En Chine, des prisonniers d’opinion chair à prélèvements et commerce d’organes

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La Chine communiste a été désignée numéro un mondial pour les condamnations à mort en 2014. Le pays a exécuté plus de prisonniers que tous les autres pays du monde réunis. Ce sinistre brevet a pu être décerné sans que le régime ait publié le nombre exact d’exécutions. Mais il est largement admis que des milliers de personnes sont exécutées en secret pour le commerce de leurs organes et que cette pratique se poursuit depuis plusieurs décennies. Une enquête dont les résultats ont été publiés en juin relève en Chine un énorme décalage entre le nombre de personnes qui se sont portées volontaires pour faire don de leurs organes et le nombre de patients qui ont reçu des implants, indique le site LifeSiteNews.
 
L’enquête, menée par l’ancien parlementaire fédéral canadien David Kilgour, l’avocat des droits de l’homme David Matas et le journaliste Ethan Gutmann, conclut que le nombre de transplantations déclarées par les hôpitaux chinois diffère considérablement du nombre officiellement déclaré par le gouvernement central. Kilgour, Matas et Gutmann chiffrent le nombre d’organes transplantés annuellement en Chine à 100.000, soit… dix fois le chiffre officiel fourni par Pékin. « Le parti communiste affirme que le nombre total de transplantations légales s’élève à 10.000 par an. Mais nous pouvons largement augmenter ce chiffre officiel par la seule observation de ce qui se passe dans les deux ou trois plus gros hôpitaux », a déclaré M. Matas.
 

Trente-six fois plus de transplantations que de donneurs d’organes déclarés !

 
Ces hôpitaux ont publié des données chiffrant à des milliers le nombre de transplantations qu’ils réalisent chaque année. En se contentant d’observer ce qui se passe dans le petit nombre d’hôpitaux étudiés par l’enquête, les auteurs ont estimé que le chiffre officiel de 10.000 est largement en-dessous du nombre bien plus probable de 60.000 voire 100.000.
 
Comment donc une centaine de milliers de receveurs peuvent-ils être transplantés quand, selon les propres chiffres de l’organisme chinois des transplantations, seules 2.766 personnes se sont portées volontaires pour faire don d’un organe en 2015, soit 36 fois moins que le nombre probable de transplantations ? Et pourquoi donc l’estimation officielle du nombre de transplantations est-elle si considérablement inférieure au nombre établi par l’enquête ? Pour les auteurs, la raison est claire : la Chine exécute secrètement des dissidents et récolte leurs organes afin de développer son opulent commerce d’organes. Ces prisonniers, estime l’enquête, sont principalement des membres de minorités religieuses et ethniques, parmi lesquels des chrétiens, des Tibétains, des Ouigours musulmans. Un grand nombre d’entre eux, la moitié selon David Kilgour, sont aussi membres de la secte spiritualiste du Falun Gong.
 
Maya Wang, chercheur au Human Rights Watch, organisation états-unienne pour les droits de l’homme, explique que le gouvernement communiste chinois considère le Falun Gong comme une menace politique majeure. Non seulement il a interdit ce mouvement spirituel en 1999 mais, depuis, il a emprisonné et torturé de nombreux de ses membres. Ils sont détenus dans des prisons de fait, des camps de travail dans lequel les autorités enferment des citoyens sans procédure ni jugement. Ces personnes sont soumises à de fréquentes prises de sang ou examens médicaux avec pour objectif la collecte d’organes destinés à alimenter le marché des transplantations, en pleine croissance. Dans certains cas, les détenus sont exécutés avant que leurs organes soient prélevés. Dans d’autres cas, les organes leurs sont enlevés de leur vivant.
 

Le pillage des corps des prisonniers d’opinion exécutés en Chine

 
La Chine a réfuté ces accusations depuis longtemps. Mais en 2005 le régime a finalement reconnu qu’il existait des prélèvements d’organes réalisés sur des donneurs non consentants, promettant de faire cesser cette pratique. Les chiffres démontrent qu’il n’en a rien été.
 
