Avec Armel Joubert des Ouches
Mardi 29 novembre dernier, le parquet rwandais a annoncé l’ouverture d’une enquête sur le rôle d’une vingtaine de responsables français dans le génocide qui eut lieu en 1994 dans ce pays. On se souvient de la guerre fratricide menée par les Tutsis contre les Hutus mais aussi de l’incroyable campagne de désinformation sur ce drame. On a longtemps parlé de 800.000 victimes mais certains avancent aujourd’hui le chiffre de plusieurs millions de personnes massacrées. Cette enquête se fait bien évidemment, à la demande du président actuellement en place, Paul Kagamé, l’homme « fort » de Kigali, âgé de 58 ans, à la tête du FPR – le Front Patriotique Rwandais – au moment des faits.
Une inversion des faits ?
Il faut lire le stupéfiant communiqué des autorités rwandaises pour se rendre compte de la tentative toujours affichée de ces dernières, d’inverser les faits sur un drame qui a meurtrie pour longtemps, une région d’Afrique toute entière : Il est en effet question de l’ouverture d’une enquête « sur le rôle de certains agents et/ou fonctionnaires du gouvernement français dans le génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994 ». La mission des militaires sur place était bien au contraire d’apaiser les tensions et la protection des populations civiles.
Kagamé se défausse sur la France
A cette époque colonel, le général Didier Tauzin, commande le 1er RPIMA, le prestigieux Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine, régiment de forces spéciales basé à Bayonne. Si Paul Kagamé relance cette enquête « cette accusation date déjà de 1994. Il y a en effet toute une série d’officiers et d’hommes politiques français dont François Mitterrand aujourd’hui décédé mai aussi Hubert Védrine, Alain Juppé qui sont accusés de culpabilité de génocide ».
La France a-t-elle abandonné ses soldats ?
Un contexte particulier. En 1994, la France n’est qu’à un an de l’élection présidentielle. Or un an avant les graves événements rwandais, la France entre en cohabitation. Mitterrand au pouvoir, Balladur premier ministre. Dans l’entourage de François Mitterrand, beaucoup de prétendants se bousculent. « Ces gens-là n’arrivaient pas à se mettre d’accord », affirme le général Tauzin. Il y avait pour eux, des choses beaucoup plus importante… la présidentielle ! Mais le général Tauzin, candidat à l’élection présidentielle de mai 2017 ajoute : « Il n’y a en France aucun homme politique aucun militaire coupable. La culpabilité, c’est de vouloir un génocide. En revanche, la France a des responsabilités dans le génocide … des actions qui ont pu conduire au génocide. La France a des responsabilités par légèreté de la politique qui a été menée là-bas ».
Un acharnement de la presse française sur les officiers mis en cause
A l’époque, la presse française s’acharne à tenter de démontrer la responsabilité dans ce génocide d’officiers de l’armée française dont le général Didier tauzin. Pour quelle raison ?
« La presse française ne brille pas, à par quelques journalistes absolument remarquables, des journalistes d’investigation qui se soumettent à la vérité lorsqu’elle éclate, à part ceux-là en effet, beaucoup de journalistes, malheureusement, ne font que répéter ce qui leur est donné par des centrales de désinformation… Et ce fut le cas de l’opération Turquoise… »
Et le général Tauzin d’expliquer notamment qu’un journaliste parisien bien connu, intervenant sur une radio nationale, invoqua un problème de « garde d’enfant » pour justifier qu’il ne donnait pas suite à une interview pourtant décidée… « Il a subi des pressions … c’est évident… »
Boutros Boutros-Ghali « un génocide préparé de longue date »
« Les Américains sont à 100 % responsables du génocide ! » Dans un entretien accordé à RFI les 23 et 24 mars 2004, l’ancien secrétaire général des Nations unies Boutros Boutros-Ghali admettait que le génocide avait eu lieu parce qu’il n’avait pu obtenir du Conseil de Sécurité que les Etats-Unis interviennent sur place afin de maintenir la paix entre les deux « parties ». Pour le général Tauzin, les Américains voulaient que Kagamé s’empare du Rwanda, pour cette raison, ils ne sont jamais intervenus, laissant à la France seule gérer une situation sur place catastrophique.
Le général Didier Tauzin publie « Rwanda, je demande justice pour la France et ses soldats »
Comment 70 hommes des forces spéciales auraient ils pu commettre un génocide ?
70, c’est le nombre de militaires des forces spéciales affectées sur le terrain à cette époque. Le général Tauzin se souvient d’avoir emmené avec lui des journalistes américains vers un charnier de Hutus : « Ah non ! Ceux là ne nous intéressent pas ! Ce qu’on l’ont veut voir, c’est des Tutsis ! » Voilà ce que j’ai vu et entendu ! Des choses à hurler… »