Sarkozy, Lemaire et Mariton, les trois candidats à la présidence de l’UMP, planchaient samedi devant l’association Sens commun sur l’abrogation de la loi Taubira instituant le mariage pour tous. En s’y disant favorable du bout des lèvres sous la pression de la salle, l’ancien chef de l’Etat a déclenché un hourvari dans les médias puis dans toute la classe politique : la morale mondiale ne permet pas qu’on revienne sur une loi « sociétale », même en paroles.
Sens commun s’est donné pour tâche de faire aboutir les exigences de la Manif pour tous dans le programme de l’UMP. C’est un choix. Hervé Mariton, fervent des manifestations, a clairement affirmé, depuis le départ, qu’il était favorable à l’abrogation de la loi Taubira. Hervé Lemaire, rejoignant ainsi la plupart des caciques politiques français, de droite et de gauche, a rappelé non moins clairement qu’il s’y opposait. L’inconnue était Sarkozy, qui s’est peu exprimé sur la question et s’en tenait jusqu’à présent à une « réécriture » de la loi, ce qui permet de tout imaginer. Poussé dans ses retranchements samedi, il a fini par admettre qu’il fallait « abroger » la loi, ajoutant qu’utiliser ce terme au lieu de récrire entièrement le texte « ne coûte pas très cher ». Il aurait pu ajouter que cela ne mange pas de pain. On sait comment lui président a tenu ses promesses de 2007. On sait aussi qu’au delà d’une présidence de l’UMP dont on ne voit pas comment elle pourrait lui échapper, il vise la primaire de l’UMP : son principal adversaire est Alain Juppé, qui, lui, préconise le maintien de la loi Taubira sur le mariage pour tous. C’est donc une façon de se démarquer de lui sur un sujet sur lequel il sait que la majorité des militants UMP ne pense pas comme le maire de Bordeaux.
Malgré des sondages bidon, les Français sont pour l’abrogation de la loi Taubira
Plus encore, Sarkozy, qui est un fin démagogue, a fort bien compris que l’une des raisons principales du désamour des Français pour la politique et de leur évasion vers l’abstention ou le Front national est qu’ils ont l’impression que leurs votes successifs ne servent à rien, et qu’en particulier la « droite » ne défait jamais ce que fait la « gauche » (voir la peine de mort, l’immigration, et même les trente-cinq heures). Avec son petit bout de phrase sur l’abrogation de la loi Taubira, Sarkozy a voulu donner à penser aux Français que cela servait à quelque chose de voter, que pour une fois, on reviendrait sur ce qu’a fait le gouvernement socialiste. L’ancien chef de l’Etat est le papier Tournesol de l’électorat français, il prend la couleur qu’indique la majorité, il l’avait montré dès 2005 en parlant de passer au Kärcher les banlieues sinistrées, ou en 2007 en siphonnant sur les thèmes de l’immigration et de l’insécurité soufflés par Patrick Buisson l’électorat de Jean-Marie Le Pen. Il sait très bien que les sondages lancés par le système comme un signal de détresse (68% des Français seraient pour le mariage gay et même 58% des électeurs UMP) sont bidon. Bien sûr, cela ne l’empêcherait pas d’inverser la vapeur une fois élu, ou même dès le deuxième tour de la présidentielle s’il affrontait d’aventure Marine Le Pen, pour mieux « rassembler » autour de lui la « droite » et la « gauche » contre le fascisme. Tout cela est de la politicaillerie française.
