La commission des services financiers de la Chambre des représentants des Etats-Unis a adopté mercredi dernier une proposition de loi visant à interdire l’émission de monnaies numériques par la Banque centrale des Etats-Unis (CBDC), au nom de la lutte contre la surveillance étatique. C’est une bonne nouvelle pour la défense des libertés, même si la question de savoir si une telle loi passera la barre du débat parlementaire reste ouverte – sans compter que la signature du texte par le président Biden serait une sorte de miracle, vu son alignement sur les exigences du Meilleur des Mondes où l’on tente de nous précipiter par tous les moyens.
Les Central Bank Digital Currencies – en français, MNBC, monnaie fiduciaire numérique ou monnaie numérique de banque centrale – sont des monnaies virtuelles émises par les Banques centrales, au moyen d’unités dont la valeur est représentée par un code chiffré au moyen d’un algorithme en lieu et place de leur matériau physique. En remplaçant ainsi le cash les CBDC fournissent à l’émetteur le moyen d’identifier et de tracer l’utilisation de chaque unité ; en clair, c’est la levée absolue de l’utilisation anonyme de l’argent liquide. Objectif affiché : sécurisation et rationalisation de la monnaie ; objectif réel ou effet secondaire recherché, la fin du cash et la possibilité de tout surveiller, jusqu’à l’achat du carambar au bar-tabac du coin.
Résistances politiques et populaires aux monnaies numériques
Si la décision de la commission des services financiers ne sera pas forcément couronnée de succès, reste au moins la valeur d’exemple et de confirmation de son approbation de la proposition H.R. 5403, intitulée CBDC Anti-Surveillance State Act et introduite par le whip de la majorité républicaine de la Chambre, Tom Emmer (Minnesota). Exemplaire des actions à entreprendre pour sauvegarder les libertés, confirmatrice du problème que pose une monnaie digitale qui permet de traquer la moindre dépense faite par n’importe quel individu, voire de contrôler ou d’interdire ses dépenses.
H.R. 5403 vise à « empêcher la Réserve fédérale d’émettre une CBDC directement ou indirectement à des particuliers ou de tenir des comptes au nom de particuliers » et « interdit au secrétaire du Trésor d’enjoindre au Conseil des gouverneurs du système de la Réserve fédérale d’émettre une CBDC » ; le texte précise qu’« une CBDC ne peut être émise qu’en vertu d’une autorisation du Congrès », selon un communiqué de presse de la Commission des services financiers.
Joe Biden, nous l’avons dit, est favorable à la mise en place de la monnaie numérique : en mars dernier, le Trésor des USA a mis en place un groupe de travail inter-agences en vue de réfléchir à son développement. Donald Trump l’est aussi, lui dont l’administration n’a rien fait pour mettre un frein aux entreprises de surveillance du Trésor, et dont le gendre, Jared Kushner, s’était discrètement démené pour encourager à la mise en place des CBDC aux Etats-Unis.
Ron DeSantis récuse les CBDC
Ron DeSantis, gouverneur de Floride et candidat à la présidence des Etats-Unis en 2024, a pour sa part annoncé qu’il interdirait la mise en place d’une monnaie de surveillance par la Banque centrale ; il a déjà signé une loi disposant que la Floride ne reconnaît pas les CBDC et estime que d’autres Etats devraient suivre. « Ils veulent se débarrasser du cash, ils ne veulent pas des cryptomonnaies, et ils veulent en faire la seule forme de la monnaie légale. Et ils l’ont dit ouvertement à Davos », a rappelé DeSantis.
Lors de la dernière réunion du G20, les pays les plus puissants du monde (Etats-Unis, Royaume-Uni, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, France, Allemagne, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Russie, Arabie Saoudite, Afrique du Sud, Corée du Sud et Turquie ainsi que l’Union européenne représentée en tant que telle), qui représentent 85 % du PIB mondial, ont émis le 10 septembre une Déclaration des Leaders qui recommande la mise en place d’études sur l’infrastructure numérique publique sur l’identité et les paiements numériques et l’échange de données. Ursula von der Leyen, présidente non-élue de la Commission européenne, a suggéré que l’identité numérique puisse se faire sur le modèle du pass covid « fonctionnel et fiable », dont on se souviendra qu’il a largement servi à permettre une sorte d’assignation à résidence des non-vaccinés.
Les monnaies numériques, outil de surveillance de l’autocratie
La résistance à l’encontre de cette nouvelle entreprise est possible ; mieux, elle montre des signes d’efficacité. En Australie, la marche vers les CBDC est en cours ; la cinquième banque du pays, la Macquarie Bank, vient ainsi d’annoncer qu’elle met fin aux transactions en liquide dans l’ensemble de ses agences, et entamera la suppression progressive de tous les paiements cash, par téléphone et par chèque dès le mois de janvier. D’autres banques australiennes ont annoncé l’arrêt de la distribution d’argent liquide dans certaines de leurs agences. Mais alors qu’on notait une chute de la proportion d’achats en liquide dans le pays, cette tendance s’inverse actuellement, avec un recours accentué aux petites coupures pour les achats modestes et le retrait de sommes plus importantes : il y a un phénomène nouveau de thésaurisation des grosses coupures alors que les Australiens semblent se prémunir contre les difficultés croissantes d’accès au liquide.
La revue Forbes, dans un article hostile aux CBDC publié en mars dernier, rapportait de son côté que l’expérience menée au Nigeria est « un vrai désastre ». Le peuple n’en veut visiblement pas, et du fait d’un succès « infinitésimal » de la monnaie numérique, le gouvernement a sévèrement restreint l’accès à l’argent liquide, au point de créer artificiellement une pénurie de billets par la mise en place soudaine de nouveaux billets accompagnée de la démonétisation des anciens qui devaient tous être échangés en un mois, en janvier dernier. La Cour suprême du Nigeria a retoqué le gouvernement, prolongeant la validité légale des billets anciens pour donner le temps à la population de les échanger pour des nouveaux. Il notait au passage qu’un premier refus du gouvernement de suivre une injonction provisoire qu’elle avait émise en ce sens : « La désobéissance vis-à-vis de la décision de justice montre que la démocratie du pays n’est plus que de façade et qu’elle a été remplacée par l’autocratie. »
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