Vladimir Poutine était vendredi à Paris, pour une rencontre délicate avec ses homologues français François Hollande, ukrainien Petro Porochenko, et le chancelier allemand Angela Merkel. Au menu de ce mini-sommet, la question ukrainienne, qui n’en finit plus de hanter leurs réflexions. Mais aussi, mais surtout – et comment l’éviter ? – le délicat dossier syrien. Tous ont tenté de convaincre le président russe, avec, en toile de fond, le soutien martelé du président américain Barack Obama. Ce qui n’empêche manifestement pas le président russe de penser – et de dire ce qu’il pense. Et, en définitive, ce pour quoi il est venu !
Le processus de règlement du conflit ukrainien ne pourra se conclure comme prévu cette année. Alors qu’on souligne tout à trac la faiblesse du président russe, c’est bien de celle des Occidentaux que François Hollande a été obligé de convenir à l’issue de cette réunion à l’Elysée : tout « a pris plus de temps qu’il n’était prévu ». Mais prévu par qui ? Lorsqu’il est aussi évident que Moscou ne pouvait pas comprendre les accords de Minsk selon la même grille que les autres signataires, cette prévision à la Hollande revenait manifestement à prendre l’ombre pour la proie.
Ce que Vladimir Poutine est venu dire à Paris
Et s’il est désormais « probable », et « même certain maintenant », que rien ne sera réglé à la fin de l’année, c’est qu’il va falloir réadapter lesdits accords de Minsk.
François Hollande et Angela Merkel ont cependant tenu à faire part d’avancées importantes, tout en reconnaissant qu’il restait « beaucoup à faire ». Des avancées importantes ? Mais de qui se moquent-ils ? Il ne peut y avoir d’avancées lorsque l’on est obligé de reconnaître que les accords de Minsk ne sont, pour la majeure partie, qu’un chiffon de papier.
Quelles avancées ?
Il ne peut y avoir d’avancées lorsque la seule chose obtenue réellement est de pouvoir s’asseoir une nouvelle fois autour d’une table qui semble n’être même pas celle des négociations.
Il ne peut y avoir d’avancées quand Vladimir Poutine, qui ne s’est pas exprimé publiquement à l’issue de cette rencontre, n’a manifestement pas changé, du moins dans les grandes lignes, de position.
Les avancées importantes ne sont donc qu’un lot de consolation oratoire, destiné à ne pas plomber davantage le bilan d’un président qui sent peser de plus en plus sur lui l’atmosphère de campagne électorale…
Et la Syrie ?
Il faut noter par ailleurs que l’ombre du conflit syrien a couvert ce mini-sommet. En aparté, Angela Merkel et François Hollande s’en sont entretenus avec Vladimir Poutine, couverts par les objurgations tonitruantes de Barack Obama.
Sur ce sujet, comme sur le précédent, ils ne semblent pas voir réussi à convaincre le président russe. François Hollande l’a plus ou moins admis, qui observe de façon assez floue : « La Russie s’est toujours engagée en Syrie, depuis le départ, elle a soutenu le régime de Bachar al Assad. Aujourd’hui elle va plus loin, mais elle garde finalement la même ligne. »
Une fois cela admis, le président de la République considère sans doute comme une avancée d’avoir pu discuter avec son homologue russe des trois conditions posées par la France pour envisager une coopération franco-russe sur le théâtre syrien, avoir :
– frapper Daech (l’Etat islamique) et non d’autres objectifs,
– assurer la sécurité des civils,
– et mettre en œuvre une transition politique claire, c’est-à-dire essentiellement fondée sur le départ du président syrien Bachar al Assad.
Si même Vladimir Poutine finissait par acquiescer à ce dernier point, la question resterait entière : par qui remplacer Assad ? Tant il est vrai que les rebelles non extrémistes soutenus par les Occidentaux ne sont plus aujourd’hui qu’une poignée sans réalité politique, un grand nombre d’entre eux ayant préféré rejoindre les… extrémistes de l’Etat islamique.
A l’heure actuelle, on ne voit pas ce qui pourrait, dans ce discours, faire évoluer Poutine sur le sujet. Hormis le deuxième point, évident pour chacun des intervenants étrangers en Syrie.
Le soutien du patriarche orthodoxe russe Cyrille
Car la prétendue faiblesse de Vladimir Poutine n’apparaît pas évidente. En acceptant l’invitation de François Hollande à venir discuter de tout cela à l’Elysée, il a sans doute manifesté exactement l’inverse.
Il faut dire qu’il ne manque pas, dans ce dossier syrien, de soutiens. Le dernier en date lui vient du patriarche russe Cyrille.
Chacun est libre d’avoir son opinion sur l’Eglise orthodoxe russe, ou sur la pratique religieuse de Vladimir Poutine. Mais ce qui est sûr, c’est que, en venant appuyer le président de la Russie, le patriarche a, en quelque sorte, justifiée, et peut-être même sanctifiée, aux yeux de millions de croyants orthodoxes, l’intervention décidée par Poutine en Syrie.
Qu’on en juge…
« L’Eglise orthodoxe russe a demandé plusieurs fois aux dirigeants russes, mondiaux et autres organisations internationales de ne pas rester indifférents aux souffrances de la population civile en Syrie et dans les autres pays de la région », a déclaré le patriarche, en une formulation qui rappelle le point numéro deux de François Hollande, et pourrait donc convenir à tous.
Mais il ajoute :
« Malheureusement, le processus politique n’a pas conduit à un quelconque allègement du sort de tous ces innocents, et il est devenu indispensable de les protéger par les armes. (…)
« La Russie a pris la décision responsable d’avoir recours à ses forces armées pour protéger le peuple syrien des malheurs causés pas l’arbitraire des terroristes. Pour nous, cette décision permettra d’avancer sur la voie du retour de la paix et de la justice sur cette terre antique. »
Vladimir Poutine ne pouvait demander mieux…