Les paris sont ouverts sur la manière dont les supermarchés britanniques vont mettre en œuvre une nouvelle réglementation destinée à lutter contre l’obésité endémique au Royaume-Uni. Des génies du calcul et contrôle ont en effet décidé que la meilleure façon de réduire l’absorption de calories par la population serait de contraindre les détaillants à vendre des paniers moins riches en sucre, sel et matière grasse. Selon un plan qui sera officiellement dévoilé jeudi prochain par le ministre de la Santé Wes Streeting, le panier moyen devra comporter jusqu’à 100 calories de moins, afin de favoriser la vente de fruits et légumes. Cela ne s’invente pas.
Et dire que les mêmes qui prônent la liberté sexuelle tous azimuts en sont à mettre en place les calories limitées et la gourmandise surveillée !
C’est l’Etat-nounou à son paroxysme : imposer une mesure en soi absurde (car les gens achètent ce qu’ils veulent, en tout cas pour le moment), faire passer son application par un intermédiaire, et en rendre ce dernier responsable. Il est en effet prévu de mettre à l’amende les supermarchés qui n’afficheraient pas cette baisse moyenne de 100 calories par panier.
Les supermarchés contraints de limiter la vente de calories
On n’imagine pas la caissière – là où il en reste – enlever d’autorité le paquet de chips ou le soda de trop. D’autant que pour retirer 100 calories, on peut concevoir des scénarios non moins absurdes que la mesure. Ainsi une banane ferait le compte… Mais sans doute, les bases de données aidant et avec un petit coup d’IA, on pourra éviter la censure des aliments décrétés « sains ». Sinon, 25 g de fromage, 28 g de beurre, un petit paquet de chips, deux carrés de chocolat au lait, un grand verre de soda ou une cuillerée à soupe d’huile correspondraient aussi à la quantité à enlever. Pas forcément très facile…
Tout cela va évidemment de pair avec une surveillance de plus en plus tatillonne. Pour vérifier la conformité des pratiques de vente, il est prévu un système de signalement systématique des ventes des produits traqués. Faudra-t-il y inclure la composition des foyers acheteurs ? Et pour le consommateur, justifier d’une réception à venir pour expliquer l’achat en nombre de produits apéritifs ? A quand la pesée obligatoire des aliments en cuisine ou l’implantation d’objets connectés pour déterminer au cas par cas les aliments autorisés à l’instant T ?
Dans son état actuel, le projet de réglementation laissera aux supermarchés le droit de fixer eux-mêmes les moyens pour atteindre les objectifs. On parle de changer la recette de leurs produits de marque de distributeur, de la distribution ciblée de points de fidélité ou de promotions sur les produits les plus sains, parmi les solutions envisagées.
Un système de collecte de données de vente de calories au Royaume-Uni
Mais dans tous les cas, c’est le système de collecte de données qui sera frappé d’obésité, puisqu’il faudra calculer en permanence la valeur calorique précise de chaque produit effectivement vendu selon sa recette de fabrication, et pouvoir en justifier face à l’administration de la santé. Un vrai cauchemar qui pour le coup pourrait faire perdre quelques kilos aux responsables de magasin – ou à l’inverse, leur faire prendre du poids du fait du stress supplémentaire encouru !
Il est vrai que l’obésité est devenue un problème de santé publique outre-Manche, puisque le nombre de personnes qui en sont atteintes a doublé depuis les années 1990 et coûte, selon les estimations, quelques 11 milliards de livres sterling à la NHS (le système de santé socialisé du Royaume-Uni) chaque année. Plus du quart de la population en souffre désormais.
Vertueusement, des partisans des nouvelles obligations pesant sur les détaillants affirment préférer la prévention aux soins en rendant le choix d’une nourriture saine plus facile.
Calories limitées dans les supermarchés et surveillance obèse
Mais les géants de la distribution prévoient déjà les effets indésirables de la solution proposée : elle va engendrer des coûts de gestion plus élevés, et donc, dans une profession où les marges de profit sont étroites, une hausse des prix de l’alimentation en général et l’arrêt des ouvertures de nouveau supermarchés, sans que rien ne garantisse qu’un quelconque changement de consommation en résulte.
Quand on sait que la sédentarité, la manière de prendre ou de ne pas prendre ses repas en famille, la présence de certains additifs, la constitution génétique, le manque de sommeil et bien d’autres facteurs peuvent jouer un rôle prépondérant dans la prise de poids – et qu’en outre les recommandations alimentaires ne cessent d’évoluer – on peut penser que c’est le bon sens qui manque le plus.
Mais dans notre marche forcée vers le totalitarisme de tous ordres, tout cela est finalement fort logique. En 2017, RITV racontait déjà comment on fliquait les paniers-repas des enfants, au nom d’un moralisme envahissant.