L’arrivée à l’âge de la retraite des générations nées après-guerre et l’effondrement concomitant du taux de fécondité constitue un effet de ciseaux dramatique pour les pays européens. Au Royaume-Uni, où le système de pensions de retraites est géré au niveau des entreprises, le ministère du Travail et des retraites a élaboré un projet permettant aux employeurs en difficulté d’être dispensés de la « garantie or » qui protège le montant des pensions fixes de ses anciens salariés en l’indexant sur l’inflation. La faillite du distributeur BHS, incapable de payer les retraites de ses ex-employés, a prouvé l’urgence du sujet. D’après le Daily Telegraph, ces « prestations fixes » pourraient ainsi voir réduire leur valeur jusqu’à 30 % : les coupes claires sont inévitables.
Outre-Manche, plus de 11 millions de salariés disposent de retraites indexées sur le salaire final et sont concernés par cette réforme, élaborée alors que la pression monte sur le gouvernement pour rendre ce système plus solvable. Le déficit total de ce type de rente fixe a pour la première fois atteint la somme d’un milliard de livres (1,18 milliard d’euros), démontrant que le système ne pouvait perdurer sous cette forme. Le projet consiste donc dans un premier temps à permettre aux compagnies de geler l’indexation annuelle des pensions sur l’inflation. Ce qui, calcule la journaliste Katie Morley dans le Telegraph, amputerait de 30 % la rente à l’issue de 25 années de retraite.
Des coupes claires par l’arrêt de l’indexation des retraites
Le projet est conçu pour permettre à l’employeur d’ajuster l’augmentation annuelle de la rente en fonction de sa santé financière propre, lui offrant ainsi une « respiration » pour les périodes difficiles. Mais des voix s’inquiètent déjà du fait que certaines entreprises puissent en profiter pour bloquer toute hausse sur une longue période. Le ministère du Travail reconnaît que la mesure présente un « aléa moral ». Le plan pourrait donc exiger que les entreprises abondent leur plan de retraite à un haut niveau en période d’expansion économique et ne profitent pas de cette nouvelle flexibilité pour réduire leurs engagements auprès de leurs salariés sans disposer d’éléments d’une réelle gravité.
Outre la désindexation des retraites fixes sur l’inflation, le ministère britannique travaille à renforcer l’architecture globale du système. Il envisage ainsi d’encourager les petits fonds de pension à fusionner et à s’investir dans des projets d’infrastructures. Il prévoit aussi de permettre un accès plus facile des assurés au paiement en capital pour les petites retraites indexées sur le salaire final, obtenues par exemple à l’issue d’un contrat de travail court. Le gouvernement devrait publier un projet de loi vers la fin de cette année avec des propositions moins nombreuses mais plus détaillées sur ce sujet explosif pour une population vieillissante.
Le Royaume-Uni face au risque de faillite de son système de retraites
Ces travaux gouvernementaux se poursuivent sur fond d’inquiétudes au sujet de la solvabilité des retraites du personnel du distributeur britannique BHS, en faillite depuis juin 2016. L’entreprise a disparu en laissant un engagement considérable pour les pensions de son personnel, mettant en danger l’ensemble d’un système qui rend les entreprises solidaires les unes des autres dans ce cas de figure. Les millions de livres d’engagements de BHS représentent une nouvelle charge importante pour les sociétés britanniques et l’on redoute que le système ne fasse défaut, laissant les retraités de BHS sans couverture. Il existe au Royaume-Uni un organisme de secours, le fonds de protection des retraites, qui assure le paiement des pensions assises sur le dernier salaire quand l’employeur fait défaut. Pour les salariés qui ne sont pas encore éligibles à la retraite à la date de la faillite de l’employeur, ce type de retraite est alors garanti à 90 %, avec un plafond à 33.678 livres par an sauf pour les salariés ayant plus de 20 années de présence dans l’entreprise. Mais l’adhésion à ce fonds de protection, une réassurance créée en 2004 à laquelle peuvent souscrire les fonds de pension à garantie prédéfinie, est volontaire et sa solidité n’est pas indéfinie.
Bref, c’est toute l’architecture des retraites au Royaume-Uni, comme ailleurs en Europe et bientôt en Chine, qui est fragilisée par la conjoncture démographique. Comme en cette matière les phénomènes revêtent une force d’inertie considérable, l’appauvrissement paraît garanti pour plusieurs décennies.