C’est une tendance que la presse présente comme un défi aux Etats-Unis et à la Banque mondiale, et une pierre dans le jardin de Barack Obama : après le Royaume-Uni qui l’a fait la semaine dernière, la France et l’Allemagne viennent de confirmer qu’ils rejoignent l’Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB), établissement de crédit dirigé par la Chine. Et l’Italie devrait bientôt suivre leur exemple.
Les différents pays européens qui font ce choix malgré les pressions des Etats-Unis en sens contraire prennent ainsi le risque de mécontenter l’allié américain, qui, lui, invoque des motifs de haute vertu pour imposer son message. L’AIIB ne présenterait pas les « hautes exigences de gouvernance » ni les garde-fous « environnementaux et sociaux » dont s’enorgueillit la Banque mondiale, basée à Washington, qui voit ainsi son rôle relativisé. L’AIIB concurrencera également l’Asian Development Bank (ADB) basée à Manille.
L’AIIB et la Banque mondiale
Cette Banque mondiale qui comme bien des organismes internationaux conditionne son aide et la réserve aux pays qui acceptent de prendre des mesures de contrôle de la population ? Cette Banque mondiale qui impose des programmes économiques qui peuvent lourdement peser sur les particuliers et les familles ? Cette Banque mondiale de facto contrôlée par les Etats-Unis et la Haute finance américaine ?
Ce n’est certes pas pour autant que l’AIIB sera au-dessus de tout soupçon… Même si ses responsables ont affirmé que son mode opératoire et sa gouvernance seront « ouverts, transparents, inclusifs et responsables ». Le jargon, cela fonctionne toujours.
Du côté chinois, on insiste sur les bienfaits que la concurrence produira du fait de l’existence d’une nouvelle méga-banque spécialisée dans le financement des infrastructures, alors que les besoins sont énormes dans de nombreux pays du monde. Les Européens apporteront expertise… et fonds monétaires, notent des analystes.
L’AIIB a été créée par le président chinois Xi Jinping en 2014, avec l’objectif évident de développer encore la puissance internationale de la Chine et son pouvoir économique.
La France, l’Allemagne, le Royaume-Uni … et les autres
L’AIIB constitue son groupe de membres fondateurs jusqu’au 31 mars : elle a annoncé que la Corée du Sud, la Suisse et le Luxembourg envisagent de la rejoindre, l’Australie serait en train de revenir sur sa réticence initiale, tandis que le Japon, invité, aurait décliné mais proposé une coopération par le biais de l’ADB dont il est membre.
L’organisation globaliste Council on Foreign Relations s’inquiète de la perte d’influence et la ternissure de son image que la montée de l’AIIB pourrait entraîner pour les Etats-Unis, impuissants à empêcher ses alliés à la rejoindre, mais suggère que, faute de la rejoindre à leur tour, ils se contentent d’attendre que les problèmes concrets commencent à se présenter. A moins que sa réussite n’en fasse la « bienvenue dans le monde du financement du développement » ?
L’Asian Infrastructure Investment Bank et la finance internationale
Dans un sens comme dans l’autre, il faudrait se garder de voir cette nouvelle organisation bancaire comme un instrument de maîtrise ou d’entrave à la mondialisation. Elle entre pleinement dans les schémas régionalistes qui continuent de se mettre en place tout en augmentant l’interdépendance et l’imbrication au niveau global. Elle illustre néanmoins parfaitement la compétition qui oppose les forces progressistes et post-communistes d’une part et la finance internationale basée à New York d’autre part.