Lors d’un meeting, le populiste néerlandais Geert Wilders, a demandé au public s’il voulait « plus ou moins de Marocains aux Pays-Bas ». Son procès pour incitation à la haine raciale s’ouvre aujourd’hui : c’est celui de la liberté de parole. Peut-on encore parler d’invasion et en général de ce qu’interdit de dire le totalitarisme démocratique ?
On aime ou on n’aime pas Geert Wilders, le patron du parti de la liberté (PVV, populiste) des Pays-Bas. Les médias ne l’aiment pas. Il est « controversé », ses cheveux sont « peroxydés », comme ceux de Le Pen dans les années 80. Ce n’est pas leur seul point commun. Il a suscité une révolte populaire pour la stériliser ensuite en la confinant hors de ce que les Italiens nomment « l’arc constitutionnel ». Avec ses détails, Le Pen a renoncé au pouvoir, et pour Philip Van Praag, professeur de sciences politiques, Geert Wilders a choisi une voie analogue, « Il est l’éternel dirigeant de l’opposition, toujours contre le système ». Le système choisirait-il ses opposants comme les directrices de casting des grandes compagnies du cinéma américain soignent la distribution d’un block-buster ? Le méchant est toujours un Allemand ou un Russe dont la chevelure tire sur le filasse, prognathe aboyant ou albinos glacé.
Geert Wilders dit-il plus ou moins ce qu’on pense aux Pays-Bas ?
Geert Wilders se plaît à inquiéter et provoquer. Il préconise de fermer les mosquées et d’interdire le coran, qu’il assimile à Mein Kampf : quatre-vingt-cinq ans après Maurras, il compare islam et nazisme. On ne s’étonne pas qu’il soit menacé de mort par Al Qaïda, Daech et les Talibans.
Il est aussi sur la liste noire de la justice des Pays-Bas. En 2011, il fut poursuivi pour incitation à la haine raciale et acquitté. En 2014 il récidivait. A la Haye, après les municipales, il demanda aux militants s’ils souhaitaient « plus ou moins de Marocains ». La foule hurla : « Moins, moins, moins ! ». Il conclut : « Nous allons nous en charger ».
Poursuivi à nouveau, Geert Wilders « n’a aucun regret » d’avoir dit ce que « des millions de citoyens néerlandais pensent ». Il ne s’est pas présenté à l’audience, dénonçant « une parodie de justice » : il craint d’être condamné et de perdre ainsi les législatives de mars 2017, où le parti de la liberté fait d’après les sondages jeu égal avec les libéraux au pouvoir. Reconnu coupable, il risquerait deux ans de prison et la désaffection d’électeurs découragés.
A-t-on la liberté de parler de la réalité démographique ?
Geert Wilders est populaire. En 2015, on l’a élu pour la troisième fois homme politique de l’année aux Pays-Bas. Parce que ceux-ci sont, selon les médias, « connus pour leur tolérance multiculturelle », c’est-à-dire pour l’intransigeance de leur politiquement correct, et que la question démographique y est tabou.
La natalité de ce pays de 17 millions d’habitants, naguère forte, s’est effondrée après les années soixante-dix et le concile Vatican II, malgré l’apport des femmes « allochtones » (de 245.000 naissance en 1965 on est passé à 180.000), en même temps que l’immigration déferlait. Les statistiques sont difficiles à lire, car les Moluquois et les autres populations arrivées avant1970 sont considérés comme « autochtones », mais en gros un tiers de la population des Pays-Bas est aujourd’hui d’origine non-européenne, avec de fortes minorités religieuses nouvelles, ce qui a poussé Geert Wilders à parler « d’invasion islamique ».
La justice peut-elle interdire la liberté de parole ?
« Si parler de ceci est punissable, les Pays-Bas ne sont plus une démocratie libre mais une dictature », affirme Geert Wilders. C’est la liberté de parole, fondement allégué de la démocratie, qui se trouve en jeu, il n’est plus seul à le dire, même dans les élites intellectuelles. Son avocat a rameuté deux universitaires reconnus pour témoigner en sa faveur. Le premier, Paul Cliteur, critique l’usage du mot islamophobie à travers l’Europe, notamment contre Brigitte Bardot et Michel Houellebecq. Quant à utiliser la justice contre une opinion politique, il se demande « si ces poursuites doivent bien avoir lieu ». Le second, Tom Zwart, grand manitou des droits de l’homme à l’université d’Utrecht tranche la question : « Nous avons choisi la démocratie. Cela signifie que l’on se bat avec des mots et des arguments, non avec des citations à comparaître et des notes de plaidoirie ».
Ce procès annonce un totalitarisme plus fin et plus doux
Voilà un changement de stratégie pour la révolution. Les lois Pleven et Gayssot, la répression judiciaire féroce qu’elles ont permise, furent durant quarante ans le bâton nécessaire à intimider une opinion encore en majorité opposée à l’invasion. Mais le point de renverse est bientôt atteint, démographiquement, culturellement, intellectuellement. Bientôt la terreur ne sera plus nécessaire, la violence judiciaire est donc transitoire. Le procès de Geert Wilders est à la fois un combat d’arrière garde et la promesse d’une forme plus douce de totalitarisme.
Pour interdire la liberté de parole, il existe en effet des méthodes plus discrètes, utilisées dans nos médias depuis les années quatre-vingt avec succès, qui se trouvent combinées avec un art consommé dans le « traitement » du phénomène Trump en France : le silence, l’étouffement d’une opinion par le monopole donné dans les débats à l’explication unique, l’infantilisation de l’opinion dissidente par la « pédagogie », le mensonge si nécessaire, et, ultima ratio de la démocratie, la diabolisation.
Les Marocains, simple prétexte pour mobiliser la police de la pensée
On notera ici l’extension du domaine de l’interdit. Hier, il ne fallait pas dire qu’Hitler était un grand homme, aujourd’hui on poursuit au pénal un directeur d’école espagnole pour avoir rappelé l’enseignement de l’Eglise sur les LGBT. La peur de la justice reste utile quelque temps encore pour garantir cette expansion du totalitarisme.
On remarquera pour finir que 6.400 associations et particuliers citoyens ont porté plainte contre Geert Wilders et ses propos sur le plus ou moins de Marocains : les supplétifs de la police de la pensée croissent en nombre et en poids. Aux réseaux organisés payés, s’ajoutent les bénévoles du totalitarisme participatif, ceux qui « signalent un abus » sur les réseaux sociaux. Plusieurs décennies de dressage via l’éducation nationale, les médias, la justice etc., ont modifié l’opinion en profondeur, chez les jeunes en particulier. Demain Geert Wilders et ses pareils populistes pourront dire ce qu’ils voudront sans la moindre contrainte, comme les orateurs de Speaker’s Corner à Londres. Ils ne seront plus que les tribuns folkloriques d’une Europe disparue, que leurs auditeurs de toute race et de toute religion écouteront en passant.