On peut dire qu’il est spécialiste des crises financières – et du tirage de ficelles. Tim Geithner, secrétaire du Trésor sous Obama de 2009 à 1013 et aujourd’hui 9e président de la Federal Reserve de New York, a lâché son opinion sur l’Union européenne. Ses invectives, même : les rushes de ses déclarations en vue de l’écriture d’un Mémoire sur les crises financières, sont d’une rare agressivité verbale à l’égard des leaders de l’Union européenne. Ils ont été récupérés par Peter Spiegel, du Financial Times.
Oui, à l’en croire, les leaders de l’UE ont voulu punir la Grèce pour faire la leçon aux Grecs, menteurs, affreux, profiteurs : « “Nous allons les écraser” ; c’était leur attitude à tous », témoigne Geithner. « Puisque vous y tenez, allez-y » aurait-il répondu. Mais non sans garantir que la crise grecque ne s’étendra pas plus loin.
« L’UE a pataugé pendant trois ans » accuse Tim Geithner
« J’avais complètement sous-estimé la possibilité de les voir patauger pendant trois ans. Il me semblait inconcevable qu’ils laisserait la situation empirer comme ils l’ont fait », raconte Geithner. Les leaders européens avaient envie de passer leur « colère » sur les Grecs, mais « ils alimentaient le feu » qui couvait, accuse l’ex-secrétaire du Trésor.
Incompétents, incapables de prévoir les conséquences de leurs actes : c’est ainsi que Geithner voit les responsables de l’UE à qui il a remonté les bretelles – dit-il toujours – au moment où Sarkozy tentait d’empêcher l’union fiscale chère à Merkel en lui concédant la mise en place de « haircuts » (retenir une partie de la somme prêtée comme garantie) sur les détenteurs de bons souverains : « Vous allez accélérer la fuite (des capitaux) hors de l’Europe – personne ne prêtera un dollar ou un euro à un gouvernement européen qui soit faible à cet égard. » Trichet, à la BCE, en était devenu « apoplectique », furieux contre les chefs d’Etat européens, raconte Geithner.
Les manœuvres de Sarkozy et Merkel
Il explique aussi comment Sarkozy – en pleine campagne électorale – et Merkel ont approché les Etats-Unis pour les aider à « virer » Berlusconi sous peine d’arrêter le flux de fonds du FMI ou d’autres aides. « J’ai dit non », assure Geithner.
L’« amateurisme » de Draghi ?
Et Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, assurant qu’on sauverait l’euro à « n’importe quel prix » face aux banques et responsables de hedge funds qui pensaient que l’Europe allait se désagréger ? Eh bien, c’était une déclaration non préparée, assure Geithner, qui ne reposait sur rien, qui n’annonçait aucun plan. « Mais ils y ont cru… »
C’est donc ça, l’Europe ? C’est ainsi que les politiques agissent à l’émotion, sans réfléchir, quitte à détruire un pays ? Et c’est ainsi que les banques centrales se trouvent entravées lorsqu’elles cherchent les « bonnes » solutions qui ne viendraient même pas à l’esprit des politiques ? C’est finalement encore un épisode de la lutte d’influence entre la finance et le super-pouvoir…
On n’est pas obligé de se pâmer devant les politiques pour oser penser que les responsables de banques centrales savent aussi faire des plaidoyers pro domo, en lâchant au public ce qu’ils pensent bon pour l’édification de celui-ci… Ou pour voir dans ces déclarations inhabituelles un épisode de la lutte entre Anglo-Saxons et Européens.