Le pape François recevait samedi dernier les dirigeants de la Confédération nationale italienne des cultivateurs directs à l’occasion du 70e anniversaire de sa création, et s’est exprimé à cette occasion sur cette « activité typiquement humaine et fondamentale » qui consiste à cultiver la terre. Un beau discours, avec quelques passages obligés toutefois par les slogans de l’écologie extrême : un pape peut-il parler de la « terre-mère » ?
Le rôle du cultivateur, ou plutôt du paysan, est en vérité fondamental pour l’homme qui attend de la terre sa nourriture et tout ce dont il a besoin sur le plan matériel. Et sur le plan de l’esprit, la beauté : beauté des paysages sauvages, mais aussi harmonie des terres mises en valeur par des siècles de labeur réalisé dans le respect de la nature et le « génie » propre de chaque contrée. Le paysan est en ce sens à la racine de la culture qui exprime le caractère, la richesse et les dons de chaque peuple. Cela mérite certainement une réflexion, et un regard chrétien.
De la Genèse aux devoirs envers la terre
Ce regard, le pape François le fait partir de la Genèse, où Dieu ordonne à l’homme de « cultiver et de garder la terre », de la mettre en valeur sans la brutaliser : « Dans le labeur des agriculteurs, il y a l’accueil du don précieux de la terre qui vient de Dieu, mais aussi sa mise en valeur par le travail tout aussi précieux des hommes et des femmes appelés à répondre avec audace et créativité à la mission confiée depuis toujours à l’homme », a déclaré le pape.
« Le verbe “cultiver” rend présent à l’esprit le soin qu’a l’agriculteur pour sa terre, parce qu’elle donne du fruit qui sera partagé… C’est ainsi que se crée ce rapport familier et la terre devient notre “sœur” la terre », a-t-il ajouté, évoquant saint François d’Assise.
Le pape François rappelle la vocation des paysans
Le pape a plaidé pour la reconnaissance de la « vocation » à laquelle répondent ceux qui cultivent la terre, qui doit être mise en valeur et soutenue par des « choix concrets politiques et économiques », à une époque où elle semble « peu attirante » pour les nouvelles générations. En effet : des décennies d’agriculture dirigée – en Europe, depuis Bruxelles – ont tué les petits paysans : à la mort des exploitations correspond un nombre effarant de suicides, puisque les hommes ne peuvent plus guère vivre de la terre sans être accablés de règlements et d’obligations coûteuses, se transformant trop souvent – pour ceux qui restent – en gestionnaires, en fonctionnaires dépendant de subventions et d’ordres venus de plus haut.
Les agriculteurs victimes de l’écologie
L’« écologie » que prétendent servir les grands de ce monde à coups de taxation du CO2 montre là ses limites : c’est une écologie politique qui, à l’instar de la « lutte des classes » et du communisme, n’a pas du tout pour objectif de protéger réellement la nature en promouvant le bien de celui qui en a été désigné maître par la Genèse : l’homme…
Alors, lorsque le pape dénonce « la domination du dieu argent » dans la manière dont la terre est aujourd’hui « trop souvent soustraite à sa finalité propre pour se voir destinée à d’autres activités », comment ne pas l’entendre. Mais on peut néanmoins s’interroger sur sa manière de s’exprimer : « Il en va comme de ces personnes sans sentiments, qui vendraient leur famille, qui vendraient leur mère, mais ici nous avons la tentation de vendre la terre-mère. »
Le terme est dangereux. C’est celui de l’« écologie profonde », de ceux qui mettent l’homme au même niveau que les autres êtres, qui nient sa nature propre et l’accusent de mettre en danger d’autres espèces que la sienne pour son avantage et son enrichissement propres. Leur point de vue n’est pas le respect de la Création, qui exige en effet la prise en compte des besoins de la nature et une gestion prudente ; qui exige aussi le respect de la vie animale. Ne pas traiter cruellement ces bêtes que Dieu a créées, dans leur diversité et leur harmonie, c’est en effet un devoir de l’homme et du chrétien – étant posé cependant le principe selon laquelle la nature est « pour » l’homme. Le « bon père de famille » y a toute sa place : il est caractéristique que la modernité la récuse et que la notion même ait été supprimée de nos lois…
La “terre-mère” est une mère ambiguë
Parler de « terre-mère », c’est s’aligner sur les spiritualités panthéistes qui déifient la matière et accusent l’homme de la violer quasiment par sa simple existence. La fameuse « empreinte écologique » qu’on lui reproche le rend coupable dès qu’il respire, et justifie au passage un malthusianisme qui va jusqu’à prôner la réduction spectaculaire du nombre d’hommes sur la terre.
Si celle-ci est une « mère », alors elle est marâtre… Mais ce n’est pas elle qui donne à l’homme, créé pour être enfant de Dieu, sa vie en ce qu’elle a de plus élevé : sa vie spirituelle, même si elle la soutient.
Le pape François ne fait sans doute que sacrifier à la mode en employant ces termes pipés. Il n’a pas tort de parler du « pain des pauvres », du respect qu’il faut pour la nourriture et du devoir de venir en aide à ceux qui n’en ont pas. Il rappelle le principe d’une bonne écologie en rappelant le devoir qui nous est fait depuis l’origine de « garder » la terre. Faut-il pour autant glisser vers la politique… mondialiste pour appeler à la collaboration des nations en vue de « garder » la terre ? Là encore, l’ambiguïté est réelle : aujourd’hui l’écologisme défendu au niveau global est avant tout prétexte pour imposer une vision panthéiste de l’homme et de la vie ; pour soustraire l’homme à ses devoirs envers Dieu et promouvoir le rejet de la loi naturelle.
Est-ce bien saint François – comme le dit le pape qui a choisi de porter le nom du saint d’Assise – qui appelle la terre « mère » ? Entendons-le comme cela, puisqu’il nous demande explicitement une lecture chrétienne de ses propos. Mais non sans relever et comprendre que ces mêmes propos, cette préoccupation pour celle que d’autres nomment « Gaia » seront utilisés par les partisans d’une nouvelle idolâtrie.