Quelques heures après que Reinformation.tv a posé la question, que signifie le revirement de Trump en Syrie, la « frappe » US semble fournir la réponse. Mais Trump est un spécialiste de la téléréalité : rien n’empêche qu’il utilise Bachar el Assad dans une mise en scène au profit de sa politique intérieure.
Trump frappe donc la Syrie. Les médias donnent des détails fournis par le Pentagone. 59 missiles tomahawk ont été lancés à partir des destroyers Porter et Ross de la sixième flotte US, sur l’aéroport de Shayrat situé dans le wilayet de Homs, dans l’ouest du pays. Ce bombardement a détruit des avions, endommagés des hangars et des réservoirs d’essence, des entrepôts de munitions et le système de défense aérienne. Bref, le républicain Marco Rubio, rival malheureux de Trump à la présidentielle, a pu dire que « ce n’est pas une mesure symbolique ».
Trump fait-il la politique du complexe militaro-industriel ?
Aussitôt les hypothèses fleurissent sur les intentions profondes de Trump, à la manière d’Asselineau, Cheminade et Poutou. Le nouveau président aurait cédé à la pression du complexe militaro-industriel. Les marchés au bord du collapsus, et la finance internationale, auraient obtenu ce feu vert à une escalade de la guerre en Syrie et au Proche Orient. D’ailleurs, Hillary Clinton applaudit.
L’hypothèse n’est pas à rejeter, l’avenir seul permettra de la valider ou de l’invalider, mais certains éléments permettent de l’inclure au moins dans une interprétation plus vaste. Trump est un vieux routier de la téléréalité rompu à la manipulation de l’opinion publique, or, depuis qu’il a déclaré sa candidature à l’élection présidentielle, il s’est trouvé en butte à tous les réseaux qui pèsent sur cette opinion publique, financés par le gros argent mondialiste, la gauche démocrate bien sûr, mais aussi les médias, les people, le showbiz, Hollywood en tête, les associations politisées, notamment droits de l’hommistes, féministes, antiracistes et écologistes, etc. Tout ce complexe gauchisto-antinational, faute de l’avoir éliminé, l’empêche d’agir : en bombardant la Syrie de Bachar el Assad, il vise à retourner cette situation à son profit, il s’agit d’une opération de politique intérieure.
Pourquoi la Syrie de Bachar el Assad et pas la Corée du Nord ?
Sans doute disposait-il à cet effet de deux cibles plus évidentes en apparence, la Corée du Nord et l’Iran : mais, d’une part, aucune préparation d’artillerie médiatique n’a été lancée depuis des mois contre elles, d’une autre, les attaquer présenterait des difficultés diplomatiques et militaires sérieuses avec la Chine et la Russie qui les soutiennent, et surtout, cela satisferait sans doute l’électeur républicain du Midwest mais non les prescripteurs d’opinion que Trump doit vaincre sinon convaincre.
La Syrie de Bachar el Assad, elle, est dénigrée depuis des années par les médias occidentaux, et bien que les peuples sachent que ceux-ci mentent, ils ont intériorisé nombre de leurs mensonges, ce qui fait du « régime », mot sans légitimité mais utilisé par tout le monde, la cible naturelle de tout bon démocrate mondialiste. Les adversaires de Trump ne peuvent donc pas ne pas être satisfaits par un bombardement qui frappe le diable désigné depuis tant de temps.
Le silence assourdissant du renseignement US, et des autres
Sans doute les plus avisés se rappellent-ils que l’utilisation du sarin en 2013 par Bachar el Assad n’a pas été prouvée, qu’elle a permis à un Occident sans scrupule d’aider les terroristes qu’il prétend combattre par ailleurs. Sans doute les moins sots savent-ils que Bachar el Assad n’avait aucun intérêt à bombarder à l’arme chimique, le 4 avril, la ville de Khan Sheikoun comme on l’en accuse. Les plus attentifs auront noté qu’aucun début de preuve n’a été fourni à l’appui d’une accusation pourtant unanime. Et les plus curieux s’étonneront peut-être que, sur l’un des théâtres d’opération les plus observés du monde, aucun service secret ne puisse déterminer avec certitude ni la provenance des deux avions qui ont frappé Khan Sheikoun, ni la cause de diffusion du gaz. Cette impuissance, ou ce silence, permet toutes les hypothèses : pourquoi même, à la limite, ces avions ne seraient-ils pas israéliens ? Tant qu’une enquête ne sera pas publiée, cette conjecture n’est pas plus illégitime qu’une autre.
