C’est une constante. A chaque manifestation (ou presque), le débat a lieu entre les organisateurs de la manifestation et les représentants de la police, chacun apportant des chiffres de mobilisation qui varient facilement de 1 à 4, voire de 1 à 50. La question de savoir lequel, du groupe des organisateurs ou de celui des policiers, sait compter se pose donc de manière récurrente.
Afin de résoudre cette dispute, le préfet de police de Paris, Bernard Boucault, a décidé l’année dernière de régler le problème, et confié à une commission présidée par la sociologue Dominique Schnapper, ancien membre du conseil constitutionnel, directrice d’études à l’EHESS, entourée de Pierre Muller, inspecteur général de l’INSEE, et Daniel Gaxie, professeur de sciences politiques à Paris I, le soin d’étudier la question.
La Commission ainsi formée a donc accompagné les policiers lors du comptage des participants aux défilés du 1er mai. Et rencontré les syndicats CFDT et Force ouvrière.
La police sait compter
Les conclusions de ce travail sont claires : le travail de la police est indépendant, sérieux et consciencieux, ses chiffres sont justes. Les auteurs précisent que le second comptage, réalisé le lendemain des manifestations à partir de bandes vidéo, donne, en général, des chiffres inférieurs à ceux publiés le jour-même lors du comptage direct. Ce n’est sans doute pas aussi précis que les vues prises du ciel tel que cela se pratique dans certains pays, mais cela a le mérite de permettre une vérification.
On nous permettra néanmoins quelques observations.
Premièrement, le système du « compteur à main » actionné tous les dix manifestants a quelque chose de peu fiable. Pour qui a déjà observé une manifestation de quelque importance, il est parfois difficile de retenir exactement les manifestants de dix en dix : ce n’est pas un défilé militaire.
Deuxièmement, on aimerait savoir si les chiffres publiés correspondent toujours aux comptages effectivement effectués. C’est sans doute pour cela que le rapport préconise d’associer des journalistes aux opérations de comptage.
Il y a manifestation et manifestation
Bien ! Car il y a des anomalies. Ainsi lors des Manifs pour tous – que d’aucuns dénoncent comme ayant pratiqué la surenchère manifestante – les photos officielles fournies pour le décompte aux journalistes qui les demandaient aux services de la préfecture étaient de très mauvaise qualité – impensable avec la technique actuelle – et paraissaient manifestement retouchées.
Qui plus est, les chiffres fournis étaient en contradiction assez nette avec ceux donnés pour d’autres manifestations sur les mêmes emplacements.
Enfin, on notera que, lors de la manifestation lancée par les autorités françaises après les attentats parisiens de janvier, on nous a assuré que la foule était telle qu’il devenait impossible de compter.
Etrange ! Les Américains arrivent, eux, à compter des millions de personnes. On en viendrait à se demander si les autorités françaises n’avaient pas peur de paraître ridicules, en ayant rameuté le ban et l’arrière-ban de l’intelligentsia européenne, de faire moins bien, justement, que la Manif pour tous…