Au troisième jour de la Convention républicaine nationale des Etats-Unis, qui a officiellement désigné le candidat du Grand Old Party aux élections présidentielles du mois de novembre, Ted Cruz a créé la surprise en refusant d’apporter son soutien officiel à Donald Trump, qui a pourtant remporté la majorité des suffrages des électeurs républicains lors des primaires dans les Etats de l’Union. Le psychodrame bat son plein outre-Atlantique : Cruz a-t-il seulement le droit de marquer sa différence avec le champion et son second, Mike Pence ?
On lui rappelle aujourd’hui qu’il a signé, à l’instar de tous les candidats du camp républicain un engagement à soutenir le vainqueur. C’était à l’automne dernier ; l’engagement porté sur le soutien au candidat nommé par le parti, « quelle que soit son identité ». Ted Cruz, candidat issu de la mouvance évangélique, avait réitéré sa promesse au mois de mars. Il devait ouvertement revenir sur cet engagement peu de temps après, alors que Donald Trump venait d’attaquer publiquement sa femme, Heidi Cruz, coup bas suivi d’une insinuation malveillante sur la proximité présumée du père de Ted Cruz avec l’assassin de John Kennedy, Lee Harvey Oswald.
Ted Cruz appelle à voter en conscience… huées des troupes de Donald Trump
Le candidat Cruz devait déclarer peu après : « Je n’ai pas l’habitude de soutenir une personne qui s’en prend à ma femme et à ma famille. »
(Mais Donald Trump, signataire du même accord, est lui aussi revenu formellement sur sa promesse au cours de la campagne.)
La longue allocution de Cruz lors de la convention républicaine n’a en rien attaqué directement Donald Trump ; Cruz s’est contenté de parler de la plate-forme républicaine et de dire son attachement à la défense de la constitution des États-Unis. Il a demandé aux Américains de « voter en conscience » au mois de novembre.
Semble-t-il animée par des représentants de la campagne Trump – interroger sa « conscience » serait-il dangereux pour le candidat ? – l’immense salle a couvert les paroles du candidat malheureux par des huées, et dans la foulée des événements bien des commentateurs ont annoncé la mort politique de Ted Cruz. S’il cherchait à se positionner pour 2020, ont noté nombre d’entre eux, il a fait une grave erreur dont il ne se relèvera pas.
Certains l’ont accusé de favoriser Hillary Clinton qui n’a pas tardé à envoyer un tweet : Vote your conscience, avec son nom. Le candidat libertaire, Gary Johnson – favorable à l’avortement à la demande et aux droits LGBT, contre le droit à l’objection de conscience des chrétiens – a également essayé de tirer la couverture à lui, malgré les protestations de Cruz qui a déclaré jeudi matin ne vouloir faire voter ni pour l’une ni pour l’autre.
La présidentielle américaine, ou le spectacle de la démocratie
C’est tout le drame de la « démocratie ». Sous prétexte de volonté populaire, les candidats sont désignés selon des facteurs irrationnels voire des critères occultes, sous prétexte d’avoir le maximum de chances d’obtenir la victoire pour leur camp ; et quitte à abandonner le bon sens et à oublier les raisons fondamentales du vote que l’on émet.
Le plus souvent, celui-ci devient un vote « contre » : pour éviter que l’adversaire, pire encore, ne remporte l’élection. Et l’on s’accommode du « moindre mal » – ou du « moindre pire » comme on peut le dire aujourd’hui – devant les choix minables auxquels sont confrontés les votants.
Hillary Clinton ? Jamais !, peuvent dire les Républicains américains. Elle entraînerait le pays encore plus loin sur la pente mondialiste creusée par Obama.
Mais cela doit-il empêcher toute critique, tout doute face à Donald Trump, ses mensonges, ses revirements, sa vulgarité (oui, c’est aussi un critère à l’heure d’élire le chef d’Etat du pays qui se voit comme le plus puissant du monde), son rejet délibéré du mariage fidèle dans sa propre vie et son discours ambigu sur le mariage naturel, au plan de la société ?
Imaginait-on, il y a vingt ou trente ans, qu’un homme tel que lui puisse briguer la présidence des Etats-Unis ? Sa candidature aurait déclenché un immense éclat de rire. Il est l’archétype de la réussite matérielle – obtenue d’ailleurs en tirant profit de la mondialisation et de l’utilisation d’amitiés politiques savamment entretenues à droite comme à gauche – en même temps que ses convictions semblent fluctuantes et mal assimilées. On dit que cela lui donne de l’indépendance. Assez pour être « grande gueule ». Pas assez pour assurer qu’il tiendra bon sur des promesses que les Américains attendaient en effet, sur l’immigration, l’islam, le libre-échangisme à tout crin qui a les faveurs de son colistier, Mike Pence…
Le refus du soutien à Donald Trump est-ce forcément la politique du pire ?
Est-ce vraiment trahir que de poser des questions ? Le système binaire de l’élection américaine apporte avec lui un manichéisme obligatoire et prétend faire voter les gens contre leur conscience et leurs convictions s’il le faut.
Mais quelle est aujourd’hui la plus grande urgence, aux Etats-Unis et dans le monde dominé par la culture de mort et par la menace grandissante d’une persécution qui s’en prendra à ceux qui oseront encore se déterminer en fonction de la loi naturelle ?
Nous sommes aujourd’hui face à l’effondrement de tout. Le respect de la vie humaine, le respect de l’ordre naturel, le droit de dire qu’un homme est un homme et qu’une femme est une femme… tout cela fait l’objet d’attaques sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Tant que cela ne sera pas clairement dit, comment reprocher aux électeurs d’être désemparés ?