Une frappe qui satisfait tous les ennemis de Trump en Occident
Ce qui est certain en revanche, c’est que l’attaque de Trump contre la Syrie satisfait ses adversaires. Enfin il châtie Bachar el Assad « l’assassin de son peuple », enfin il défie Poutine, « le maître du Kremlin », qui en prenait « trop à son aise ». En maître des scénarios hollywoodiens qui régissent l’imaginaire US et la téléréalité, Trump sait comment séduire la gauche internationale et ses idiots utiles, sa propre opinion intérieure. Dans sa déclaration justifiant l’attaque, il n’a lésiné ni sur « l’horreur » qui frappe « les enfants », et même les « bébés », ni sur « Dieu », ni sur l’appel aux « nations civilisées », ni sur « l’Amérique qui se bat pour la justice » et la paix. Bref, il a ratissé large les bienpensants de tout bord. Y compris ceux qui peuplent la Chine, message en prime à Xi Jinping.
Peut-être Trump espère-t-il réussir l’union sacrée dont George W Bush, en perdition dans les sondages la veille, bénéficia après le 11 septembre 2001. Pour la première fois un adversaire politique le soutient. Le sénateur démocrate de Floride Bill Nelson approuve l’attaque en disant : « J’espère que cela apprendra à Bachar el Assad à ne plus utiliser d’armes chimiques ».
La Syrie est l’occasion d’une opération de politique intérieure US
En d’autres termes, la Syrie est pour Trump l’occasion d’une opération médiatique. On le voit à l’extrême précision avec laquelle il frappe l’aérodrome de Shayrat. D’une part les pertes humaines, non confirmées, sont de toute façon minimes, ce qui est doublement utile : pour montrer à l’Occident que Trump n’est pas un boucher, pour montrer à la Syrie et à la Russie qu’il ne s’agit pas d’un casus belli. De l’autre, le pentagone a fait répandre l’information selon laquelle des Russes fréquentaient la base (pour montrer que Trump tient bon devant Poutine), mais qu’il n’y en avait pas au moment de la « frappe » (pour montrer à Poutine que Trump ne veut pas d’ennui).
La difficulté pour Trump est de dissocier les adversaires qui, en monopolisant l’espace politique et médiatique, le paralysent. Lorsqu’il frappe la Syrie, on peut penser qu’il cherche à prendre à contrepied l’opinion gauchiste et mondialiste, tout en satisfaisant la part sioniste de la Haute finance.
Triomphe de la téléréalité, défaite du réel
Quoiqu’il en soit de cette conjecture et de l’exercice d’équilibrisme qu’elle suppose, cette opération pour laquelle il faudrait inventer un nouveau concept, celui d’opinion publique intérieure mondiale (c’est celle qui est visée), couronne la victoire du virtuel sur le réel, de la téléréalité sur la réalité.
C’est quelque chose qu’on a vu, de façon moins spectaculaire, lors du débat à onze de mardi soir : la réalité fut celle de monologues juxtaposés permettant à une majorité de candidats de répandre une pensée socialiste, pour l’ennui des spectateurs. La téléréalité qu’en ont tirée les médias eux-mêmes, aidés des vidéos virales, fut le grossissement démesuré de quelques incidents. Le tout dans un dessein révolutionnaire.
De même Trump utilise-t-il une image de guerre en Syrie pour se rétablir en politique intérieure et changer d’image internationale. Comme dans un film d’Hollywood. Quant à la réalité de la guerre, nous en sommes réduits aux conjectures, comme cet article l’avoue sans fard.