Les gens du Monde sont ceux du quotidien du soir, Le Monde. Ils sont suivis par des documentaristes durant leur propre travail quotidien à la fin de l’hiver et au printemps 2012, surtout concentrés sur l’élection présidentielle. Le film présente un intérêt particulier pour les journalistes, qui découvrent les moyens considérables, payés surtout par la publicité et les subventions publiques, du journal officieux de la République. Le Monde possède de vastes locaux, des effectifs nombreux – plusieurs centaines de journalistes –, des envoyés spéciaux, véhiculés par avion y compris en France.
La pensée unique est déployée dans toute sa splendeur, mais Les gens du Monde permet de creuser le sujet, d’appréhender les croyances réelles de la Pravda de la France d’aujourd’hui. Le plus à droite y est un ultralibéral, libéral en tout, y compris pour les mœurs ; il est seul de son espèce. Une opposition très à gauche, nombreuse, bruyante, se fait qualifier de kolkhozienne par le directeur de rédaction ce qui la définit assez bien. Les dirigeants semblent monolithiques, favorables à l’Union Européenne, au libre-échange, au mondialisme et au libéralisme économique et sociétal. Ils osent mettre Mélenchon sur le plan du démagogue absurde, au niveau de Marine Le Pen, ce qui indigne hautement les kolkhoziens.
L’hypocrisie fondamentale du Monde, qui se proclame purement informatif et non-partisan, est d’ailleurs explicitement dénoncée en interne, et c’est montré. La majorité des rédacteurs exige un soutien déclaré à François Hollande. Le directeur de rédaction le refuse plus ou moins, sur le principe, et arguant de la nullité de la campagne du candidat socialiste. Il en résulte un éditorial illisible avant le second tour : le soutien à François Hollande sera assorti de réserves, discret au point de ne pas le nommer. Ainsi s’exprime l’hypocrisie du Monde.