Un professeur d’Oxford vient de proposer que l’on cesse de se promettre fidélité à vie en échangeant des consentements de mariage en raison de l’allongement de l’espérance de vie. Sarah Harper s’est exprimée en ce sens au Hay Festival, une rencontre vouée à la littérature et la culture au Pays de Galles. La gérontologue estime que les couples vivent déjà si longtemps que leurs membres peuvent ne pas avoir envie de rester ensemble pour toujours. Drôle d’attaque sur le mariage indissoluble – décidément, tous les moyens sont bons.
Le Pr Harper faisait évidemment référence à la formule anglicane traditionnelle du mariage qui fait dire à chacun des conjoints : « Jusqu’à ce que la mort nous sépare. » Si elle n’est pas exprimée explicitement par les époux dans le rituel catholique traditionnel du mariage, elle n’en est pas moins vraie pour eux et même davantage, puisque le sens du mariage y est le plus pleinement respecté.
Le mariage indissoluble serait-il insupportable à 90 ans ?
Sarah Harper a fait observer qu’aujourd’hui au Royaume-Uni, l’espérance de vie augmente de deux ans et demi par décennie, ce qui équivaut à 15 minutes par heure : de manière générale, les progrès scientifiques et médicaux laissent penser qu’on arrivera un jour à une espérance de vie de 120 ou 130 ans. Ainsi donc, des gens qui se mariaient pour quelques décennies « risquent : de se retrouver « attelés » pour 100 ans…
« Il va falloir réévaluer la question du vieillissement », a déclaré la conférencière, elle-même mariée et mère de trois enfants. Elle estime, avec l’historien Michael Anderson, que la montée du divorce a été inversement proportionnelle au déclin du veuvage, au point qu’on constate un « effet miroir ». C’est aller un peu vite de la cause à l’effet…
Voilà en tout cas une raison, de son point de vue, pour proposer de faire exploser l’institution du mariage, alors que l’Office national des statistiques britannique assure que la moitié des bébés qui naissent aujourd’hui au Royaume-Uni vivront jusqu’à 104 ans.
L’allongement de l’espérance de vie, prétexte aux révolutions sociétales
Il semblerait que cela crée plus de problèmes que cela n’en résout. Il y a la question des pensions de retraite, bien sûr, avec des pensions à servir sur des durées plus longues que la vie active elle-même, sans que l’âge du départ à la retraite ne tienne compte des changements de situation depuis la création des retraites payées par la collectivité : lorsqu’elles ont été instaurées, les travailleurs ne quittaient généralement leur poste que lorsqu’ils ne pouvaient plus physiquement accomplir leurs tâches, et leur espérance de vie au-delà de ce jour était réduite.
Cette insistance sur les problèmes du vieillissement est aujourd’hui de plus en plus répandue. Elle est un facteur d’action révolutionnaire dont il ne faut pas négliger l’importance. On pense bien sûr à l’euthanasie. Et à la nouvelle lutte des classes… d’âge. Mais la solution proposée par Sarah Harper est en réalité du même ordre, puisqu’il s’agit d’aller là aussi directement contre une loi naturelle propre à l’homme.
La fin du mariage indissoluble : d’abord dans les faits, puis d’emblée dès les premiers « oui »
L’expérience des vieux couples montre bien souvent que leurs membres tiennent de plus en plus l’un à l’autre à mesure que les années passent et que la séparation de la mort, même à un âge extrêmement avancé, est dramatique. Vieillir ensemble se révèle être un bien, et non une contrainte insupportable, et assure de plus un soutien mutuel de plus en plus indispensable. Il faudrait être bien cynique ou totalement ignorant de la réalité humaine pour proposer qu’on se promette une fidélité strictement délimitée dans le temps : 30, 40 ou 50 ans ?
Le plus cocasse est encore que tant de personnes ne s’encombrent pas de ce qu’elles ont promis en échangeant leurs consentements « jusqu’à ce que la mort les sépare » – le divorce est à cet égard un parjure mais un parjure dont on s’accommode sans état d’âme.
En s’attaquant à l’institution elle-même, on fait cependant un pas de plus. Le mariage indissoluble apparaît dès lors soit comme un mal, soit comme un rêve impossible. Voilà qui porte la marque d’une infernale inversion.