« Étant donné qu’un certain nombre d’Églises n’ont pas estimé utile d’envoyer des représentants […] au concile panorthodoxe, l’Église russe a décidé que la participation de ses représentants est inopportune tant que la tenue du concile pose des problèmes non résolus » a déclaré à RIA Novosti, le 10 juin, une « source » du patriarcat de Moscou. L’information n’a pas été encore officiellement confirmée par le Département des relations extérieures (DRE) de l’Église orthodoxe russe.
Report du concile panorthodoxe : une décision attendue
La décision du patriarcat de Moscou n’est pas surprenante. Lors d’un entretien accordé le 7 juin à la chaîne Russia-24 TV, le métropolite Hilarion, président du DRE du patriarcat de Moscou, avait clairement tracé les “limites de l’épure” :
« La préparation de ce concile a duré 55 ans. Il s’avère que cette préparation n’a pas été menée à son terme dès lors que certaines Églises ont exprimé leur mécontentement quant au processus de sa préparation. Une Église, à savoir l’Église orthodoxe bulgare, a déjà manifesté son refus de prendre part au concile. Il se pourrait bien que deux autres, les Églises d’Antioche et de Serbie, renoncent également à y participer
« Nous avons proposé au patriarche de Constantinople la tenue d’une conférence d’avant concile afin de régler tous les problèmes à cause desquels ces Églises refusent d’y participer. Si ces problèmes sont réglés, le concile se tiendra. S’ils ne sont pas réglés, alors le mieux sera de l’ajourner
« Il est important pour nous que le concile soit un facteur d’unité et d’unanimité et non de mauvaises surprises pour les Églises orthodoxes
« Les décisions prises lors de ce concile devraient être adoptées par consensus, ce qui veut dire à l’unanimité, et pas seulement sur tel ou tel déclaration ou document, par tous ceux qui seront présents. Pour nous consensus veut dire que toutes les Églises expriment leur accord
« Si une, deux ou trois Églises orthodoxes locales sont absentes du concile cela veut dire qu’il n’y a pas consensus. Dès lors, quel type de légitimité pourrait avoir ce concile ? Comment ses décisions pourraient-elles être reçues dans une Église qui a renoncé à y participer, non pour des raisons techniques mais pour des raisons de principe ? »
Le poids de l’Église russe et du patriarcat de Moscou dans l’orthodoxie fragilise Bartholomée Ier
Le patriarcat de Constantinople avait fait savoir le 9 juin qu’il repoussait la suggestion du patriarcat de Moscou de réunir cette « conférence d’avant concile », car il était toujours convaincu que le concile ne pouvait que se tenir : aucune Église ne pouvait remettre en cause le processus conciliaire dès lors qu’il avait été lancé d’un commun accord. De son côté, le patriarche Cyrille Ier, qu’on n’avait guère entendu sur cette affaire, déclara que si le concile se tenait, il ne serait de toute façon pas le “huitième œcuménique”. Autrement dit, un concile se tiendra peut-être mais il n’aura pas la “note” œcuménique et rien de ce qu’il décidera ne pourra s’imposer aux Églises qui n’y auront pas pris part…
La « primauté d’honneur » du patriarcat de Constantinople pèse peu face au poids du patriarcat de Moscou. On estime le nombre des fidèles orthodoxes dans le monde entre 220 et 300 millions – selon qu’on compte l’ensemble des baptisés ou les fidèles enregistrés dans des paroisses reconnues. L’Église orthodoxe russe en compte 150 millions auxquels il convient d’ajouter les quelques 9 millions de fidèles des Églises orthodoxes d’Ukraine et d’Estonie rattachées au patriarcat de Moscou, et elle est appuyée sur un État puissant… Le centre de gravité de l’orthodoxie n’est pas au Phanar, mais à Moscou. Bartholomée Ier sortira fragilisé de cette épreuve alors qu’il est déjà critiqué, dans de nombreux secteurs de l’orthodoxie, pour vouloir, horresco referens, se prendre pour le « pape de Rome » et se comporter comme lui…