En retrouvant lundi son siège de maire de Dijon, François Rebsamen fait plus que succéder à Alain Millot, décédé fin juillet d’un cancer devant lequel il avait refusé d’abandonner ses responsabilités. Il quitte – ou quittera le 19 août – ses fonctions de ministre du Travail – ministère pour lequel il avait pourtant abandonné, l’année dernière, la mairie de la capitale de la Bourgogne. Mais ce petit jeu de chaises musicales n’est pas sans provoquer les critiques – ou les railleries.
« Maire, c’est le plus beau des mandats », a lancé François Rebsamen à l’issue du scrutin pour lequel il ne risquait pas grand chose, puisqu’il n’avait qu’un adversaire : le candidat du Front national. Autant dire qu’il s’agissait d’une pure formalité…
Manuel Valls a, bien évidemment, appuyé ce choix fait par celui qu’il avait appelé au ministère du Travail. « François Rebsamen aime Dijon, a déclaré le Premier ministre. (…) Il a considéré en conscience, avec son équipe municipale, qu’il n’y avait pas d’autre choix. (…) Il faut respecter ce choix. »
Du ministère du Travail à la mairie de Dijon
Et comment ! Ce qui n’empêche pas, au passage, le locataire de Matignon de « rendre hommage au travail qui a été celui de François Rebsamen ».
Entre Frères – François Rebsamen avait reconnu, il y a une quinzaine d’années, appartenir à la loge Solidarité et Progrès du Grand Orient de France – la pommade est de rigueur, surtout lorsqu’elle n’est pas méritée.
N’ayant pas réussi, en effet, à accomplir l’imprudente promesse de François Hollande sur l’inversion de la courbe du chômage, François Rebsamen avait préféré renforcer « le contrôle des chômeurs » et, face à l’avalanche des mauvais chiffres, avait doctement observé : « Il ne faut pas regarder les chiffres du chômage mois par mois… »
Pourquoi donc alors les publier ?
Mais, puisque pommade il y a, François Rebsamen se serait bien vu cumuler un petit peu. Lorsqu’on a passé toute sa carrière dans la politique, en commençant par la Ligue communiste révolutionnaire, on n’a sans doute que peu de qualités à développer dans le domaine du travail, mais on a un goût prononcé pour les fastes que la République prodigue avec d’autant plus de libéralité à ses serviteurs qu’elle les dénonçait avec force (et terreur) chez nos rois…
Mais l’Elysée a rapidement mis le holà ! à cette tentation. Pas de cumul des mandats dans la République normale de François Hollande. Derrière le prétexte, il y a surtout la facilité de faire sauter un fusible lorsque sa politique ne marche pas, plutôt que d’être contraint d’en rendre compte !
Les chaises musicales de François Rebsamen
François Rebsamen obéit. Pour ne pas paraître ridicule, il affirme qu’il ne s’agit là que d’un « immense quiproquo » : « Je sais très bien qu’on ne peut pas faire les deux. »
Et puis, expliquait-il en retrouvant son fauteuil de Dijon : « J’avais pris un engagement devant les électeurs dijonnais de redevenir maire si un jour il [Alain Millot] ne devait plus l’être. Je tiens aujourd’hui cet engagement. »
C’est beau ce sens du devoir !
Car, en réalité, à 64 ans, et sentant que le pouvoir socialiste parisien vacille sur ses bases, François Rebsamen prend une assurance pour ses vieux jours. Pas tout à fait un bâton de maréchal, car on ne doute pas qu’il n’essaie bientôt de reconquérir cet autre siège abandonné en entrant au gouvernement : celui du Sénat. Ce ne sera sans doute, là aussi, qu’une formalité…
De mandats en mandats
Cela dit, François Rebsamen est arrivé à la mairie de Dijon en 2001. A l’époque, il affirmait à l’un de nos confrères vouloir s’arrêter « après deux mandats ». Ajoutant cependant : « Au pire au bout de trois, si je m’apercevais que c’est indispensable pour mener à terme un grand projet. »
On est à peine surpris de constater que ce doit être effectivement le cas. A moins que le grand projet en question ne consiste, en définitive, qu’à profiter le plus longtemps possible des ors de la République…