Le dissident catholique Harry Wu est mort ; la persécution religieuse se renforce en Chine

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Procession catholique en Chine communiste.

 
Le dissident catholique Harry Wu est mort le 27 avril dernier, au terme d’une vie marquée par son propre internement en camp de concentration pendant 19 ans, son exil, puis son travail incessant pour faire connaître l’horreur du Laogaï, version chinoise du Goulag et des camps nazis. En 1960, encore étudiant, il avait été convaincu d’activité contre-révolutionnaire en raison de son appartenance à un groupe d’étudiants catholiques : c’est ce qui avait « justifié » son internement qui ne devait prendre fin qu’après la mort de Mao. Le décès de Harry Wu est l’occasion de constater que, si les choses ont en un certain sens changé en Chine sur le plan économique, le Parti conservant néanmoins le contrôle des grands groupes et de la finance, l’idéologie communiste, elle, reste intacte et la persécution religieuse se renforce.
 
Le système des laogaï n’a pas non plus été abandonné. Il faut dire qu’il a joué un rôle clé dans le développement économique de la Chine, puisqu’il permet de profiter d’une main-d’œuvre par définition captive, non rémunérée. Il a certainement contribué avec force à « l’émergence » de l’économie chinoise qui aujourd’hui, se situe au tout premier plan mondial. Selon la Fondation de recherche sur le Laogaï, dans laquelle Harry Wu a été actif pendant de longues années, il y avait en 2013 au moins 1.045 camps de « rééducation par le travail » en Chine, avec quelque 4 millions de prisonniers. Ressource capitale pour l’agriculture et l’industrie…
 

Harry Wu, dissident catholique : 19 ans de Laogaï

 
Ces camps ont toujours été largement ouverts aux chrétiens, persécutés dès l’instant où la République a été proclamée en Chine – et comme ils l’ont été dans tous les pays où le communisme a sévi ou sévit encore. A l’athéisme d’État, toujours d’actualité en Chine, s’est ajouté dès l’origine, en 1950, le « manifeste du mouvement des trois autonomies » : le pouvoir interdisait les missions étrangères, imposait aux religions d’avoir des chefs originaires de la Chine, et rejetait toute aide économique en provenance de l’étranger. A l’époque, la quasi-totalité des catholiques de Chine refusa d’accepter ces normes qui impliquaient la séparation d’avec Rome. Aussitôt, les arrestations d’évêques, de prêtres et de laïcs fidèles allaient commencer.
 
Aujourd’hui en Chine, la persécution continue. L’Aide à l’Eglise en Détresse (AED) a dressé en 2014 un portrait de la situation. La Chine reconnaît officiellement cinq religions : le bouddhisme, le taoïsme, l’islam, le protestantisme et la religion catholique. Le judaïsme et l’orthodoxie sont hors la loi.
 

Les persécutions religieuses toujours à l’ordre du jour en Chine

 
Le droit à l’expression religieuse est à la discrétion de l’État et ne peut s’exercer que dans des lieux officiellement reconnus. De ce fait, toutes les religions « officielles » de Chine possèdent une section clandestine. Dans leur variante officielle, elles sont toutes régentées par une « association patriotique » à laquelle l’adhésion est supposée volontaire mais qui est en réalité obligatoire.
 
C’est par le biais d’une telle association patriotique créée en 1957 que l’Eglise catholique officielle de Chine été placée sous la coupe du pouvoir central communiste. Refuser d’adhérer à l’association patriotique assurait aux catholiques fidèles leur internement immédiat dans un camp de travail. C’est de cette époque que datent également les ordinations d’évêques sans autorisation du Saint-Siège.
 
Aujourd’hui la situation légale des catholiques chinois fidèles ressemble à ce qu’elle était au plus fort du maoïsme. En 2005, filtrait la liste de 19 évêques et de 18 prêtres arrêtés, dont à ce jour on n’a plus aucune nouvelle.
 
L’espoir revint un peu en 2013 avec l’annonce de l’abolition du Laogaï et la réforme du code pénal empêchant qu’une personne puisse être détenue par la police au-delà de six mois sans inculpation précise. Beaucoup de catholiques espéraient voir des évêques ou des prêtres emprisonnés sans procès enfin libéré. Il n’en a rien été. L’Aide à l’église en détresse rappelait en 2014 que Su Zhimin, 80 ans, était retenu par la police depuis 15 ans ; Mgr Cosmas Shi Enxiang, évêque « clandestin » de Yixian, 90 ans, était quant à lui dans l’attente de son procès depuis 2001. Des dizaines d’autres clercs sont toujours retenus sans qu’on puisse avoir de leurs nouvelles.
 

Harry Wu est mort : ce qu’il a toujours combattu prospère toujours

 
Le président Xi Jinping a clairement déclaré que toutes les religions doivent « servir le plus haut intérêt de l’État et l’intérêt général de la nation chinoise, en soutenant le parti communiste chinois, en soutenant le système socialiste, et en adhérant à la vie socialiste selon les caractéristiques chinoises ».
 
Et ainsi au cours de ces dernières années, loin de disparaître, la persécution s’est renforcée. On parle évidemment des croix détruites sous prétexte d’« embellir » et le paysage est d’éliminer des structures illégales, mais pour les chrétiens il s’agit d’une évidente volonté de détruire les lieux de culte et les symboles chrétiens. On parle de l’épouse d’un pasteur protestant clandestin, Li Jiangong, qui a été enterrée vivante lors de la démolition de l’église Beitou de Zhumadian sur ordre des responsables de l’opération.
 

Avec Xi Jinping, la Chine renforce le communisme, marxiste et athée

 
La même persécution s’installe à Hong Kong, rattaché désormais à la Chine mais qui devait bénéficier d’un régime de plus grande liberté. Il y a quelques jours, le cardinal Joseph Zen Ze-Kiun a pris la tête d’une pétition de dizaines de chrétiens de toute dénomination demandant au gouvernement central de Pékin de cesser la démolition des croix. Mais le pouvoir communiste, à travers le président Xi Jinping, continue de répéter qu’il faut obéir au Parti et que « tous les cadres communistes doivent être athées et marxistes pour se défendre contre les infiltrations depuis l’étranger ».
 
Une nouvelle loi qui doit entrer en vigueur en janvier 2017 prévoit un contrôle renforcé sur les ONG étrangères qui passent sous l’autorité des responsables de la sécurité publique et non plus des affaires civiles. Le statut des activités religieuses pourrait être en cause.
 
Pourtant, le christianisme est en plein essor puisque, lors de la dernière nuit de Pâques, on estime à 20.000 le nombre de baptêmes d’adultes catholiques. Le cardinal Zen a lancé un appel pressant à la prière pour l’Eglise en Chine : « Pour que nos frères et sœurs qui ont du courage, persévèrent. Pour que ceux qui doutent restent forts et pour que les faibles et ceux qui se sont trompés, reviennent. »
 

Anne Dolhein