Le synode sur la famille : un champ de bataille entre « traditionalistes » et « progressistes » ? C’est ce que semblent indiquer les derniers comptes-rendus de Rome. L’organisation en huis clos, avec des temps de parole des plus succincts – 3 minutes par orateur – associé à des conférences de presse parfaitement « tenues » par le « noyau dirigeant », finit par révéler presque malgré lui les tensions et les problèmes. Certains propos du pape restent même cachés, délibérément, par les responsables de la communication, tandis que des déclarations claires parviennent tout de même à filtrer de la part de prélats qui ont décidé de ne pas se taire.
Jeudi, une controverse s’est fait jour lors des échanges avec les responsables de la Salle de presse. D’un côté, on avait un tweet du père jésuite Antonio Spadaro, un proche du pape qui a été le récipiendaire de ses propos controversés dans la première grande interview de son pontificat. Le P. Spadaro, depuis l’assemblée générale du synode, assurait en quelques mots que le pape venait de demander aux évêques de ne pas « plier devant “l’herméneutique de la conspiration” qui est sociologiquement faible et qui ne mène à rien sur le plan spirituel ».
Le huis clos du synode laisse bien des propos cachés : ce serait moins grave sans les manipulations en cours
C’est un renvoi clair aux accusations de manipulation qui se sont multipliées devant les procédés ahurissants utilisés lors du synode extraordinaire de 2014 dont l’examen dépassionné montre qu’ils avaient pour but de faciliter la mise à l’ordre du jour de thèmes très précis : l’attitude à l’égard des divorcés « remariés » et des unions de fait, et même une nouvelle manière de parler de l’homosexualité.
Certes, les opposants – et le mot dépasse largement le cadre des « traditionnalistes » – à ces remises en cause de fait de la doctrine catholique ont été eux-mêmes dénoncés par les « kaspérites » de conspirations pour étouffer le débat. Mais la réalité est bien celle de manœuvres qui ont mobilisé les responsables mêmes du secrétariat du synode en vue d’une fin on ne peut plus évidente.
Que le pape se soit exprimé ainsi, mardi, devant les pères synodaux réunis, est une information importante, que le P. Lombardi a totalement escamotée lors du point presse de mardi soir : aucun propos explosif n’était rapporté, on eut droit à quelques génériques et l’intervention exacte du pape François n’a pas été publiée.
Deux jours plus tard, le P. Lombardi a fini par avouer devant la presse que le pape avait bien parlé de l’« herméneutique de la conspiration », ajoutant que rien ne l’obligeait, lui, à rapporter les propos exacts du pape. Il a précisé qu’il respecte des « critères précis » dans ses comptes-rendus aux médias : on peut supposer qu’il a escamoté les propos de François de manière délibérée.
Acculé, le P. Lombardi a précisé qu’en parlant de « conspirations », le pape voulait que le synode soit un lieu de « discussions sincères » et non de « complots de personnes qui veulent en manipuler » le résultat en imposant leurs intérêts particuliers.
Le pape parle de l’« herméneutique de la conspiration » au synode de la famille
Soit. Il faut donc en déduire qu’aux yeux du pape la défense de la doctrine pérenne de l’Eglise relève d’un intérêt particulier et que s’entendre à cette fin relève aussi du complot. Frappe-t-il dans le même temps ceux qui veulent modifier la « pastorale » jusqu’à anéantir la doctrine, et qui en ont imposé la discussion en contournant les véritables discussions et préoccupations des pères synodaux l’an dernier ? Dans l’abstrait, on pourrait l’imaginer. Mais ce sont ceux-là précisément – les Baldisseri, Forte, Kasper et autres Danneels – qui ont été félicités par le pape et invités en son propre nom, et – pour les deux premiers – maintenus aux commandes.
Plus grave encore est l’information, donnée par le vaticaniste Marco Tosatti, selon laquelle un cercle restreint de personnes ont travaillé sur le rapport final du synode pendant près de deux semaines… avant le 1er octobre, date de publication de son article. De nombreux jésuites, des Argentins, auraient été réunis très discrètement sous la direction du P. Spadaro, habitué de la Maison Sainte-Marthe, pour évoquer notamment la question des divorcés « remariés » et celle des concubins et des paires homosexuelles.
Le P. Sparado a tweeté un démenti cinglant, publiant le lendemain le programme du séminaire qui a eu lieu, dit-il, du 28 septembre au 2 octobre, sur « la Réforme et les Réformes de l’Eglise et dans l’Eglise ».
Mais on apprend ainsi la présence à cette réunion d’un proche du pape, Mgr Victor Manuel Fernandez, partisan comme Spadaro de la proposition Kasper ou encore d’un professeur allemand de théologie fondamentale connu pour son progressisme et sa défense du pouvoir collégial et local des évêques.
Il est difficile de prouver que cette réunion a été convoquée pour « préfabriquer » le rapport final du synode, mais le fait est que des théologiens libéraux et des participants progressistes au synode ont été convoqués pour une réunion préalable et parmi eux, se trouvent des personnes désignés pour écrire ledit rapport.
Des déclarations claires révèlent les problèmes de l’“Instrumentum laboris”
Quant aux travaux du synode, ils continuent de se dérouler sur la base d’un Instrumentum laboris qui n’en finit pas de provoquer des critiques graves. La dernière en date est celle de Mgr Chaput, archevêque de Philadelphie, qui a publié son intervention de trois minutes de mercredi devant l’ensemble des membres du synode. Le document de travail, souligne-t-il, décrit bien « la situation des familles d’aujourd’hui », mais manque de confiance en la capacité des familles de vivre effectivement selon l’enseignement de l’Eglise.
« Dans l’ensemble, le texte engendre une subtile désespérance. Cela conduit à un esprit de compromission à l’égard de certains styles de vie peccamineux et à la réduction des vérités chrétiennes sur le mariage et la sexualité à une série de beaux idéaux – ce qui à son tour conduit à une capitulation par rapport à la mission rédemptrice de l’Eglise. Le travail de ce synode doit faire montre d’une bien plus grande confiance en la Parole de Dieu, en la puissance transformatrice de la grâce, en la capacité des personnes de vivre effectivement ce que croit l’Eglise. Et il doit honorer les époux abandonnés qui restent fidèles à leurs vœux et à l’enseignement de l’Eglise. Nous devons appeler les gens à la persévérance dans la grâce et à avoir confiance en la grandeur que Dieu a voulue pour eux – et ne pas les confirmer dans leurs erreurs. Le mariage incarne l’espérance chrétienne – une espérance faite chair et scellée de manière permanente dans l’amour d’un homme et d’une femme. Ce synode doit prêcher cette vérité de manière plus claire avec la passion radicale de la Croix et de la Résurrection. »
Alors, Mgr Chaput est-il un comploteur qui manipule en vue de ses intérêts particuliers ?