Curieuse collusion autour des migrants qui se pressent, pour ainsi dire, aux frontières du Royaume-Uni ! La Grande-Bretagne est une île mais elle pourrait bien céder devant la dénonciation des conditions déplorables au camp de La Grande Synthe près de Dunkerque, dont les images se multiplient dans la presse britannique de toutes orientations politiques. La boue, le manque de sanitaires, le froid, la désespérance patente des « migrants » qui s’y massent pour obtenir leur passage de l’autre côté de la Manche provoqueraient l’indignation et la pitié des plus insensibles. Alors, en l’espace d’un week-end, on apprend que le Premier ministre David Cameron envisage d’accueillir 3.000 migrants mineurs non accompagnés, tandis que le nouveau leader travailliste, Jeremy Corbyn, s’est rendu sur place et propose de donner un sésame pour la traversée à tous ceux qui ont un membre de leur famille déjà au Royaume-Uni.
Quelques enfants…
« Ça ne fera pas beaucoup, trois milliers peut-être », a-t-il assuré, les pieds dans la boue, entouré de jeunes Syriens ou Irakiens qui voulaient un « selfie » avec le leader de gauche et qui imaginaient se faire prendre en photo avec David Cameron.
David Cameron et Jeremy Corbyn d’accord sur le fond : le Royaume-Uni doit accueillir plus de migrants
Jeremy Corbyn n’est sans doute pas aussi naïf qu’il n’y paraît. Qui peut croire en effet que la nouvelle ne circulerait pas, et que bien d’autres milliers sauraient trouver le chemin de la Jungle de Calais ou du camp de la Grande-Synthe, dont les effectifs ont plus que triplé en quatre mois ?
Avec ses 2.800 occupants privés du confort élémentaire, ce camp sert de repoussoir qu’il est facile d’instrumentaliser pour faire basculer l’opinion en faveur d’un accueil plus généreux outre-Manche. Les images qui circulent dans la presse britannique – y compris la plus apparemment conservatrice – montrent des dizaines d’enfants, avec ou sans leur mère. Pourtant, ils sont proportionnellement peu nombreux à la Grande-Synthe – quelques centaines de femmes et d’enfants – par rapport aux très nombreux hommes en pleine force de l’âge.
Les autorités françaises ont proposé à chacun des migrants une « relocation » dans un centre pour demandeurs d’asile ailleurs en France pourvu qu’ils acceptent de déposer leur dossier ici. Peine perdue. Parlant un peu d’anglais mais point le français, attirés par les meilleures conditions économiques côté britannique, ils sont prêts à faire « l’investissement » d’une halte pénible dans les boues du Nord pour obtenir un aller vers leur destination rêvée. En même temps, leur situation ajoute du poids à leur demande. Pas question de se laisser déporter à Trifouillis-les-Oies !
Pressions sur le Royaume-Uni à coups d’images dramatiques
David Cameron est prêt semble-t-il à prendre des risques électoraux, mais calculés et soutenus par les images dramatiques qui tournent en boucle à propos des migrants et autres demandeurs d’asile, pour ouvrir davantage les portes du Royaume-Uni. Pressions européennes ? Toujours est-il que l’arrivée de 3.000 « enfants » non accompagnés pourrait intervenir dans les quelques semaines à venir (ne jamais oublier qu’au sens de l’ONU, un enfant le reste jusqu’au jour de ses 18 ans…). En tout cas, le Secrétaire au développement, Justine Greening, a confirmé que le gouvernement britannique entend déterminer comment « davantage » aider les enfants dans un avenir très proche, sans doute en coordination avec des ONG comme Save the Children.
Ces mineurs s’ajouteraient aux 20.000 migrants, syriens notamment, que le Royaume-Uni s’est engagé à accueillir en allant les chercher directement dans les camps de Jordanie et surtout du Liban, histoire d’éviter qu’ils ne tentent la périlleuse traversée par la Méditerranée. Mais ce sera un nouvel encouragement aux familles qui envoient un adolescent en éclaireur vers l’Europe si convoitée…
Les migrants de Calais et de Dunkerque, instrumentalisés au service de la politique de migration ?
Parmi les pressions, celles de Jeremy Corbyn – supposé aux antipodes de Cameron, il est de la trempe des Tsipras et Pablo Iglesias ailleurs en Europe – n’a peut-être pas été entendue, mais elle semble en tout cas devoir se traduire en actes par la volonté de Cameron. « Nous devons en faire davantage. C’est une urgence : David Cameron devrait offrir un refuge aux enfants réfugiés non accompagnés actuellement en Europe – comme nous l’avons fait pour les enfants du Jewish Kindertransport qui fuyaient la tyrannie nazie pendant les années 1930 », disait Corbyn à son retour de France.
L’Etat islamique serait-il à mettre sur le même plan que le nazisme ? On croit le comprendre. Le parallèle va même plus loin. On peut, on doit critiquer le national-socialisme, mais non le socialisme… On peut, on doit critiquer l’Etat islamique, mais non l’islam. Et ainsi la boucle est bouclée.