Vendredi dernier, 29 mai, Cuba ne figurait plus sur la liste noire américaine des « États soutenant le terrorisme » – la proposition d’Obama a été soumise aux élus qui n’y ont pas manifesté d’opposition. C’était une condition sine qua non du gouvernement de Raul Castro pour maintenir le processus de dégel entre les deux pays, dont les relations diplomatique sont rompues depuis 1961. Cuba figurait sur cette liste noire depuis 1982, aux côtés de la Syrie, du Soudan et de l’Iran par décision de Reagan en raison du soutien cubain à l’ETA et aux FARC. Sûr, il reste « d’importants désaccords » à régler, avant la normalisation complète de leurs relations et surtout la levée de l’embargo économique. Mais les États-Unis ont une volonté politique qui ne laisse pas de doute. Même si la répression cubaine connaît un regain paradoxal…
Exit la liste noire : le Congrès apriori favorable à la levée de l’embargo
Pour la délégation de parlementaires démocrates américains en visite à la Havane, le 27 mai dernier, c’est clair : le Congrès parviendra à voter en majorité pour la levée de l’embargo imposé à l’île depuis 1962 – lui seul d’ailleurs a la prérogative institutionnelle pour le faire. Il y a déjà plusieurs projets de loi à l’étude dans ce cadre, notamment relatifs à la levée de restrictions agricoles, sur les voyages ou sur internet à Cuba. « Il reste du travail », mais le peuple américain porte cette aspiration.
Les indices sont pléthore. Des licences ont été accordées ce mois-ci pour l’exploitation de liaisons par ferry-boat : les Américains peuvent dorénavant se rendre sur l’île pour des raisons familiales, universitaires, culturelles, sportives ou religieuses. Aujourd’hui même, doit se jouer un match amical « historique » du club du Cosmos de New York contre la sélection cubaine à La Havane. Le « roi Pelé » a accompagné l’équipe : il en est persuadé, « Cuba aura très prochainement une équipe en Coupe du monde » – sa dernière remonte à 1938 !
Néanmoins, d’aucuns tergiversent sur les négociations concernant les diplomates et plus particulièrement leur champ d’action, « leur régime de mouvement », si les ambassades sont rétablies. Castro ne veut évidemment pas de « promotion de la démocratie »… pas non plus de soutien aux opposants ou d’appui à une quelconque presse indépendante. Alors Washington réagit, pour la forme, mais selon Marc Hanson du groupe de réflexion Bureau de Washington sur l’Amérique latine, Washington pourrait concéder une inflexion dans ces activités compte tenu de son nouvel « intérêt pour l’ouverture de relations normales »… Obama est prêt à tout.
Effet pervers paradoxal : la répression s’accentue à Cuba
L’embargo n’a pas fait naître la démocratie à Cuba. Essayons le rapprochement ! Bizarrement il ne semble pas que la séduction diplomatique américaine n’ait des effets modérateurs sur le communisme viscéral du gouvernement Castro – mais était-ce vraiment le but d’Obama ?! Des organisations d’exilés cubains affirment en effet que la répression dans l’île des Caraïbes a augmenté de manière dramatique : arrestations de militants, violences contre les opposants et leurs domiciles…
Pourquoi ? « Parce que le régime a un sentiment d’impunité », n’hésite pas à dire le Directorio democratico cubano.
Le rapprochement américano-cubain ne serait qu’un passe-droit pour accueillir les investissements étrangers, accéder au système bancaire américain…. Cuba n’entend visiblement pas changer quoi que ce soit de sa politique marxiste.
Les États-Unis font la sourde oreille
Les États-Unis le savent – mais les œillères sont de mise dans cette politique diplomatique aux accents nouveaux. Il ne faut pas sous-estimer le rôle d’un autre rapprochement avec Cuba : celui de la Russie. Enclenché depuis 2011, il a pris une tournure plus décidée à l’été 2014 pendant lequel Moscou et La Havane ont « redémarré » leur coopération stratégique dans tous les secteurs, y compris militaire. Un véritable programme pour 2015-2016 a été lancé en décembre ; et en mars, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov rencontrait son homologue cubain et le dirigeant du pays Raul Castro à la Havane pour lancer des projets importants dans le secteur énergétique et l’aviation civile.
Les États-Unis approchant de la scène pourraient-ils semer le trouble ? Que nenni : « le partenariat stratégique russo-cubain reste inébranlable » selon Lavrov. « Si d’autres pays veulent être amis avec Cuba, Cuba et la Russie y sont ouvertes ».
Obama chercherait-il à rattraper un train parti sans lui ? Ou poursuit-il une politique volontariste de rapprochement avec l’ancien bloc communiste, en dépit de tout ce que cela incombe ?