Les grandes manœuvres continuent pour rendre l’islam compatible avec le relativisme contemporain – et en même temps faciliter l’extension de l’islam à travers le monde. Le vider au moins partiellement de sa substance tout en lui permettant d’augmenter son emprise : le jeu est dangereux, mais les faits sont là. Un professeur d’éducation religieuse islamique de l’université de Vienne, Ednan Aslan, vient ainsi de décréter que l’islam n’est pas « durable » dans sa forme actuelle. Le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed Al-Tayyeb, veut revenir sur le concept de la dhimmitude. Et le président d’Egypte, Abdel-Fattah El-Sisi veut carrément changer le discours populaire sur la religion parmi les musulmans, à ce qu’il a dit à une délégation parlementaire canadienne en visite au Caire la semaine dernière.
Le professeur Ednan Aslan et la critique de l’islam
En réclamant une pensée critique sur l’islam, le professeur Ednan Aslan exprime une revendication que l’on peut faire légitimement au nom de la vérité. Tout questionnement est mal vu en islam, comme en témoignent de nombreux convertis aujourd’hui. Mais ces convertis évaluent, interrogent, jugent. Et pour finir, quittent l’islam, son totalitarisme et son refus de la pensée logique.
Restructuration de l’islam : imam, chef d’Etat, universitaire…
Aslan à un autre objectif. Musulman lui-même, il constate que l’islam est « décalé par rapport à l’époque actuelle » et déclare sans ambages : « Nous voulons refaçonner le visage de l’islam. Il est important que l’islam reçoive un nouveau visage de manière à rester viable. A l’heure actuelle, l’islam est malheureusement une religion de l’isolement. Une religion de migration. Une religion de la Turquie, de l’Arabie saoudite. Mais ce n’est pas une religion d’Europe, qui prône le pluralisme ou qui prépare les enfants, en conséquence, à vivre dans une société pluraliste. »
Et de réclamer un nouvel enseignement de l’islam en Autriche, qui ne se focalise pas sur les faits et gestes du « prophète », mais permette aux enfants de n’accepter que ce sur quoi ils ont pu eux-mêmes réfléchir.
Aslan n’envisage une telle révolution du mode d’enseignement de l’islam que dans les pays démocratiques d’Europe, éclairée par « les Lumières » : « Cela n’est malheureusement pas possible dans les pays islamiques. On ne peut tout simplement pas avoir ce débat en Égypte, en Iran, en Arabie saoudite. »
Le maréchal Al-Sisi et l’imam d’Al-Azhar sur la même longueur d’onde
Sans doute. Mais curieusement, c’est justement en Egypte que le mouvement progresse. Radio Vatican rapportait avec délectation il y a quelques jours une déclaration du grand imam de l’université la plus prestigieuse du monde sunnite, Al-Azhar. « Le cheikh Ahmed Al Tayyeb est revenu sur le concept de la dhimma, la protection que l’Etat musulman accordait aux minorités non-musulmanes à l’époque médiévale », écrit le journaliste du Vatican.
Parler de protection là où il y avait soumission, c’est déjà assez fort de café.
Radio Vatican poursuit : « La dhimma impliquait que les non-musulmans devaient s’acquitter d’un impôt (la jizya) en contrepartie d’une protection des autorités civiles. Ce qui revenait, de fait, à instaurer une inégalité administrative entre les citoyens. Mais selon le grand imam, appliquer la dhimma aujourd’hui, dans un contexte profondément différent, constituerait une “forme d’injustice et un manque de raisonnement scientifique”. Pour le cheikh Al Tayyeb, tous les citoyens sont égaux, et les chrétiens, précise-t-il, “ne peuvent être considérés comme une minorité, un terme chargé de connotations négatives”. »
Cette adoption sans réserve du principe de l’égalité des citoyens, dans le cadre d’un raisonnement qui présuppose la laïcité de l’espace public, a de quoi surprendre. Taqqiya ? Ce ne serait pas la première fois que l’islam adapterait son discours apparent pour promouvoir ses propres intérêts. Mais au-delà, on y constate plutôt une volonté de rapprochement avec le Vatican. Radio Vatican rappelle q’Al-Tayyeb a pu rencontrer le pape François en 2016 et qu’il y a un véritable « réchauffement » dans les relations depuis lors, sur le fondement de préoccupations communes.
La restructuration de l’islam au service de l’islam et du syncrétisme
Mais le relativisme dans le domaine religieux aboutit au syncrétisme : chacun l’admet en affirmant que l’autre a une part de vérité dans le cadre d’une grande religion pour tous.
Le président de l’Egypte, le maréchal al-Sisi, tient un discours assez similaire. Aux parlementaires canadiens venus le voir dans son palais présidentiel d’Héliopolis, il a déclaré que son pays veut changer discours populaire à propos de la religion, afin d’éloigner les interprétations extrémistes et leurs retombées négatives sur la perception que l’on peut avoir de la religion islamique.
Les mots-clefs du président : promouvoir les valeurs de « tolérance, coexistence, acceptation de l’autre ». Air connu. Air maçonnique.
Sans doute ces attitudes pourront-elles assurer un peu plus de sécurité et de paix aux minorités chrétiennes dans les pays où elles sont à l’ordre du jour. On peut se réjouir au nom de la simple humanité. Mais il ne faut pas oublier que tout cela répond à une exigence révolutionnaire : considérer les religions traditionnelles, bien sûre toutes mises dans le même sac, comme des formes archaïques qui doivent obligatoirement évoluer vers des formes plus acceptables par le libéralisme contemporain. C’est ce type de raisonnement qui pousse à comparer trompeusement l’islam d’aujourd’hui avec le christianisme médiéval qui, lui, aurait su faire sa transition depuis l’âge obscur de la barbarie. Lux ex Tenebris (devise du 28ème degré).