Les marchés ont marqué leur déception, jeudi, en reculant assez nettement après les annonces du président la Banque Centrale européenne, Mario Draghi, qui a fait savoir qu’une décision sur un éventuel programme de rachat de dette souveraine afin de relancer l’économie de la zone euro n’était pas à l’ordre du jour avant le début de l’année prochaine. Les analystes y voient le ratage du virage monétaire attendu, et ce d’autant plus nettement qu’ils étaient orientés à la hausse avant que Mario Draghi ne prenne la parole.
Les marchés moroses après le discours de Mario Draghi
À Paris, la chute a été particulièrement sensible, le CAC 40 ayant perdu 67,97 points (soit 1,55%) à 4.323,89 points. Mais Londres (0,55%) et Francfort (1,21%), malgré une résistance plus nette, n’ont pas su résister au pessimisme, voire au découragement des investisseurs.
Que faire d’autre, puisque la Banque Centrale européenne a tout pouvoir en la matière ? La morosité est d’autant plus aiguë que Mario Draghi a indiqué qu’il ne s’agirait, début 2015, que de juger de l’opportunité de mettre en œuvre de nouvelles mesures, précisant que ce point de vue avait fait l’unanimité au conseil des gouverneurs. Ce sera : si nécessaire…
Le problème est de déterminer ce qu’est la « nécessité » sur ce sujet, et de savoir qui est juge en la matière. De façon récurrente, en effet, la Banque Centrale européenne se trouve en opposition, sur ces questions, avec les représentants des Etats-membres de l’Union.
Pour l’heure, l’institution monétaire veut prendre le temps de mesurer l’impact de ses décisions déjà entrées en vigueur, à commencer par celui de ses taux historiquement bas. En prenant, bien sûr, en compte la nouvelle dégradation des perspectives de croissance et d’inflation selon les dernières prévisions de ses services. Parmi ces chiffres, la croissance n’est plus estimée qu’à 1,0% l’année prochaine, en net repli donc par rapport au 1,7% donné au début de l’automne.
La Banque Centrale européenne fait la pluie et le beau temps…
Ce faisant, et quelles que soient ses raisons (de la baisse du pétrole au rigorisme économique de l’Allemagne), Mario Draghi renforce l’incertitude des marchés. Et le déséquilibre d’un certain nombre de pays, à commencer par la France.
Répondant cette semaine aux questions de l’agence Reuters, Jacques Attali a estimé que notre pays, du fait de son retard grandissant en matière économique, aurait bien du mal à sortir de l’impasse. « Les retards accumulés sont gigantesques et l’équation est presque devenue impossible, puisque réduire les déficits c’est précipiter le pays dans la dépression et ne pas les réduire c’est précipiter le pays dans le surendettement », affirme-t-il.
La critique de Jacques Attali
L’ancien conseiller de François Mitterrand va plus loin, en estimant que le respect de la règle européenne des 3% du PIB, en l’état actuel, risque de mettre la France en dépression.
Faisant appel aux mânes de Churchill, il ajoute, en forme de souhait : « Rien n’est possible sans une volonté. C’est pour cela que j’en appelle aujourd’hui à un gouvernement de salut public. »
Retour sur l’histoire ? Peut-être. Mais en pratique, Jacques Attali scie la branche sur laquelle il prétend maintenir la France, en réfutant d’emblée l’union nationale. « (…) ça peut très bien se faire avec l’actuel Premier ministre, précise-t-il ; mais ça ne doit surtout pas être un gouvernement d’union nationale, parce que ça serait servir d’ouvre-boîte à la question du Front national au pouvoir. »
Effectivement, si l’on commence à trier entre les « bons » et les « mauvais » Français, c’est plutôt du Comité de salut public qu’il convient de faire mémoire…