Beijing Stories est un faux titre – le comble du ridicule – de diffusion internationale en langue anglaise d’un film chinois, réalisé en la langue de Confucius, et à voir absolument en langue originale. Le véritable titre international Underground Fragrance (les parfums du sous-sol) définit mieux l’objet que ces récits de Pékin, titre trop vague. Ces parfums, ou plutôt odeurs, sont ceux du sous-sol d’un immeuble de Pékin. Des dizaines de migrants intérieurs, venus d’autres provinces, cohabitent dans les caves. Cet univers particulier est bien reconstitué, sans misérabilisme ni déni absurde de réalité. Les colocataires souterrains s’efforcent de rendre leur environnement sombre et exigu le moins désagréable possible, ce qui implique de se parler, voire de s’entraider. Les bons sinisants reconnaîtront les accents régionaux. Les différences culinaires sont aussi bien mises en valeur, comme le décalage entre les personnages originaires des villes ou des campagnes : ainsi une paysanne ne voit aucune difficulté à décapiter au hachoir une tortue vivante, préalable indispensable à la cuisson, action qui effraie la citadine.
Beijing Stories
Beijing Stories s’attache à quelques personnages centraux, tous en marge de la grande croissance chinoise et du renouvellement urbain intense de Pékin. L’Etat chinois fait construire, par des spéculateurs privés, la plus vaste ville du monde, un très grand Pékin étendu sur des centaines de kilomètres dans toutes les directions, des montagnes à l’ouest à la mer à l’est. Un recycleur de matériaux et meubles usagés rencontre dans leur sous-sol une jolie voisine ; aveuglé un temps par un accident, il ne la voit pas, et s’attache d’autant plus peut-être. Celle-ci exerce l’activité peu gratifiante et encore moins honorable de danseuse en un établissement douteux, à la limite de la prostitution, en laquelle elle ne veut pas tomber. Sans insistance, heureusement, le film présente de brèves scènes d’un lieu indigne. Ces travailleurs en bas de l’échelle sociale sont poussés par les familles, qui exercent une forte pression morale sur eux. A travers quelques cas concrets de perdants, la spéculation immobilière est dénoncée. Le réalisateur sait se retenir au seuil de la leçon de morale explicite, ou de la sentimentalité chinoise typique.
Beijing Stories intéresse le spectateur par sa vision d’une humanité lointaine, ni meilleure ni pire que la nôtre, et cette approche par le bas de cette mégalopole en construction, le grand Pékin.