Le gouvernement actuel, contrairement à ce que l’on entend souvent dans les médias, a des convictions, et il mène une politique s’inscrivant dans une forte continuité historique. Ainsi a-t-il préparé pour 2016, dans son calendrier officiel des commémorations nationales, une célébration de l’anniversaire de « nbsp;l’exécution du chevalier de la Barre nbsp;». Ce martyr officiel n’inspirera nulle sympathie d’emblée. Le chevalier de la Barre est mort exécuté en 1766, il y a 250 ans, pour crimes contre la religion catholique. Ce calendrier officiel s’inscrit dans une continuité historique de haine antichrétienne, et évoque pour ce faire un personnage symbolique essentiel de l’idéologie maçonnique dominante de notre époque. Ce caractère officiel invite les autorités de l’Etat à soutenir les nombreuses célébrations associatives de l’exécution du chevalier de la Barre, avec en pointe la Libre Pensée. De même, elle incite, si besoin en était, les enseignants de la « Déséducation Nationale » à ériger le personnage en modèle pour leurs élèves, avec la possibilité de les emmener assister aux célébrations, d’un esprit antichrétien évident. Les élèves étant aujourd’hui intenables, peut-être perturberont-ils lesdites célébrations ?
Quelle est réellement cette figure du chevalier de la Barre ? Quelle utilisation en a été faite jusqu’à aujourd’hui ?
Une continuité historique de haine antichrétienne derrière l’anniversaire de cette exécution
Cette histoire dans laquelle s’inscrit le gouvernement actuel n’est en aucune manière celle, millénaire, de la France chrétienne, mais celle récente, bi-séculaire au plus, de la gauche républicaine, maçonnique et socialiste, qui remonte aux années 1789 et 1880. Quant à la modération au moins apparente de son socialisme économique, élément prétendu de rupture avec sa propre tradition, il n’est pas sans racines non plus dans le temps, Jaurès n’ayant été qu’un marxiste des lèvres, sur le tard, et non par conviction profonde. Cette gauche républicaine et socialiste va fort loin désormais dans le prétendu progrès sociétal, mais il y a là aussi une continuité dans la fragilisation de la famille traditionnelle, avec la loi du 20 septembre 1792 puis le combat des années 1880 pour le divorce, aussi impensable à l’époque qu’aurait été le « mariage » homosexuel pour des socialistes de 1900.
Cette tradition républicaine et socialiste a pour constante l’opposition radicale aux traditions chrétiennes de la France. Il s’agit de bien plus et bien pire du point de vue catholique que d’une simple, si l’on ose dire, indifférence ou neutralité religieuse, mais d’une haine du passé, des valeurs chrétiennes et des chrétiens. Ainsi s’explique par exemple la répression policière hystérique de la Manif pour Tous, contre des jeunes filles ou des familles à l’évidence inoffensives… C’est bien la République maçonnique qui persécute la France chrétienne, sous des modes divers. Il en va ainsi depuis la Première République (1792-1799), manifestant sa volonté violente d’abolir le christianisme dès l’automne 1793.
Or, la République se fonde sur une inversion constante de la réalité. Loin de reconnaître sa persécution, certes aujourd’hui non sanglante, elle se vante d’une tolérance imaginaire et accuse les chrétiens d’une somme de crimes passés, le plus souvent totalement inventés ou très exagérés. Il y a aussi une disproportion entre les centaines de milliers de catholiques vendéens explicitement massacrés en haine de leur foi, et les quelques cas individuels d’athées effectivement tués par des chrétiens. Commémorer le Génocide vendéen de 1793-94 ne serait en revanche pas au programme officiel, et demeure même résolument nié.
Le cas du chevalier de la Barre
Le chevalier de la Barre (1745-1766) est le martyr de l’athéisme, célébré à ce titre comme exemplaire. Il n’offre pourtant guère d’intérêt. Orphelin, il a été recueilli avec son frère et élevé par une tante abbesse, l’abbesse de Willancourt, ce qui ne l’a pas rendu reconnaissant envers l’Eglise. A l’adolescence, il n’a développé aucune pensée propre, a partagé les pires idées des « Philosophes » de son temps, développant ainsi une haine viscérale pour la religion catholique, et ses objets pieux, comme les crucifix.