Beaucoup plus intéressante, fondamentale, même, a été la réaction de la classe médiatique puis politique. Le mot d’ordre a été donné, et tout de suite appliqué, de flinguer Sarkozy pour avoir, même l’espace d’une courte phrase, même par raccroc, même sans y croire, osé préconiser l’abrogation de la loi Taubira. LCI, la télé d’information continue qui se présente comme indépendante et laisse dire qu’elle est plutôt de « droite » a aussitôt ouvert le feu d’une manière hallucinante. Elle a aussitôt passé quinze secondes de Sarkozy à la tribune, où il avait l’air plutôt embarrassé, pour donner la parole à l’un des deux députés UMP qui a voté la loi Taubira, Franck Riester pendant cinq pleines minutes d’horloge, ce qui est énorme dans ce cadre. Sur le thème, ce n’est pas un chef puisqu’il se laisse entraîner par la salle, Lemaire et Mariton, eux, sont fermes, les propos sont clivants, etc… Et pas un mot de commentaire de la présentatrice ni d’aucun journaliste, ni même dix secondes d’un autre politique, ou d’un quidam, qui aurait pris si peu que ce soit la défense des propos de Sarkozy.
Médias et politiques condamnent Sarkozy
C’est une façon de traiter l’information connue, mais en général réservée à l’extrême droite, à Jean Marie Le Pen notamment : témoignages à charge exclusivement et réquisitoire. Encore n’était-elle qu’un hors d’œuvre. Les politiques ont suivi. Unanimes. Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, celui qui interdit les grenades offensives, a ironisé sur la faiblesse de l’ancien président, qui « épouse les convictions de la foule ». François Hollande a tenu, de l’Australie où il suivait le G20, à dénoncer le côté boutefeu de son concurrent en appelant à « l’apaisement » et au « consensus ».
Encore étaient-ils dans leurs rôles. Mais c’est de la « droite » que la volée de bois vert est venue. Fillon, l’homme qui déjeune chez Ledoyen a choisi une raison juridique pour condamner son adversaire à la primaire : « On ne pourra pas abroger la loi, le Conseil constitutionnel s’y opposera ». Un argument à retenir. Mais inutile de citer tous les opposants à Sarkozy, ne regardons que vers ses partisan. Nathalie Kosckusko-Morizet, l’une des chouchoutes de l’ancien chef de l’Etat, a immédiatement pontifié : « Je ne suis pas d’accord avec cette orientation. L’abrogation de la loi Taubira n’est ni souhaitable ni possible. Valérie Pécresse, qui l’a choisi pour candidat, juge que l’abrogation de la loi Taubira n’est pas « humainement réaliste ». Christian Estrosi, le maire de Nice, exclut de revenir sur le mariage gay, où il voit « une avancée ». Nadine Morano elle-même, le fidèle molosse de garde de Sarkozy, a twitté que « les Français attendent d’autres priorités que la réécriture de la loi Taubira. » Jusqu’à l’obscur ancien secrétaire d’Etat réputé très proche de Sarkozy qui a invité son patron, sur un blog plein de grosses fautes d’orthographe, à ne pas rouvrir « de faux débats » ni « une plaie non cicatrisée ». C’est tout à fait clair : quand Sarkozy admet l’abrogation de la loi Taubira, la réponse est immédiate, locale et mondiale à la fois. Le président de la République se dérange de ses conversations au sommet pour le tancer, la presse le massacre, et les sarkozystes deviennent antisarkozystes.
Une telle unanimité dans la leçon de morale donne à réfléchir. Pour provoquer une telle sanction, Sarkozy a dû franchir l’une de ces lignes rouges invisibles, mais d’autant plus indiscutables qu’elles demeurent secrètes. Et cette ligne rouge n’est pas bien difficile à déceler.
Qui anime la nouvelle morale mondiale ?
