Neruda (1904-1973) est un écrivain chilien du milieu du vingtième siècle, prix Nobel de littérature (1945). Il est encore aujourd’hui particulièrement réputé pour ses poésies, dont plusieurs sont déclamées au cours du film ; elles doivent, paraît-il, absolument être prononcées avec théâtralité. Neruda a été aussi, et c’est plus qu’un aspect anecdotique de sa personnalité, un militant communiste engagé, considéré comme un cadre supérieur du PC chilien. Le film entend rendre hommage à la fois à l’écrivain et au communiste. On aurait pu avoir l’esprit assez large pour suivre avec un intérêt certain une présentation de la première dimension de Neruda, auteur authentique, mais nullement pour la seconde, exprimée historiquement en outre aux pires heures du communisme international, dans sa période stalinienne la plus stricte, exactement dans les années de la soviétisation forcée de toute l’Europe de l’Est. Ne pas connaître les crimes de Staline, des dizaines de millions peut-être, des millions assurément, relevait déjà de la cécité volontaire après 1945.
Neruda, un échec total
Vouloir l’amélioration du sort des travailleurs pauvres chiliens, démarche en soi estimable, n’impliquait pas, au contraire, l’adhésion volontaire à une idéologie communiste absolument criminelle. Durant le premier quart d’heure du film, perce une dimension ironique et pertinente sur le milieu spécifique des grands bourgeois chiliens sympathisants du communisme, ne relevant en aucune manière du monde des prolétaires, et qui tenaient à poser en champion absolus de la gauche maximaliste. En cas de Révolution d’Octobre au Chili, ils auraient été les premiers à fuir, assure le narrateur. Puis, le film sombre dans un n’importe-quoi voulu joyeux, sous prétexte de poésie surréaliste, reposant sur une vague intrigue policière ; Neruda est vu comme un clown, à la fois clown et héros du Communisme –mouvement justement pourtant peu réputé pour son humour – une sorte de démiurge mégalomane écrivant lui-même le roman de sa propre vie, y compris sa fuite devant des policiers imbéciles. Ainsi, l’hagiographie de Neruda en héros du Communisme international est traitée sur le mode de la farce. Le film est très bizarre. Il n’en demeure pas moins insupportable quant au fond, tout en demeurant absurde ou ridicule dans la forme, et jamais franchement drôle. Neruda est donc un échec total.
Hector JOVIEN