Les migrants rwandais qui passent de l’Irlande du Nord en Irlande, pomme de discorde entre les deux pays

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Il y a quelque chose de jubilatoire à contempler la querelle qui oppose actuellement le Premier ministre britannique Rishi Sunak à son homologue irlandais, le taoiseach Simon Harris. Les deux hommes se sont écharpés par communiqués interposés alors que des centaines de migrants rwandais, sous le coup d’une mesure de reconduite au pays au Royaume-Uni, s’échappent vers la verte Erin qui en tant que membre de l’UE, applique le droit d’asile propre à cette dernière et leur offre ainsi une sorte de sanctuaire. Alors que 90 % des réfugiés actuellement comptabilisés par Dublin arrivent via la frontière avec l’Irlande du Nord, toujours soumise à sa gracieuse Majesté, à en croire les ministres irlandais, Harris a annoncé le déploiement de 100 officiers de police pour surveiller les entrées. Sunak l’a aussitôt accusé de vouloir enfreindre l’accord du Vendredi-Saint de 1998 (et quelques autres engagements sur l’absence de « frontière dure », la mise en place d’une Zone de voyage commune et la mise en œuvre du Brexit entre leurs deux pays).

Le chef du gouvernement britannique verrait-il d’un bon œil l’hémorragie des Rwandais clandestins vers un pays tiers ? Excellente manière de se débarrasser d’une population présente illégalement sans avoir à supporter les coûts… en renvoyant son adversaire aux contraintes européennes et à ses propres abandons de souveraineté. Sunak a également fait savoir à Harris que « le Royaume-Uni n’est sous le coup d’aucune obligation légale quant à l’accueil de migrants clandestins revenant d’Irlande ».

 

Les migrants rwandais sèment la discorde entre Rishi Sunak et Simon Harris

Pas de checkpoints, donc, ni de surveillance des frontières, a averti Sunak, sous peine de considérer que l’Irlande compromet le processus de paix remontant à il y a plus de 25 ans… date à laquelle l’immigration illégale n’avait rien à voir avec ce qu’elle est aujourd’hui.

« Nous ne pouvons pas tolérer l’application sélective d’accords internationaux importants, et c’est pourquoi le secrétaire d’Etat demande d’urgence des éclaircissements sur le fait qu’il n’y aura pas de perturbations ou de points de contrôle de la police à la frontière ou à proximité de celle-ci », a insisté Rishi Sunak.

Simon Harris a été contraint de s’incliner – l’envoi de policiers reste d’actualité mais « ils ne recevront pas pour mission de contrôler la frontière avec l’Irlande du Nord », a-t-il déclaré, façon pétard mouillé. Non sans accuser Sunak de « faire de la basse politique » alors que des élections locales importantes sont en cours au Royaume-Uni.

Ce n’est pas sans raison qu’au moment du Brexit, on avait posé la question de la vulnérabilité des frontières de l’UE alors qu’il n’y a aucun poste de douane ni aucun contrôle à la jonction d’un Etat qui n’en fait plus partie. On s’est seulement engagé à créer une frontière maritime qui frappe prioritairement la circulation des marchandises. Passer de Grande-Bretagne en Irlande du Nord se fait sans difficulté pour les passagers.

 

L’Irlande du Nord ne veut pas de « frontière dure » avec l’Irlande

Sunak a déclaré à Harris : « Il n’est pas surprenant que notre approche rigoureuse de l’immigration clandestine ait un effet dissuasif, mais la solution n’est pas d’envoyer la police dans les villages du Donegal. Il s’agit de travailler avec nous en partenariat pour renforcer nos frontières extérieures tout autour de la zone de voyage commune que nous partageons. »

Il y a là une belle dose de mauvaise foi, puisque les clandestins qui se déversent en Irlande – plus de 6.000, cette année, à la date du 12 avril, y ont demandé l’asile, un record – arrivent d’un pays lui-même en proie à des arrivées massives, notamment par mer via la Manche, et qui n’arrive pas à stopper le flux.

D’un autre côté, l’Irlande a refusé en 2019 la mise en place de postes de contrôle à une dizaine de kilomètres de part et d’autre de sa frontière avec l’Irlande du Nord, comme l’avait proposé le Royaume-Uni.

A partir de là, il n’y avait plus qu’à attendre les ennuis. Le spectacle a commencé.

 

Anne Dolhein