L’ancien ministre de la santé Roselyne Bachelot, présentement chroniqueuse à la télévision, l’une des femmes de « droite » les plus adulées par la « gauche » et les médias, vient de donner une interview au quotidien gratuit Vingt Minutes sur la « bataille d’idées qu’elle gagnée » sur le mariage pour tous. Elle a rappelé qu’elle a mené ce combat « de longue main » en opposition avec ses militants et ses électeurs, et, après bien des considérations sentimentales destinées à jeter de la poudre aux yeux, elle termine sur une phrase couperet, qui a un vrai contenu : « Ces lois sociétales ont un effet cliquet, on ne reviendra jamais dessus. » Effet cliquet, tout est dit. Elle ne prend pas la peine de justifier par aucun argument d’aucune sorte la non-réversibilité de la loi (alors que l’adage commun dit : ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire). Elle parle de cliquet : une fois que la loi est passée, le dispositif est verrouillé. La volonté populaire n’y fait rien et n’a rien à y faire. On l’a vu en Espagne, où une majorité politique nette et apparemment déterminée avait promis à un corps social qui avait indiqué sa volonté sans ambiguïté une modification substantielle de la loi sur l’avortement. Le gouvernement Rajoy a finalement été contraint de renier sa parole, alors que le projet était politiquement viable et techniquement abouti, au point que le ministre de la justice a dû démissionner. Une loi supérieure à la loi des électeurs, une loi supérieure à la souveraineté nationale s’y oppose. Sarkozy a transgressé un interdit majeur en laissant croire que les Français pourraient s’affranchir de cette loi.
Quelle est cette loi ? Si l’on restait dans un système juridique cohérent, dans le cadre politique national, cette loi ne saurait être que le code suprême de la république française, la Constitution. C’est ce que feint de croire d’ailleurs le bon François Fillon en disant que « le Conseil constitutionnel s’opposera » à l’abrogation de la loi Taubira. Mais nul article de la Constitution n’interdit l’abrogation de la loi Taubira. On sait en revanche que le Conseil constitutionnel est un organe politique, voulu tel dès l’origine, qui prend texte de tel passage d’un préambule philosophique pour justifier telle position qui lui convient, dans une extension abusive de son interprétation juridique. Dès lors, par hypothèse, dès qu’une forte majorité se serait dessinée pour l’abrogation de la loi Taubira, en modifiant la Composition du conseil et en montrant à ses membres leur intérêt bien compris, on obtiendrait d’eux l’obéissance nécessaire à viser la loi d’abrogation, comme « on » obtient toujours de lui ce que l’on veut.
L’ONU, l’UE, etc : le consensus qui condamne le Sens Commun
La question est : qui est « on » ? En d’autres termes, si Constitution n’est pas la Bible du Conseil constitutionnel, quelle est la philosophie qu’il tire du préambule pour toujours « bien » juger ? Poser la question, c’est y répondre. Les lois dites sociétales se signalent par au moins deux propriétés caractéristiques. Un, elles provoquent, après un fort travail de l’opinion par les médias et les associations ad hoc, un « consensus » droite gauche chez les politiques. Le mariage pour tous est passé par le conservateur Cameron en Grande Bretagne et par le socialiste Hollande en France. Deux, elles suivent un filière politique mondiale : des ONG et des sociétés de pensée d’inspiration mondiales les promeuvent à l’ONU, qui les inscrivent à son agenda, où elles font l’objet, précisément, d’une « conférence de consensus » et cela redescend par le biais d’autres institutions internationales jusqu’aux nations. Le mariage gay a ainsi été imposé par l’ONU via le conseil de l’Europe et l’UE, et l’on voit le bras de fer qui a lieu en Afrique avec des peuples et des gouvernements qui renâclent. On aura noté, comme François Fillon, le rôle des juges de diverses juridictions dans ce processus : en Ouganda, c’est la Cour suprême qui a retoqué une loi votée et sanctionnée par le président. En Europe, c’est la CEDH, qui est la gardienne sourcilleuse du dogme.
Le mot dogme vient naturellement sous la plume, car cette morale mondiale véhiculée par tous les politiques avancés, tous les médias et sanctionnée par tous les juges est de nature religieuse. C’est un nouvel homme que l’idéologie maçonne est en train de créer. Un homme maître de ce qu’il souhaite devenir, maître de son sexe, de sa mort, de son cerveau et de la manière dont il se soumet à la machine. Un homme que ne retient pas plus le sens commun que le ridicule. 54 de ces « hommes » viennent d’accoucher en Australie, comme on pourra le lire en détail dans un article connexe : et personne ne pleure ni ne rit. Cela passe comme une lettre à la poste. On ne reviendra pas en arrière, comme le disent madame Bachelot et monsieur Fillon. A moins de balayer le système.