En 1765, il souffre peut-être aussi d’immaturité, et ne mesure probablement pas toutes les conséquences de ses sottises impies. Ainsi s’amuse-t-il à mutiler avec deux amis de son âge des crucifix qui ornent alors le Pont-Neuf d’Abbeville, le port de l’estuaire de la Somme, le 9 août 1765. Remarquons la continuité dans le temps avec la volonté « laïque et républicaine » d’ôter tous les crucifix, à défaut de les mutiler, des espaces publics, même là où la présence séculaire, donc patrimoniale, est attestée. Cette affaire de mutilation impie est prise très au sérieux à l’été et l’automne 1765 par les autorités civiles et ecclésiastiques, et remonte jusqu’à l’évêque d’Amiens, Mgr de la Motte.
C’est dans ce contexte que les trois athées militants finissent par être identifiés. Ils avaient déjà poussé auparavant la provocation et l’imprudence assez loin, ne se découvrant ostensiblement pas au passage du Saint-Sacrement, lors de la procession de la Fête-Dieu, au printemps 1765. La Fête-Dieu a lieu soixante jours après Pâques, et affirme la présence réelle du Christ dans l’hostie, réalisée par la transsubstantiation, enfermée dans l’ostensoir. Elle s’est imposée au XIIIème siècle dans le monde catholique pour affirmer la croyance en ce miracle essentiel et particulièrement contesté par les hérétiques de toutes les époques, ou a fortiori les athées par la suite. L’intention blasphématrice est des plus claires ; car, à défaut de se découvrir, ils auraient pu prendre simplement un autre chemin.
Aussi ces trois jeunes hommes à l’impiété peu discrète dans une petite ville comme Abbeville sont-ils identifiés assez rapidement. Un des trois coupables s’enfuit, Gallond d’Etallonde, et se réfugie en Hollande, relativement proche de la Picardie, puis en Prusse. Le plus jeune, Moisnel, âgé de quinze ans, attend sereinement l’arrestation, comptant, à juste titre, sur l’excuse de l’âge. Son cas démontre que la justice ne sera pas inique ni d’un fanatisme sanguinaire de principe ; quinze ans n’est pas cinq ans, et il jouit de son discernement. Ces trois jeunes hommes appartiennent alors à la jeunesse dorée, témoignage d’une impiété plus précoce dans les classes sociales supérieures.
Par orgueil suicidaire, plus probablement que volonté consciente de pousser la provocation jusqu’au bout, le chevalier de la Barre reste en Picardie. Il n’a même pas la prudence élémentaire de cacher ses lectures impies, pièces à convictions, attestant sinon les faits en eux-mêmes, du moins son état d’esprit. Parmi ces ouvrages figure le Dictionnaire Philosophique de Voltaire, qui contrairement au nom programmatique n’élève guère la pensée, mais propage un scepticisme facile et irrespectueux. Il semblerait qu’une morgue nobiliaire, du fait d’une large parenté prestigieuse, l’ait persuadé de son impunité.
Le chevalier de la Barre, dans des procès rigoureux, respectant les normes du droit et les procédures du temps, et effectivement coupable des faits reprochés, est condamné à mort. Le 4 juin 1766, en appel, le Parlement de Paris, la plus haute cour de justice ordinaire du Royaume, confirme la condamnation à mort. Le roi Louis XV refuse la grâce. Malgré des faiblesses de chair trop connues, sa piété personnelle est hors de doute, et il a été choqué du caractère public des provocations, inédites en France. Les rares précédents y ressemblant avaient été des actions iconoclastes de protestants au XVIème siècle, mais ils se réclamaient d’un christianisme prétendument réformé, non de l’athéisme. L’affaire présente ainsi un caractère de nouveauté. Louis XV s’inquiète de l’avenir de son royaume, et l’avenir devait malheureusement lui donner raison.
Certes, il est vrai que Louis XV ne veut surtout pas se montrer moins bon catholique que le Parlement avec lequel il est en conflit politique grave. Mais la sincérité de Louis XV, comme celle du Parlement, est hors de doute, et il n’y a pas lieu de voir en cette condamnation et exécution du chevalier de la Barre le résultat de manœuvres politiques tortueuses. Imaginer des autorités françaises défendant rigoureusement le catholicisme, avec sincérité, voilà qui est devenu peu compréhensible à nos contemporains.
Aussi le 1er juillet 1766, le chevalier de la Barre est-il exécuté. Les lois de la monarchie chrétienne ont été encore appliquées, rigoureusement, pour la dernière fois. Des supplices annexes à l’exécution peuvent nous choquer, avec le recul, et les athées militants en font grand usage, espérant ainsi renverser le martyrologe chrétien en créant leur martyr de l’athéisme, dans une perspective résolument inverse.
