La démission du ministre ukrainien de l’Economie provoque une nouvelle crise

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Aivaras Abromavicius, ministre de l’Economie, à Kiev en 2015.

 
En Ukraine, la crise n’en finit pas de connaître des ricochets. Au sein du gouvernement, les démissions s’enchaînent. La semaine dernière, c’est le ministre de l’Economie, considéré comme l’un des marqueurs de la réforme engagée par le pouvoir, qui a donné sa démission. Empêtré dans les divisions, le président ukrainien Petro Porochenko paraît désormais bien seul.
 
En démissionnant, le ministre de l’Economie Aivaras Abromavicius accélère la crise qui couvait au sein d’un gouvernement voulu comme réformateur, puisqu’il est le troisième ministre à quitter l’équipe ministérielle depuis le début de l’année. Mais sa démission prend une résonnance particulière parce que, d’une part, en s’en prenant à un proche de la présidence, il met directement en cause le président Petro Porochenko ; et, d’autre part, parce qu’Aivaras Abromavicius avait été recruté dans le gouvernement Iatseniouk pour sa compétence, au point que, jeune banquier lituanien âgé de 40 ans, directeur d’un fonds suédois, il avait reçu en même temps le portefeuille de l’Economie, et la nationalité ukrainienne…
 

La démission du ministre ukrainien de l’Economie

 
L’objectif était, au départ, de poursuivre l’idéal de la Révolution Orange, dont Petro Porochenko, le « roi du chocolat », fut un des principaux soutiens, en nettoyant les écuries d’Augias.
 
On comprend mieux, dès lors, que sa démission fasse l’effet d’une bombe, puisque le ministre démissionne – et avec lui ses quatre vice-ministres – en accusant ceux-là même qui l’avaient appelé de corruption. En effet, Aivaras Abromavicius a accusé Igor Kononenko, adjoint au chef de la formation présidentielle au Parlement, et ami du président Petro Porochenko, de faire pression pour placer ses alliés à des postes entrepreneuriaux importants.
 
Annonçant sa démission, le ministre de l’Economie a précisé que la raison en était « la soudaine intensification des tentatives de blocage de réformes importantes et systémiques dans notre pays ». Avant d’enfoncer le clou : « Mon équipe et moi ne voulons pas servir de couverture à une corruption flagrante, être des marionnettes sous le contrôle de ceux qui veulent, à l’image de l’ancien pouvoir, établir un contrôle sur l’argent public. »
 
Le choc est brutal !
 

Une nouvelle crise qui risque de faire chuter le pouvoir à Kiev

 
Et cette nouvelle crise intervient alors que, la semaine prochaine, le premier ministre doit engager la responsabilité de son gouvernement devant la Rada, le Parlement ukrainien. Mais, devant la division de son équipe, le premier ministre doute de pouvoir se présenter devant les députés avec quelques chances de succès, et envisage désormais de démissionner à son tour, ce qui porterait un coup fatal à la coalition au pouvoir.
 
Il se murmure que, afin d’éviter d’en arriver là, le président Porochenko envisagerait un remaniement ministériel, démarche qui aurait, semble-t-il, la faveur des Occidentaux. Ceux-ci, en effet, n’envisagent pas la chute du président Petro Porochenko d’un bon œil. D’abord, parce que, en l’état actuel, une nouvelle crise majeure s’ouvrirait en Ukraine.
 
Et ensuite, et sans doute surtout, parce qu’ils ont fortement soutenu les autorités ukrainiennes face aux pro-russes du Donbass. Or, à l’est de l’Ukraine, la bataille ne cesse de faire rage. Si demain Moscou accusait le pouvoir ukrainien de corruption, cela lui donnerait évidemment une carte maîtresse dans l’actuel jeu diplomatique autour de la question ukrainienne – et éventuellement sur le terrain.
 

François le Luc