Alors que dans un tourbillon de discours et de documents dont le débit s’accélère, le pape François précise et accentue sa vision d’une sorte de coexistence enrichissantes de religions posées comme équivalentes, il dessine aussi, à travers le synode, une nouvelle Eglise, qui, pour surprendre plus qu’un peu les fidèles catholiques, ne s’en veut pas moins universelle dans le concert des religions. Cette nouvelle Eglise n’a pas, comme certains le croyaient depuis les années 70 du siècle dernier à cause du recul des confessions et du flou entretenu sur l’enfer, discrédité ou oublié la notion de péché, elle l’a transformée : certains péchés tenus pour tels depuis l’origine sont regardés presque avec complaisance, alors que de nouveaux péchés apparaissent, dont certains décrétés « graves ».
Les nouveaux péchés sont 7, comme les péchés capitaux
Une « cérémonie pénitentielle » aura lieu le premier octobre pour les expier à la basilique Saint Pierre, selon un communiqué conjoint du diocèse de Rome et du secrétariat général du Synode. Elle aura lieu en introduction de l’assemblée synodale qui se tient du 2 au 27 octobre dans la capitale italienne. Et c’est le cardinal Mario Grech, rapporteur du synode, qui, dans une conférence le 16 septembre, a brossé le programme de cette journée. On y écoutera le témoignage de trois personnes ayant souffert de péchés ainsi définis : de guerre, d’abus et d’indifférence au drame des migrations, avant que ne soient confessés sept péchés : sept comme les péchés capitaux, les sept jours de la semaine, les sept églises, les sept tours de Jéricho, les sept miracles de l’Evangile selon Saint Jean, les sept sceaux de l’Apocalypse, etc. Le nombre 7 dans l’Ecriture est souvent symbole de l’accomplissement ou de la totalité.
Un fourre-tout de péchés pour le synode
En voici la liste : péché contre la paix ; péché contre la création, contre les peuples autochtones, contre les migrants ; péché d’abus ; péché contre les femmes, la famille, la jeunesse ; péché de la doctrine utilisée comme des pierres à jeter (i.e. pour blesser) ; péché contre la pauvreté ; péché contre la synodalité ou manque d’écoute, de communion et de participation de tous. Cette liste suscite immédiatement une question : est-ce une liste de tous les péchés importants ? Mais il en manque. Est-ce une liste des péchés les plus fréquents relevés dans les synodes ? Mais qui en a fait le relevé d’une part, et de l’autre que font alors ici le péché contre la paix, les peuples autochtones, la jeunesse ou la pauvreté ? Et d’ailleurs, que recouvrent-ils ? Qu’est-ce que le « péché contre la création », cela paraît fort vague et plus difficile encore à définir que le crime contre l’humanité. Le péché contre la pauvreté vise-t-il la dureté envers les pauvres ou inclut-il le gaspillage ? Quant au péché d’abus, il peut tout désigner, puisque l’abus est un mauvais usage.
François mélange son linge sale et celui de l’Eglise
La seule chose qu’on sache est que ces péchés paraissent particulièrement graves aux yeux du synode et du pape qui l’a commandité, puisque pour leur rachat François « adressera, au nom de tous les fidèles, une demande de pardon à Dieu et aux sœurs et frères de toute l’humanité ». Ces péchés ainsi ramassés en un paquet peuvent figurer ce que le pape n’aime pas et condamne, enveloppé dans une langue suffisamment floue pour en masquer l’agressivité. Dans cette optique les deux « péchés » qui regardent les controverses dans l’Eglise autour du synode (« doctrine utilisée comme des pierres » et « manque d’écoute, de communion et de participation » ressemblent à des précautions de boutique, par lesquelles une coterie dominante très au fait de la communication tenterait de discréditer par avance tous ceux qui s’opposeraient à elle au nom du dépôt de la foi.
Une spiritualité universelle pour remplacer l’Eglise catholique ?
Les autres, en revanche, ressemblent furieusement à l’établissement d’une doctrine nouvelle précisant de nouveaux péchés pour bâtir une Eglise nouvelle. Et ils recoupent des manifestations antérieures, par François de son intention d’y arriver. On y trouve le péché qui rompt l’harmonie entre le Créateur, l’humanité et l’ensemble de la création proclamé dans Laudato Si’, le « péché grave » de ceux qui rejettent les migrants. Le péché contre les peuples autochtones promus par la théologie amazonienne. Bref, tous les dadas d’un pape mondain et politique, habile à surfer sur l’air du temps (« péchés contre les femmes, la famille, la jeunesse », péchés d’abus), dont les préoccupations recoupent, on l’a démontré, les objectifs de la révolution arc-en-ciel. Ce qui apparaît gravissime n’est pas l’obsession politique du souverain Pontife, mais sa passion d’y soumettre la doctrine et la discipline de l’Eglise catholique pour les fondre dans une gouvernance universelle inspirée de la spiritualité maçonnique. Et la récente tribune de l’archevêque de Cantorbéry montre que l’Eglise anglicane est engagée à fond dans le même processus