Le secrétariat du synode vient de mettre en ligne les rapports d’étapes des différents groupes de travail créés à la suite du synode sur la synodalité. On avait bien compris que la volonté du pape François, mort avant que le processus n’ait pu arriver à son terme, était d’installer la logique de ce qu’il appelait l’« Eglise synodale à tous les niveaux de la hiérarchie ». Parmi les onze groupes, l’un a pour thème de travail « Ecouter le cri des pauvres », et un autre, « Les formes spécifiques du ministère » (c’est celui qui se penche sur le rôle des femmes dans l’Eglise) Celui qui a retenu mon attention s’intitule : « Critères théologiques et méthodologie synodale pour un discernement partagé de questions doctrinales, pastorales et éthiques controversées. »
Vu que le coordinateur du groupe se trouve être le cardinal péruvien Carlos Gustavo Castillo Mattasoglio, on peut s’attendre au pire. Et surtout se demander ce qui sera fait de tout ce travail lorsqu’il passera entre les mains du pape Léon XIV qui a donné de discrets signes de vouloir définir la synodalité – pour l’heure il s’agit d’un OVNI conceptuel – pour en retirer les aspects délibérément révolutionnaires.
Le groupe de travail du synode n’aime pas les questions « controversées »
Castillo Mattasoglio, qui avait été mis en selle après l’éjection du cardinal conservateur de Lima, Juan Luis Cipriani Thorne, est réputé avoir été très proche de François. C’est un sectateur de la théologie de la libération, un progressiste avéré, un homme qui rêve de l’avènement de l’Eglise post-cléricale. En avril dernier, RITV soulignait comment le cardinal Castillo s’en était pris aux fidèles de la messe traditionnelle en pleine messe, les accusant de se prendre pour « de la divine pommade ». C’est peu de dire que sa théologie du sacrifice de la messe laisse à désirer. Ne disait-il pas à cette occasion : « Jésus ne meurt pas en offrant le sacrifice d’un holocauste, il meurt comme un laïc assassiné, ce à quoi il accepte de ne pas répondre par la vengeance, et qui accepte la croix pour nous donner un signe de vie… Et il meurt comme un laïc qui donne de l’espoir à l’humanité » ?
Cerise sur le gâteau, en juin dernier, le cardinal Castillo a été accusé de couvrir des inconduites sexuelles au séminaire de l’archidiocèse et d’avoir exercé des représailles à l’encontre de séminaristes qui avaient accusé un ancien recteur d’avoir manqué au respect des « limites personnelles ». Il est aussi montré du doigt pour des affaires de mauvaise administration du diocèse et se trouve au centre d’un scandale de gestion contestable de la plainte d’une religieuse contemplative accusant un prêtre supposément proche du cardinal de l’avoir manipulé sur le plan sexuel. On ne peut évidemment se prononcer sur le fond de ces affaires, mais souligner que même le site d’information religieuse très lisse, zenit.org, n’a pas manqué de critiquer le cardinal à cette occasion.
Progressisme (et théologie de la libération ?) au menu du groupe de travail
Quoi qu’il en soit, le progressisme de Castillo Mattasoglio est suffisant pour comprendre la tournure que prend le groupe d’études du synode sur les questions « controversées ».
Première remarque, les participants au groupe n’ont pas apprécié le mot « controversé ». Ils préfèrent désigner les questions étudiées comme « émergentes », de manière à leur appliquer une dimension opérationnelle. Parmi elles, « l’homosexualité », « les conflits et la pratique non violente de l’Evangile », « la violence contre les femmes dans les situations de conflits armés ».
L’objectif affiché de ces réflexions est de parvenir à une « conversion de la pensée » et une « transformation des pratiques dans la fidélité contextuelle à l’Evangile de Jésus, qui est le même hier, aujourd’hui et pour toujours ».
Je vous épargne le pesant charabia déployé par le rapporteur au sujet du temps passé (« un investissement significatif ») à cerner le sujet au cours de multiples rencontres et visioconférences, ses liens avec l’approche d’Amoris laetitia, le « voyage » entrepris, ses « défis », la difficulté de passer du « quoi » au « comment ». Il y est question de « l’insuffisance des concepts disponibles », de la « résistance (pas toujours consciente) au changement d’habitudes mentales et pratiques et des tensions qui entourent les moyens pratiques proposés pour parvenir à un but partagé tout en valorisant la diversité ».
D’une telle Novlangue, quel bien pourrait-il en sortir ?
Les questions controversées ont pris la tête des pères synodaux
Pour l’heure, et au bout de plus d’un an de travail, le groupe n’a abouti qu’à l’établissement d’une « structure proposée du Document » final. Cela passera notamment par la clarification du « glissement de paradigme » attendu dans la continuité de Vatican II et de la nouvelle phase d’évangélisation dessinée par Evangelii Gaudium, et qui « émerge avec l’expérience synodale ».
Tout cela pour mettre en œuvre trois « dynamiques » : la « conversion relationnelle » à tous les niveaux de l’Eglise, « la dynamique partagée de l’apprentissage » et « la pratique de la transparence comprise non seulement au sens managérial mais en tant qu’expression des principes enracinés dans l’Ecriture Sainte ».
Les voici également dotés d’un « principe de pastoralité », ces fonctionnaires de la synodalité : « Il ne peut y avoir de proclamation de l’Evangile de Dieu sans la reconnaissance et la promotion de la subjectivité de l’autre, accompagnée d’une attitude d’hospitalité et de responsabilité vis-à-vis de l’interlocuteur. »
Le synode sur la synodalité et « l’ecclésiologie du Peuple de Dieu »
Sans surprise, cela s’appuie sur « l’ecclésiologie du Peuple de Dieu » dégagée par Vatican II : « Dans ce cadre, le ministère et l’autorité doivent également trouver leur place, remplissant leur rôle précisément dans la mesure où ils écoutent et favorisent l’action du Saint-Esprit au sein du Peuple de Dieu et des individus. Le principe de pastorale définit une sorte d’“ecclésiologie fondamentale”, dans la continuité de l’ecclésiologie du Peuple de Dieu. »
La suite sombre dans un galimatias encore plus déplorable autour de la « conversation dans l’Esprit » qui « ne doit être ni absolutisée ni mécanisée » et trouver des moyens de « gérer la résistance »…
Quant aux questions « controversées », ou plutôt « émergentes », il s’agira de les aborder non seulement du point de vue de l’Ecriture Sainte, mais de « l’anthropologie » et aussi des « contributions des disciplines scientifiques » : on nous ressort la mécanique utilisée pour instaurer la théologie de la libération en Amérique latine.
Tout cela, c’est du verbiage ? Je ne vous le fais pas dire. L’ennui, c’est que les paroles ont du poids. Constatons à quel point celles des « pères synodaux » sont éloignées de la limpidité et de la force de l’Evangile…











