Dix ans après avoir promis de fermer la prison américaine de Guantanamo dans l’enclave américaine du même nom à Cuba, Barack Obama vient de lancer une dernière tentative que les élus républicains du Congrès feront tout pour contrer, et tempérée par le fait qu’il a lui-même souffert que continue le traitement infligé aux prisonniers du camp spécial, présenté par les militaires à la fois comme nécessaire et efficace. Le recours à la torture et aux méthodes musclées, aux pratiques humiliantes et dégradantes, à la persécution religieuse est aujourd’hui bien établi grâce à des documents et des images « fuités ». Outre que ces pratiques sont moralement indéfendables, il apparaît qu’elles sont inefficaces ou presque pour obtenir des informations.
Une étude déjà ancienne publiée par Wikileaks en 2010 d’après des documents rendus publics par le soldat Bradley Manning, vient d’être mise à jour par Emanuel Deutschmann.
Une nouvelle étude montre que la torture n’a rien rapporté à Guantanamo
« Alors qu’une forte majorité (85 %) des détenus de Guantanamo y ont été amenés pour “fournir des informations”, près des deux tiers n’ont pas apporté la moindre information sur des codétenus. Que la raison en soit le fait qu’il n’avait en réalité aucune information utile à révéler (ce qui indiquerait que leur déportation à Cuba était le résultat d’une erreur) ou le fait qu’ils aient réussi à ne rien dire malgré la torture (ce qui indiquerait que les méthodes d’interrogatoire appliquées par le Joint Task Force Guantanamo sont inefficaces), une chose est claire : en regard de ce que l’administration des Etats-Unis espérait apprendre de ses prisonniers, la récolte d’informations à Guantanamo a été déficiente. »
Sur les 765 détenus dont les dossiers ont été passés au peigne fin, seuls 12 étaient effectivement sous le coup de poursuites pour activités terroristes contre les Etats-Unis. 9 % seulement étaient supposément liés à Al-Qaida.
Les méthodes musclées, inefficaces, aboutissent à de mauvaises informations
Quant au plus grand nombre, explicitement amenés à Guantanamo pour révéler ce qu’ils étaient censés savoir, il apparaît qu’il a été possible de les faire parler sous la torture… mais non de dire la vérité. Parler ne leur assurait pas une libération prochaine ; mais en parlant ils pouvaient réduire les chances de libération d’autres détenus dont ils ne partageaient pas la culture, la religion, la philosophie – un vrai bonus aux informations inventées.
Mais en définitive, à Guantanamo, « la plupart des prisonniers ne font pas de déclarations incriminant des tiers malgré le fait qu’ils étaient supposés avoir aussi bien des informations que des liens avec des groupes terroristes, et ce malgré le fait que les interrogateurs américains ont reconnu avoir eu recours à la torture pour les faire parler », note Deutschmann.
Le prix en est lourd, tant pour le maintien du camp de détention que pour la réputation américaine. Les candidats républicains à la présidence sont pourtant défavorables à la fermeture de Guantanamo : les sénateurs Marco Rubio et Ted Cruz ont soutenu, début mars, une résolution demandant à Obama d’y envoyer de nouveaux détenus pris à l’Etat islamique. Donald Trump, « lui président », a promis de rouvrir le camp si jamais celui-ci devait fermer avant son élection à la présidence, et de le « charger à bloc de sales types ».