Les propos du secrétaire d’Etat américain John Kerry niant que la COP21, qui débute à la fin du mois à Paris, puisse fixer des objectifs climatiques contraignants ont, comme l’on pouvait s’y attendre, provoquer une vive réaction des autorités françaises, et notamment de François Hollande qui a tenu à affirmer que, s’il n’y avait pas contrainte, autant dire qu’il n’y aurait pas accord.
« Si l’accord n’est pas juridiquement contraignant, il n’y a pas d’accord, parce que ça voudra dire qu’il n’est pas possible de vérifier ou de contrôler les engagements qui seront pris », a lancé jeudi le président de la République en marge du sommet sur les migrations à Malte.
François Hollande n’a pas, en l’occurrence, tout à fait tort, du moins sur le point de vue de la logique : un accord qui, d’emblée, est annoncé comme n’étant pas contraignant, n’est pas un accord, puisque cela signifie que, en définitive, chacun n’en fera qu’à sa tête.
François Hollande répond à John Kerry
Mais, une fois posée cette difficulté d’équation, François Hollande sort de la sphère du réel. En affirmant comprendre les difficultés de l’exécutif américain, il avoue ne pas faire, lui-même, face au réel. « Je sais combien c’est difficile, affirme-t-il, mais nous devons donner à l’accord de Paris, si accord il y a, un caractère contraignant au sens où les engagements qui auront été pris devront être tenus et respectés. » Et notamment en ce qui concerne les fameux 2° C de réchauffement climatique, dont on ne nous a toujours pas expliqué de quel chapeau ils sortaient…
Sinon, nouveau Xerxès, fera-t-il fouetter les nuages ?
Plus pragmatique, et peut-être plus inquiet puisqu’il lui revient de présider la COP21, le chef de la diplomatie française s’est entretenu mercredi de cette question avec son homologue américain. « (…) le fait qu’un certain nombre de dispositions doivent avoir un effet pratique, être juridiquement contraignantes, c’est une évidence », a ensuite déclaré Laurent Fabius, en s’interrogeant sur la possibilité que John Kerry ait pu confondre « la nature juridique de l’accord et puis le fait qu’il faut évidemment que les dispositions sur lesquelles nous allons nous mettre d’accord se traduisent dans les faits ».
Pas sûr que le secrétaire d’Etat américain apprécie d’être pris pour un imbécile…
La contrainte de la COP21 et le Parlement européen
La réaction française est en outre excessive, car les Américains ne sont pas les seuls à avoir des difficultés en ce qui concerne l’opinion publique et celle de ses élus sur la question climatique. Ainsi la commission pour l’énergie du Parlement européen vient-elle de refuser, mardi dernier, une proposition pour renforcer les objectifs énergie-climat pour 2030, s’agissant notamment de la réduction des gaz à effet de serre, et les rendre contraignants. Et cela à une voix près, puisqu’il y a eu 31 voix contre, et 30 voix pour.
Quoi qu’il en soit, ce vote, à moins de trois semaines de l’ouverture de la COP21, devrait inciter ses organisateurs à un peu plus de prudence et d’humilité…
Et notamment si l’on considère que cette opposition parlementaire n’est que le reflet d’un agacement généralisé, notamment en France. Ainsi nos compatriotes ont pris bonne note que, si nous venons de rétablir les contrôles aux frontières, c’est uniquement à l’occasion de la tenue de cette fameuse COP21.
Il est vrai que si quelque action terroriste était tentée à cette occasion, le résultat serait impressionnant puisque nous recevront près d’une centaine de chefs d’Etat et de gouvernement, et 195 délégations officielles au total.
Mais la sécurité habituelle du moindre des citoyens français ne vaut-elle pas autant ? Que fait-on ici de l’égalité dont on ne se prive pas pourtant de nous rebattre les oreilles ?
Et la pollution idéologique ?
Autre inquiétude, et qui n’est pas sans intérêt, celle des hôteliers – et plus précisément des petits hôteliers – parisiens, qui s’inquiètent de l’impact négatif que cette conférence exceptionnelle a sur leur clientèle habituelle, laquelle – et on la comprend ! – semble vouloir déserter autant que possible la région parisienne durant cette période.
« Pendant les premières discussions, on nous disait pourtant que ça allait être énorme », déplore Evelyne Maes, vice-présidente de l’Umih, la principale organisation patronale de l’hôtellerie.
Bien sûr, les grands groupes hôteliers et les palaces vont tirer leur épingle du jeu. Mais pour les autres, les petits, les indépendants, la période va être sinistrée, alors que quelque 50.000 participants sont attendus au total par les organisateurs de la COP21.
Un point positif quand même ? Oui, pour le groupe AccorHotels, qui estime que l’impact sera plutôt positif pour ses 230 établissements franciliens. Et qui joue ostensiblement le jeu de l’écologie. Ainsi la direction assure-t-elle que 27.000 arbres seront plantés au Pérou pour compenser les émissions carbone de l’ensemble des hôtels de la région parisienne pendant la COP21.
AccorHotels estime en effet que deux millions de nuitées d’hôtels (pour 50.000 participants sur une dizaine de jours ?) auront lieu sur la période, et qu’elles produiront 9.000 tonnes de CO2.
Grand bien face au Pérou, mais on ne voit pas le lien – à moins que, pour AccorHotels, la COP21, ce soit le… Pérou ?
Il est tout de même étonnant de voir à quel point l’idéologie peut produire de tonnes d’émissions de stupidités !
Et pourquoi pas alors se fier à ces chiffres du groupe AccorHotels pour demander à la COP21 de prendre la mesure contraignante d’interdire désormais un secteur aussi polluant que l’hôtellerie ?