Comme un divorce qui se passe mal, avec son lot de pressions et de chantages… Le jeu de Bruxelles face au Brexit que Theresa May tient à mener à bien consiste désormais à saler la facture : entre dissuasion et punition, faites votre choix ! L’UE réclame désormais 100 milliards d’euros au Royaume-Uni pour le privilège de partir – et de rester pieds et poings lié par la logique fédéraliste qui l’empêcherait de négocier des accords commerciaux autrement qu’avec les 27.
Un divorce, comme le dit la presse ? Le mot est en réalité fort mal choisi. Le divorce est la rupture indue d’une alliance matrimoniale dans laquelle les époux s’engagent pour la vie. Le Brexit n’est que l’application contractuelle du droit de sortir d’un traité qui n’a pas été conclu ad vitam. In ne faudrait pas confondre, histoire de ne pas dévaluer le mariage et de ne pas surévaluer des accords entre Etats, par nature ouverts au changement. Mais pour ce qui est de dire qu’un divorce fait de coûteux dégâts, on ne le niera pas.
L’UE tente de mettre le Brexit hors d’atteinte
En l’occurrence l’éditorialiste Allister Heath a raison d’écrire dans le Telegraph de Londres que les quelque 100 milliards réclamés au Royaume-Uni – notamment sous la pression de la France et de l’Allemagne, au titre des dépenses de politique agricole et de « frais d’administration » – s’apparentent bien davantage à des réparations de guerre. Comme si on revenait en 1918, au fâcheux Traité de Versailles et aux si lourds dommages qui sont finalement soudé l’Allemagne dans le désir belliqueux qui se concrétiserait vingt ans plus tard…
Pour Heath, l’UE et le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, se trompent de scénario en espérant augmenter la volonté de rejet du Brexit chez les Britanniques. C’est l’inverse qui se produit, assure-t-il : piqués dans leur fierté nationale, les « Remainers » – les partisans du maintien dans l’UE – seraient de plus en plus nombreux à se retourner contre Bruxelles à cause de ses exigences faramineuses. « Tout d’un coup la vérité sort au grand jour : l’UE se comporte exactement de la manière anti-démocratique et menaçante qu’avaient prévue tant d’eurosceptiques » : en un mot, nos voisins d’Outre-Manche se sont raidis et rassemblés face à la prétention de faire payer la Grande-Bretagne des sommes que rien ne justifie rationnellement.
Theresa May accuse les responsables de l’UE
Theresa May ne cache plus sa colère. Lors d’une déclaration solennelle devant sa porte au 10 Downing Street, le Premier ministre britannique, elle a accusé la presse « continentale » d’avoir donné une image trompeuse des points de négociation avancés par le Royaume-Uni, en même temps que la Commission de Bruxelles a durci sa propre position. « Des menaces à l’encontre de la Grande-Bretagne ont été proférées par des hommes politiques et des hauts fonctionnaires européens », a-t-elle déclaré, ajoutant que « Tous ces actes ont été délibérément programmés afin de peser sur le résultat des élections générales qui auront lieu le 8 juin ».
Elections truquées, manœuvres pour contrer le Brexit ? Cela n’aurait rien d’étonnant, il faut bien le reconnaître.
Une première addition, présentée par Jean-Claude Juncker et Michel Barnier, négociateur en chef du Brexit, prétendait obtenir environ 60 milliards d’euros du Royaume-Uni à son départ. Cette somme a déjà été vivement contestée par les conseils juridiques du gouvernement de Sa Majesté ainsi que par une commission de la Chambre des Lords, tandis que Mme May se refuse absolument à remettre une telle somme à l’Union européenne.
100 milliards d’euros pour quitter UE ? Theresa May dit non
Du côté britannique, le secrétaire d’Etat chargé de la sortie de l’Union européenne, David Davis, a minimisé l’affaire en indiquant que les demandes revues à la hausse n’étaient qu’une simple démonstration de force, une manière de préliminaire aux négociations au titre des manœuvres d’approche. « Nous ne paierons pas 100 milliards. Nous allons devoir discuter de manière détaillée des droits et des obligations. »
Sans doute. Mais l’UE est et reste opposée au départ britannique – dont la santé économique enviable, à l’aune européenne, crée de l’envie, sans compter qu’une certaine forme de mondialisme a besoin de ce bloc européen intégré. Et le Royaume-Uni est contributeur net : son départ va peser sur les fonds levés dans les autres pays de l’Union.