L’organisation Médecins contre les prélèvements forcés (DAFOH) a fait savoir au New York Post qu’elle plaçait le cas chinois en tête de ses priorités. Pour elle, ce pays est le seul au monde dans lequel ce type de pratique de prélèvements forcés est systématisé. La porte-parole australienne de DAFOH, Sophia Bryskine, a déclaré qu’il n’existe en Chine aucune législation interdisant ce type de pratique et qu’un décret de 1984 « permet toujours d’utiliser les corps des prisonniers exécutés comme donneurs, en violation flagrante avec les pratiques internationales ».
 
Jintao Liu, 36 ans, adepte du Falun Gong, a déclaré sur news.com.au que très longtemps il n’avait pas cru que la Chine pratiquait réellement ces prélèvements forcés. Réfugié en Australie, il a témoigné qu’il avait été arrêté en raison de ses convictions spirituelles, et jeté en prison pendant deux années. Au cours de cette détention, il fut torturé et violé. « Là, j’ai entendu parler de prélèvements d’organes mais, même si j’étais enfermé et battu, j’ai d’abord cru que c’était trop horrible pour être vrai », explique-t-il. « J’ai cru dans ma détresse que ces tortionnaires qui prenaient soin de ne pas cogner trop fort sur mes organes voulaient juste éviter que je meure », poursuit-il. « Puis ma raison m’a dit : pourquoi ces gens prennent-ils garde de ne pas me tuer ? Pourquoi ne disent-ils pas “Ne frappe pas cette personne” mais pourquoi disent-ils “Ne frappe pas cet organe” ? Je trouvais étrange qu’ils prennent plus soin de mes organes que de ma personne. »
 
Liu est soulagé d’avoir survécu. Mais il doit désormais vivre avec le souvenir tragique de ce qui est survenu à ses codétenus. Certains ont été extraits de leurs cellules sans jamais plus réapparaître.
 

Un fructueux commerce : les patients du monde entier viennent se faire transplanter

 
Malgré le scandale que constituent ces violations des droits humains essentiels, des candidats receveurs d’organes accourent du monde entier en Chine. Parmi eux, des Américains comme Eric De Leon. Ce dernier était atteint d’un cancer du foie et avait été informé qu’il devait attendre deux ans pour pouvoir recevoir un transplant aux Etats-Unis. Il fut même retiré de la liste d’attente quand le cancer repartit de plus belle après une chimiothérapie, les médecins lui expliquant qu’un cancer se développerait encore même sur un foie transplanté. C’est alors qu’Eric décida de s’envoler pour la Chine. Il y reçut immédiatement un nouveau foie contre la somme de 110.000 dollars (99.800 euros). Les médecins chinois lui assurèrent que l’organe qu’il avait reçu provenait d’un jeune homme âgé de 20 ans…
 
Un nombre incalculable de malades viennent en Chine pour des transplantations sans liste d’attente, plutôt que de devoir patienter dans leur pays d’origine. Pour autant, les médecins mettent en garde contre ce genre de pratique. Sur un plan strictement médical, car rien n’indique qu’en Chine les organes proposés subissent des analyses pour traquer d’éventuelles pathologies. Et sur un plan éthique, parce qu’il est établi que la Chine tue des gens pour voler des parties de leurs corps.
 

Le scandale des prélèvements fait officiellement reculer la Chine

 
Malgré l’évidence du scandale, le porte-parole du ministre chinois des Affaires étrangères Hua Chunying a affirmé en début d’année que « la Chine applique des lois et règlements très stricts sur ce sujet ». « Au sujet du témoignage et de l’enquête en question, je tiens à affirmer que ces histoires de prélèvements forcés d’organes en Chine sont imaginaires et sans fondement, qu’ils ne reposent sur aucune base factuelle », a-t-il ajouté. Reste qu’il a fallu toute la pression internationale pour qu’en 2014 les prélèvements d’organes sur des prisonniers exécutés soient finalement interdits en Chine, au moins formellement, et que le pays passe à un système de donation volontaire.
 
Pour autant, le régime communiste se garde bien de publier le nombre de prisonniers exécutés chaque année. Ceux qui sont incarcérés sans inculpation formelle ni condamnation sont à l’évidence exclus de cette interdiction de prélèvements forcés puisqu’ils ne sont pas tués pour leurs crimes mais, tout simplement, pour leurs organes. Ces détenus disparaissent, comme ont disparu les amis de Liu.
 

Jérôme Noël