Jordi Sanchez, le président de l’Assemblée nationale catalane, vient de souligner, à un mois des élections, que si la Catalogne obtenait son indépendance, elle se trouverait « officiellement » en dehors de l’Union européenne, sans pour autant quitter l’euro. Une marche vers l’indépendance originale, puisqu’elle porterait davantage sur l’outil politique, que sont la nation ou l’Europe, que sur la réalité d’une politique.
Pour le dirigeant indépendantiste, la Catalogne remplit en fait déjà les conditions pour devenir un Etat-membre à part entière, puisque l’Espagne, dont elle fait actuellement partie, les remplissait à sa propre entrée dans l’UE en 1986. Quoi que l’on en pense par ailleurs, le raisonnement paraît pour le moins spécieux ; ce n’est pas parce qu’un pays remplit lesdites conditions qu’une de ses régions, de facto, les remplirait toutes également. A ce rythme-là, chaque ville importante de Catalogne pourrait, par la suite, faire sécession, et prétendre également intégrer, de façon indépendante, l’Union européenne…
Catalogne : marche vers l’indépendance ?
Quoi qu’il en soit, Jordi Sanchez n’évoque, pour l’heure, qu’un « accord de transition » qui offrirait à la Catalogne les mêmes conditions que les membres de plein droit de l’Union européenne. Il va de soi que, pour l’instant, c’est une vue de l’esprit. On voit mal en effet comment Madrid, qui ne veut pas entendre parler de l’indépendance de la Catalogne, pourrait accepter, au cas où celle-ci déciderait unilatéralement de cette indépendance, l’adhésion sous quelque forme que ce soit de cet Etat catalan à l’Union européenne.
La chose se complique encore en interne, puisque les candidats à la présidence de la Generalitat (c’est-à-dire le gouvernement catalan) ne sont pas tous d’accord sur le sujet. C’est le cas notamment de Lluis Rabel, candidat de « Catalunya Si que es Pot », liste de gauche qui se présente contre celle d’Artur Mas, le président de la communauté autonome, aux élections du 27 septembre prochain. Il pense en effet que, dans l’optique envisagée par Jordi Sanchez, Bruxelles ne traiterait pas mieux la Catalogne que la Grèce.
« Le cas de la Grèce montre à quel point les petites nations peinent à faire respecter leur souveraineté nationale. Si la Grèce a reçu ce traitement injuste de la part de l’Union européenne, je doute qu’une Catalogne qui souhaite accéder à l’indépendance sans les accords nécessaires reçoive un meilleur traitement », affirmait-il récemment avec un certain bon sens.
Oppositions internes
Jordi Sanchez n’a manifestement que faire de ces perspectives. Bien que conscient que Bruxelles n’apporterait aucun soutien à un nouvel Etat car « cela provoquerait une crise dans les relations » avec certains autres, en l’occurrence l’Espagne, il affirme que si la liste indépendantiste obtient 50 % des sièges lors des élections de septembre, la Catalogne entamera le processus de création d’un « nouvel Etat européen ». Et cela même s’il n’a pas le plus grand nombre de voix, ce qui est possible s’il obtient plus de députés de régions moins peuplées. Une possibilité qui fait également grincer quelques dents.
Si donc le parti indépendantiste catalan « Junts pel si » (ensemble pour le oui) remporte les élections, l’indépendance sera déclarée de manière unilatérale, sans négociation aucune avec Madrid, explique-t-il.
Une fois encore, il n’y a aucun autre moyen d’envisager une telle indépendance, puisque Madrid ne veut pas en entendre parler. Et ce d’autant plus peut-être que depuis la fin de la semaine Artur Mas, le leader indépendantiste, fait l’objet d’une enquête pour corruption.
La Catalogne n’existe pas encore
Du point de vue catalan il y a pire encore, car nombre d’hommes politiques catalans ne partagent pas l’analyse de Jordi Sanchez. Ainsi Albert Rivera, chef de file du parti Ciudadanos et député du parlement catalan, par ailleurs candidat à la présidentielle, déclare haut et fort que « aucun nombre de siège ni aucun majorité » ne peut autoriser la rupture de la légalité démocratique et constitutionnelle.
Jordi Sanchez a beau affirmer que, contrairement au gouvernement espagnol qui « veut faire passer l’indépendantisme pour une option non démocratique », « nous, nous écoutons ce que disent les urnes », il lui sera difficile, même avec un score favorable, de mener une politique catalane sans un certain nombre de politiques catalans. Les proches d’Artur Mas y suffiront-ils ? Dans ce type de configuration, l’histoire répond en rappelant le nombre d’indépendances de pays dont les premiers responsables se sont rapidement déchirés entre eux…