La climatisation : un si grand ennemi dans la lutte contre le « changement climatique » ?

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Dans notre France arc-en-ciel, il est bon d’être engagé, quitte à tomber dans la contradiction. Et la lutte contre le changement climatique en fournit de merveilleux exemples, car les aberrations logiques n’ont jamais fait peur aux écologistes. Quant aux accommodements brouillardeux, ils les accumulent – l’essentiel est d’être acquis à la cause…

Prenez la climatisation. Nombreux sont ceux qui en ont fait un cheval de bataille, telle Anne Hidalgo aux derniers Jeux Olympiques de Paris, qui avait, par principe, refusé de faire installer la moindre climatisation électrique dans les chambres des athlètes, lui préférant d’autres moyens plus naturels (pas vraiment efficaces). Et les Français sont nombreux à la suivre dans les sondages, qui dénoncent un luxe énergivore, une folie consumériste à fuir… Ce qui, sous certains angles, dans certaines circonstances, n’est pas faux.

Seulement, à prendre de la hauteur, ce n’est pas toujours aussi clair. Et si ça faisait surtout bien de montrer qu’on souffre pour la planète ? Que, obéissant à l’impérieuse nécessité de décarboner jusqu’à plus soif, on chauffe délibérément moins en hiver et on ne refroidit pas en été ? Et cela, même si le génie humain qui a toujours su s’accommoder de toutes les situations que la nature lui imposait, trouve sans cesse de nouvelles solutions ?

Ce « changement climatique », on a un peu l’impression qu’il faille le subir, coûte que coûte.

 

La France, pays tempéré, n’aime pas la climatisation

Il y a quand même de quoi se perdre. Le mois de juin a été magnifique, le mois de juillet continue sur sa chaude et belle lancée. Et nombre d’articles ont agité ces derniers jours le nombre de morts engendrés par les différentes canicules depuis le début du XXe siècle, à commencer par la canicule de 1911 qui aurait fait plus de 45.000 morts, dont une majorité d’enfants. Une réalité qui prouve déjà, en passant, que les épisodes caniculaires ne datent pas d’hier et ne sont pas à lier de « toute évidence » à un réchauffement provoqué par l’homme et son utilisation des énergies fossiles.

Sans voir dans la hausse des températures une abomination en règle et l’arrivée inéluctable d’un personnage drapé portant une faux, on peut affirmer que, oui, il faut se prémunir contre la chaleur, qu’elle peut être meurtrière, qu’il faut donc en préserver les plus vulnérables et les plus fragiles, à savoir les plus petits, les plus âgés, les malades… Et nous sommes bien plus capables de le faire, aujourd’hui, avec les moyens du XXIe siècle.

Pourtant, la climatisation est très visiblement à bannir, en France. Et si, selon l’Ademe, le pourcentage de Français équipés est passé de 14 % en 2016 à 25 % en 2020, il reste que le pays est sous-équipé en climatisation, contrairement, par exemple, aux Etats-Unis ou au Japon, équipés à plus de 90 %, ou même à l’Espagne ou à l’Italie où le taux dépasse les 60 %.

 

La climatisation, une aberration écologique ?

Les Français sceptiques auraient-ils raison ? Peut-être. Selon un sondage d’OpinionWay, en 2021, 75 % des personnes interrogées ont déclaré qu’ils n’envisageaient pas de se munir d’un climatiseur, pour des raisons économiques (à 66 %) ou écologiques (41 %). Aujourd’hui, ils sont 58 %, nous disent Les Echos, à préférer « souffrir de la chaleur plutôt que d’installer un climatiseur afin de protéger l’environnement ».

Il est certain que sur les 2,8 milliards de personnes habitant dans les pays les plus chauds de la planète, seuls 8 % vivent actuellement dans des logements climatisés. Nous autres, habitants de pays tempérés, ne sommes décidément pas les plus à plaindre (même si nous connaissons plus de vagues de chaleur qu’auparavant, sans que la cause en soit forcément d’origine anthropique). Mais cette situation est sur le point de changer : selon l’Agence internationale de l’énergie, environ deux tiers des foyers mondiaux pourraient être équipés d’ici 2050.

Parce que la technologie devient plus accessible et plus moderne. Et que si l’on peut obtenir une chaleur moindre, des risques pour la santé seront évités, le confort sera renforcé, la productivité accrue. Et ce ne sera pas forcément au détriment complet de la couche d’ozone.

C’est le sens du propos tenu par le blog aurealibe.com qui tente de déconstruire toutes les idées reçues sur la climatisation, en mettant en exergue l’impact économique majeur qu’elle a sur le développement. Il rappelle le cas emblématique de Singapour, ce micro-Etat, situé en zone équatoriale, qui a bâti en quelques décennies une économie archi performante dans un climat où les températures et l’humidité rendent le travail sans rafraîchissement quasi impossible : « Lee Kuan Yew, son fondateur et ancien Premier ministre, le résumait ainsi : “La climatisation est la clé du progrès. Elle a changé la nature de la civilisation.” »

 

Tous les ennemis sont bons dans la lutte contre le changement climatique

Selon l’auteur de l’article, tous les propos stigmatisant le « luxe égoïste » de la climatisation sont obsolètes. La climatisation moderne ne consomme plus beaucoup d’énergie, « surtout lorsqu’elle repose sur un mix électrique décarboné, comme c’est le cas en France grâce à l’énergie nucléaire, et qu’elle est utilisée de manière responsable ». Et il s’agit, le plus souvent désormais, de pompes à chaleur air/air capables à la fois de rafraîchir l’air en été et de chauffer en hiver : des modèles donc réversibles.

Son principe n’est pas mauvais en lui-même, ne faisant que déplacer la chaleur (puisque la climatisation fonctionne comme un réfrigérateur). Et, en France en particulier, l’utilisation d’un climatiseur en génère peu d’émissions de CO₂, puisqu’« entre 94 et 98 % de l’électricité produite est d’origine non fossile, grâce à une combinaison de nucléaire (environ 63 %), d’hydraulique (11 à 12 %) et d’énergies renouvelables intermittentes telles que l’éolien et le solaire ». Il peut même jouer un rôle d’outil d’équilibrage du réseau, quand le pays est en situation de surproduction électrique, comme ça arrive fréquemment l’été.

Enfin, les gaz frigorigènes contenus dans les climatiseurs modernes ne participent pas au refroidissement par combustion ou émission, mais uniquement par transfert thermique dans un circuit fermé. Et, très contrôlés par l’Union européenne, ils ont aujourd’hui un faible impact climatique.

Or donc, que l’on puisse réfléchir aux conditions d’utilisation d’un tel outil, est loin d’être inaudible : le sens de l’économie, y compris énergétique, a toujours fait partie de la gestion dite « en bon père de famille », que ce soit au niveau du foyer ou à l’échelle du pays. Mais qu’on le dégage comme un malpropre, sans autre forme de procès, pose question. Comme si l’homme devait être désormais la victime permanente du climat dont il a prétendument osé perturber le cours…

 

Clémentine Jallais