Le candidat François Hollande s’est déplacé spécialement, juste avant Noël, dans l’archipel français de Saint Pierre et Miquelon, à quinze miles de l’île canadienne de Terre Neuve, pour préparer sa « reconquête » électorale en vue de la présidentielle de 2017. Il s’est posé en père rassembleur de la nation à travers un exercice classique de démagogie locale doublé de rhétorique à usage mondial, dont il est spécialiste depuis la Corrèze.
Federico Fellini prétendait que Rome est le lieu idoine pour attendre la fin du monde : Saint Pierre et Miquelon sont le bon endroit pour mesurer le déclin de la France. Cette petite collectivité d’outre-mer étendue sur 242 kilomètres carrés et peuplée de 6.500 habitants, perdue dans l’Atlantique nord, est le dernier confetti qui subsiste de l’immense Nouvelle France conquise par Cartier et Cavelier de la Salle. Quelques chalutiers subventionnés par l’Etat sont tout ce qui demeure de l’épopée des Basques, Malouins et Bretons partis pendant quatre cents ans à la chasse à la baleine franche et à la pêche à la morue sur le grand banc et le bonnet flamand. Quand la brume se lève, aussi vite qu’elle est tombée, on a la surprise de se trouver nez à nez avec un magnifique fronton de pelote, ou sur l’enseigne d’un des nombreux bars nostalgiques de la grande époque de la prohibition américaine, quand les contrebandiers venaient se fournir à Saint-Pierre et Miquelon. Ces troquets battus par le blizzard ont ravivé la tristesse d’un Schöndörffer dans son excellent Crabe-Tambour. Sur la fin des années quatre-vingt, quand la grande pêche a périclité, il n’était pas rare de voir une population désespérée s’y battre avec entrain, femmes comprises. Depuis, l’Etat a fait du traitement social de la crise, tous ses services s’y trouvent représentés, département, région, préfecture, Ifremer, etc., et la construction du CHU a donné du boulot aux locaux, qui n’en continuent pas moins à pester contre ces p… de Mayous, entendez les métropolitains. Une population naguère forte et frondeuse a pris l’habitude de cette assistance pour assurer l’emploi, elle ne jette plus le préfet dans le port en guise de bienvenue. Et les badauds sont venus serrer la main de François Hollande avec plus de spontanéité que ceux de Tulle. Ce n’est pas qu’ils croient trop à ses promesses, mais un président qui passe, ça fait de l’animation, et un candidat parti à la reconquête de son électorat pour la présidentielle de 2017, ça se suit avec intérêt : il peut y avoir quelques cadeaux qui tombent de la hotte du père Noël.
Pépé Noël Hollande candidat en reconquête
Pépé Noël s’est montré martial et remonté à bloc, regonflé par un sondage qui lui prête dix-sept pour cent d’opinions favorables en France, soit quatre de plus que la dernière fois. Il est parti au bout du monde, il a voyagé au bout du brouillard, pour entretenir des populations captives sur une île de ses petits problèmes politiciens en des termes de général en chef. Finis les longs mois où il se contentait « d’encaisser », il veut maintenant « avancer », prêt à « se battre » pour la « reconquête » de l’électorat en vue de 2017. Ni le chômage qui croît, ni la dette qui s’envole, ni la grogne des Français, ni les difficultés internationales n’entament sa mâle résolution. Ni même les folles attaques de Nantes, Joué-lès-Tours et Dijon perpétrées au cri d’Allahou Akbar si cher aux terroristes islamistes. Celles-ci lui ont seulement fourni l’occasion d’une attaque contre… Eric Zemmour, dont voici l’essentiel : « Il faut rappeler ce que sont les principes de la République et les valeurs que nous portons, a-t-il encore confié. Ce n’est pas un camp politique contre un autre. Mais il s’agit de ce que la France a été et sera. (…) Ce n’est pas chasser d’autres Français, diviser la France ». On se demande ce qu’ont pu tirer de cette pâtée humaniste des marins soumis aux grands vents du large trois cent soixante-cinq jours sur trois cent soixante-cinq : l’immigration ni l’islam ne sont les premiers soucis de Saint Pierre et Miquelon. Quant à la France, ce qu’elle a été, ce qu’elle sera, Saint Pierre et Miquelon en sont une image en petit, peau de chagrin abandonnée par des dirigeants qui, derrière leurs poses conquérantes, ne font rien pour la France et sa grandeur.
Saint Pierre et Miquelon, confetti d’un empire sans père
Cela ne date pas d’hier. Quand Louis XV, conseillé par Voltaire, eut abandonné les arpents de neige du Canada à l’ennemi anglais, le royaume conserva des droits sur Terre Neuve (terre française à la toponymie presque entièrement française à l’époque), et sur le grand banc – des droits que la république ne sut pas défendre. Pour préparer la désastreuse entente cordiale par exemple, Waldeck Rousseau et Théophile Delcassé, sous l’autorité du président Loubet, abandonnèrent-ils presque tout à la couronne anglaise et à son dominion le Canada. Quatre-vingt-six ans plus tard, après l’incident qui poussa la marine de guerre canadienne à arraisonner le chalutier Croix-de-Lorraine, Jacques Chirac ne sut pas faire valoir les atouts de la France (Ottawa souhaitait acheter des sous-marins) pour négocier une extension de la zone d’exclusivité maritime française autour de Saint Pierre et Miquelon. Et en 1992, Edouard Balladur s’inclinait devant la décision arbitrale très défavorable à la France du tribunal de New York. Michelle Alliot-Marie a bien écrit une lettre d’intention à l’ONU sur le sujet en 2009 mais depuis rien n’avance, et ce n’est pas François Hollande, le plus plat collaborateur de l’empire anglo-saxon et de la gouvernance globale qui va les faire avancer. Il préfère disserter sur la montée des océans et la fonte de l’Arctique devant la mer vide. Sans rien faire pourtant pour en profiter. L’Arctique va être l’objet d’un développement économique important. Le fameux passage du Nord–Ouest dont les navigateurs ont rêvé pendant des siècles va peut-être s’ouvrir. Des prospections de gaz et de pétrole ont été lancées dans des étendues marines dont la France pouvait revendiquer la souveraineté. Et le père Noël de l’Elysée ne fait rien pour exploiter le mouvement ni prendre sa part du gâteau. Il préfère parler de reconquête et serrer la main des ménagères de plus de soixante ans. L’éternel candidat est reparti en campagne face à son comparse Sarkozy. Ça sent le remake.