Dans le Doubs, Frédéric Barbier, PS devance Sophie Montel, FN : la victoire de l’abstention

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C’est la première victoire d’un candidat socialiste à une élection législative partielle depuis 2012 : Frédéric Barbier, représentant le PS mais finalement assez critique par rapport au pouvoir parisien, a remporté le siège à pourvoir dans la 4e circonscription du Doubs avec 51,53% des voix, face à Sophie Montel, candidate du FN : avec 48,57% des voix, elle enregistre un retard – qui peut paraître insignifiant – de quelque 500 voix. D’autant que le siège avait été libéré par le départ d’un cacique socialiste, Pierre Moscovici, parti rejoindre la Commission européenne – tout un symbole. Les deux candidats, et les deux mouvements, revendiquent la victoire, non celle du scrutin bien sûr, mais la victoire politique.
 
Séisme ? La réussite numérique d’un parti ostracisé comme le Front national l’est toujours (mais dans une certaine mesure seulement) autorise les analyses faciles. Et la réaction de la classe politique qui voit arriver un trublion non seulement sur le plan de son projet, mais par sa fâcheuse et croissante tendance à vouloir prendre de lucratives places dans différentes assemblées, tend à le faire croire.
 

Sophie Montel crie victoire… pour demain

 
Sophie Montel a eu beau jeu de multiplier les déclarations satisfaites, à croire que le FN a remporté la victoire dans le scrutin : elle n’a pas eu tort de noter que seul face à tous, le Front national a obtenu un score exceptionnel, et on comprend bien qu’elle y voie, avec l’appareil du parti, une annonce de bon augure pour la présidentielle et les législatives de 2017. Si tant d’électeurs sont déjà prêts à tourner le dos aux consignes des médias, tous les espoirs sont en effet permis. Que le Front national ait largement prédit sa victoire effective pendant les jours qui ont précédé l’élection, on oublie…
 
De son côté Frédéric Barbier a eu la victoire modeste et même grave, dénonçant un climat qui dans le Doubs est significatif de ce qu’il est ailleurs en France : le chômage, le poids de l’Europe, le sentiment croissant que les choses ne font qu’empirer avec Hollande et le PS au pouvoir, sont à la racine d’une désespérance qui explique à quel point la défaite a été évitée de justice.
 
Mais est-ce vraiment la « fin du tripartisme », comme veut le croire Sophie Montel ? Elle voit désormais une « bipolarisation de la vie politique française avec d’un côté le Front national, de l’autre côté le reste, incarné par l’UMPS, les centristes, les Verts qui se montrent à l’évidence incapables de gagner seuls ».
 

Le FN seul face au PS, mais aussi à l’abstention

 
Si le FN se trouve désormais (et finalement comme toujours) seul face aux forces de l’« établissement », il y a cependant fort à parier que la bipolarisation ne se fera pas. Outre le côté spécifique des élections partielles, où s’exprime la insatisfaction, voire le ressentiment à l’égard d’un pouvoir en place, le taux d’abstention est sans doute le chiffre le plus significatif. Il est passé de 60,44% il y a une semaine à 50,93% dimanche, ce qui veut dire que l’immense majorité des électeurs continue de ne se reconnaître ni d’un côté ni de l’autre, et accessoirement, que l’épouvantail qu’on a fait du FN n’est pas assez effrayant pour déplacer les foules. Sophie Montel a convaincu 6.000 électeurs supplémentaires par rapport à la semaine précédente, mais vraisemblablement en mobilisant aussi ses « propres » abstentionnistes : en 2012, elle avait obtenu 9.602 voix– et moins de 20% – au premier tour. Il semblerait plutôt que les reports de voix depuis l’UMP se soient partagés entre le FN et le PS – avec un avantage au FN, mais toujours avec cette abstention massive.
 
Beaucoup de questions restent donc ouvertes.
 

Le PS Frédéric Barbier tire les marrons du feu grâce au FN

 
L’avancée du FN n’a pas pu empêcher la victoire du socialiste alors que le PS est de plus en plus abhorré jusque parmi ses propres rangs. C’est dire si la montée du Front national est finalement, et comme depuis longtemps, favorable au parti socialiste au pouvoir. Une des explications, sans doute, de la forte présence médiatique du FN qui n’a rien à voir avec le peu de temps d’antenne dont disposait jadis le mouvement conduit par Jean-Marie Le Pen.
 
La bipolarisation serait-elle d’ordre politique, sur le plan des idées ? Il est bien commode de vouloir mettre le FN d’un côté, l’« UMPS » de l’autre, et il est vrai que le FN ose des dénonciations de l’intégration européenne qui ne sont pas de mise dans les partis de l’« établissement ». Mais sa réussite – ou du moins sa progression, dans le cas du Doubs – ressemble beaucoup à celle de partis de gauche radicale dans d’autres pays d’Europe, avec à la clef un discours et des promesses de gauche sur de nombreux plans, sans compter l’abandon délibéré d’un discours cohérent sur les « principes non négociables » dont le respect permettrait seul de renverser la culture de mort que l’Europe impose, mais à laquelle quasi tous se sont soumis.
 
Les deux plus grandes questions ouvertes demeurent celles-ci : à supposer que le FN, ou le Rassemblement Bleu Marine, remporte une victoire présidentielle ou réussisse une forte entrée à l’Assemblée nationale, que fera-t-il ? Que pourra-t-il faire ? Et, deuxièmement : dans un monde où la laïcité et le relativisme sont partagés par tous les grands partis, comment construire dans les sables mouvants d’une société sans Dieu ?