Les Fleurs Bleues sont un des thèmes favoris d’un peintre polonais, d’où le titre en français. Pour une fois, il est bien pensé ; l’original en polonais est incompréhensible, et renvoie aux théories esthétiques de l’artiste, Wladyslaw Strezeminski. Les Fleurs Bleues est l’ultime film, film-testament du grand réalisateur polonais Wajda. Le film vaut avant tout pour la reconstitution soignée de la Pologne communiste du début des années 1950. L’époque en est alors encore à l’idolâtrie, au sens strict, du dictateur soviétique Staline : ses statues et ses portraits géants sont répandus partout dans les rues et à l’intérieur des édifices publics ; il est bien vu d’avoir son portrait dans les intérieurs… L’artiste en question avait été proche des avant-gardes, largement complices du régime communiste naissant, dans le Leningrad des années 1920. Une décennie plus tard, il avait fondé dans son pays, la Pologne, l’Ecole de Lodz, ainsi que le musée local. Il ne s’était nullement opposé jusque là au communisme.
Les Fleurs Bleues : la mort pour ceux qui refusent de plier face au communisme
Justement cette absence d’opposition positive, brusquement, ne suffit plus. Le régime, totalitaire, exige une franche adhésion à son programme, y compris aux théories esthétiques du réalisme socialiste. Comme elles se situent à l’opposé de sa démarche personnelle, l’artiste refuse de s’y plier, de les professer et les enseigner dans ses cours à l’université. Alors se déchaînent les mécanismes de la persécution : l’opposant, identifié désormais comme tel, doit être détruit. Il l’est par une persécution systématique, progressive. Elle s’opère sans violence physique directe, ce qui aurait inutile et contreproductif contre un mutilé de la première guerre mondiale. Le professeur est chassé de l’université. Il se voit confisqué sa carte d’artiste, donc son droit à des couleurs, ce qui est absolument vital pour un peintre. La lâcheté générale est parfaitement décrite : de vieilles connaissances, des amis, font mine de ne plus le reconnaître. L’artiste est rayé de l’Histoire de l’Art enseignée, il n’existe plus et n’a officiellement jamais existé. Il peine à retrouver du travail. Ce qu’il trouve un temps comme tâche, humiliation suprême, consiste à recopier à la chaîne des portraits de Staline et des grands penseurs du communisme… Puis, chassé de tout emploi, il perd ses cartes d’alimentation, donc ne peut tout simplement plus se nourrir. Il finira par mourir de cette persécution, objectif clair et logique.
Au-delà du destin d’un artiste inconnu en France, ou de ses théories esthétiques personnelles que l’on ne partagera pas forcément, Les Fleurs Bleues évoque de façon juste le destin d’un homme qui refuse de plier face à un système totalitaire communiste, et qui meurt du fait de cette attitude courageuse.
Hector JOVIEN