays de Loire quand la très courageuse patronne de la région Christelle Morançais a coupé 10 % du pot commun d’associations politiques, culture, sport, vie associative et égalité homme-femme. Toutes les associations ont crié, la culture n’est pas un luxe c’est un droit, et toute la presse militante, Télérama, Le Monde, etc., a suivi. Comme la Bastille jadis, la culture en France tombe en ruine et ne sert à personne, mais elle demeure la forteresse symbolique de la Révolution.

 

Pauline Mille