Plusieurs siècles de propagande en l’honneur du martyr des athées
L’histoire du chevalier de la Barre est popularisée par Voltaire l’année-même de son exécution. Il ose réclamer sa réhabilitation, alors qu’il était pourtant indiscutablement coupable, et jugé régulièrement. Le cas est différent de celui de l’Affaire Callas, qui présentait effectivement quelques obscurités. La Barre s’avère beaucoup plus populaire que Callas, puisque franc athée, et non protestant.
La réhabilitation solennelle du chevalier de la Barre est par contre accomplie sous la Révolution française par la Convention, le 25 brumaire An II – 15 novembre 1794. Elle a lieu juste après le renversement de Robespierre (9-10 thermidor An II – 27-28 juillet 1794), dont le culte de l’Etre Suprême abhorrait également l’athéisme revendiqué, et témoigne assez logiquement de l’impiété fondamentale des Thermidoriens.
Célébré durant tout le XIXème siècle comme une victime de « l’intolérance », le chevalier de la Barre voit son rôle symbolique renforcé dans les années 1870 avec le basculement du Grand Orient, la principale obédience maçonnique française, du déisme à l’athéisme. A ce titre le chevalier de la Barre fait figure de précurseur athée dès 1765-66, soit un siècle plus tôt.
Du Grand Orient, cette vénération se répand à toute la Gauche républicaine, et républicaine socialiste. Une des manifestations de l’enracinement toujours plus profond de la république dans l’athéisme consiste en l’érection de statues en hommage au chevalier de la Barre, et ce dans pratiquement toutes les villes de France, de préférence devant des édifices religieux catholiques ou à proximité immédiate. Une telle vague de réalisations submerge notre pays dans les années 1900.
Ainsi en 1905, année de la Séparation de l’Eglise et l’Etat, est inaugurée, devant le chantier alors presque achevé du Sacré-Cœur sur la colline de Montmartre, la statue du chevalier de la Barre de Paris. Fondue sous l’Etat français (1940-1944), elle a été très rapidement remplacée sous la IVème République. De style plus sobre, la nouvelle statue exalte la jeunesse insolente plus que le martyre de l’athéisme en soi. Elle est située à un emplacement un peu plus discret, mais toujours à proximité immédiate du Sacré-Cœur, dans un square portant le nom du chevalier de la Barre.
Depuis son érection, la statue du chevalier de La Barre a toujours été un lieu de rassemblement « laïque », c’est-à-dire antichrétien. Tous les mouvements se réclamant du progressisme, se définissant comme humanistes, maçonniques ou laïques s’y retrouvent : le Grand Orient de France, le Droit Humain, la Libre Pensée, la Ligue des Droits de l’Homme, la Ligue de l’Enseignement, les anciens partis de gauche, les syndicats, les patronages laïques…
Une haine anticatholique qui ne désarme pas
Il est, depuis plusieurs décennies, fort question dans l’Eglise catholique de « dialogue », de dialogue avec toutes les autorités du monde, de dialogue avec tous les courants de pensée… Or, il faut bien constater que la haine du christianisme en général et du catholicisme en particulier décidément ne désarme pas !
Le chevalier de la Barre, personnage inintéressant, ne cesse d’être utilisé par l’athéisme militant. Il lui a été trouvé un nouvel usage : servir de symbole historique d’un caractère prétendument sanguinaire du christianisme au pouvoir, le mettant sur le même rang que les massacreurs de masse du Califat, au Proche-Orient comme à Paris ou Bruxelles… Or l’islam est intrinsèquement violent dans ses origines, et dans ses pratiques jusqu’à aujourd’hui chez ses observants les plus rigoureux, alors que le christianisme ne commande jamais, au contraire, l’existence de sociétés violentes. Il y a eu tout au plus de rares exécutions par le passé, en des sociétés chrétiennes devenues des objets historiques à la compréhension non immédiate, de provocateurs délibérés. Mais les mêmes qui trouveraient toutes les excuses à des musulmans excédés si un quidam suicidaire s’amusait à brûler un Coran dans la rue, même en Europe, ne cessent de vouloir à tout prix accuser l’Eglise et les chrétiens de crimes imaginaires. Les martyrs de l’athéisme sont une rareté, tandis que ceux du christianisme sont des myriades. Ils se comptent assurément par dizaines de millions au total, et meurent encore aujourd’hui par milliers, voire dizaines de milliers chaque année, tués en haine de la foi chrétienne.