L’image d’une Inde surpeuplée reste profondément ancrée dans l’imaginaire collectif. C’est une image fausse. Des études officielles sur la démographie du sous-continent montrent que depuis 2006, les zones urbaines de l’Inde affichent un taux de fécondité de deux enfants par femme en âge de procréer. Et depuis 2010, la chute s’est accentuée. « Cela signifie qu’il n’y a pas suffisamment d’enfants dans les villes indiennes pour remplacer la population existante de leurs parents », commentait récemment le Times of India. Autrement dit, le remplacement des générations n’est plus assuré, et l’Inde urbaine « fait » aujourd’hui moins d’enfants que les États-Unis, l’Australie ou la France. L’Inde entrerait-t-elle à son tour dans l’hiver démographique ?
Dans les zones rurales, la fécondité reste plus élevée : 2,5 enfants par femme, à comparer avec les 2,1 enfants par femme nécessaires au remplacement des générations. Mais ce taux est en fort déclin et la taille moyenne des foyers est aujourd’hui semblable, que l’on parle des zones urbaines ou des bidonvilles : 4,7 personnes. Mais les bidonvilles affichent un équilibre des sexes un peu moins inquiétant : il s’y trouve 922 filles pour 1.000 garçons, contre 902 filles pour 1.000 garçons dans les zones urbaines. Dans celles-ci, l’accès aux échographies est plus facile, ce qui a pour effet de multiplier le nombre d’avortements sélectifs des filles. Un génocide aux conséquences désastreuses…
Les zones urbaines en Inde en proie à l’hiver démographique
Même si le déséquilibre reste important, il s’est un peu résorbé depuis 2000, date à laquelle on comptait 903 filles pour 1.000 garçons dans les zones urbaines, et 887 femmes pour 1.000 hommes dans les bidonvilles.
Il faut évidemment tenir compte de ce déséquilibre dans l’évaluation des taux de fécondité. 2,1 enfants par femme pour assurer le remplacement des générations, c’est un chiffre retenu pour les pays développés où la mortalité infantile est modeste, et cela suppose également qu’il y ait suffisamment de petites filles aujourd’hui pour donner la vie demain. En Inde, on ne peut pas dire que l’avenir soit assuré.
A cela s’ajoute le fait que les troubles de la fertilité sont de plus en plus fréquents en Inde. Le Times of India commente : « Dans notre pays, où la paternité et la maternité sont considérés comme des indicateurs de vie conjugale heureuse, l’infertilité est en train de devenir un grave problème beaucoup. C’est un problème de plus en plus présent et la recherche semble indiquer qu’il s’est aggravé de 20 à 30 % c’est dernières cinq années. »
Demain en Inde, le renouvellement des générations ne sera plus assuré
Les effets de l’hiver démographique s’annoncent inquiétants. Dans l’Inde, restée patriarcale, où plusieurs générations vivent traditionnellement sous le même toit, la solidarité est ancrée dans les mœurs : les plus âgés prennent soin des plus jeunes jusqu’à ce qu’ils ne soit plus en mesure de le faire, puis les plus jeunes générations « repaient leur dette » en s’occupant de leurs aînés. L’individualisme cède volontiers le pas devant ce bien collectif que chacun comprend et apprécie.
Mais lorsque la population vieillit et que la fécondité diminue, la situation des plus âgés devient plus précaire. On s’inquiète déjà de l’avenir de la dignité et du bonheur des anciens, puisque la fragilisation de la structure familiale frappera d’abord les plus dépendants.
La fécondité déprimée met en péril les plus fragiles
Ironie du sort, c’est la vue d’une rue indienne grouillant de monde qui a déclenché chez le fameux alarmiste de la population, Paul Ehrlich, l’idée que l’humanité se précipitait vers sa propre extinction, en raison d’une famine qui serait nécessairement déclenchée par la surpopulation. Ces prédictions ne se sont pas réalisées : rien de ce que ce malthusien très écouté a prophétisé au cours des années 1970 ne s’est réalisé, et au contraire, il y a aujourd’hui plus de réserves alimentaires par tête qu’à l’époque, malgré la forte augmentation de la population mondiale.
Et le vrai problème est bien la dépopulation qui annonce bien des difficultés et des souffrances.
L’idéologie anti-humaine reste pourtant toujours aussi lourdement présente et l’Inde connaît toujours des campagnes officielles de stérilisation masculine et féminine.