Une enquête exclusive du Telegraph de Londres révèle que pour de nombreux propriétaires de maisons au Royaume-Uni, le tri sélectif des ordures est une « perte de temps » dans la mesure où neuf personnes sur 10 se trompent en « ventilant » leurs déchets. Des erreurs qui conduisent fréquemment à rendre les fournées de déchets triés inutilisables – pour ces lots d’ordures, il n’y a qu’une solution : les mélanger de nouveau avec le tout-venant à la décharge publique.
C’est une association à but non lucratif financée par huit ministères britanniques, pas moins, qui vient d’arriver à cette conclusion pour le moins décourageante pour les fanatiques de l’écologie. Wrap – c’est son nom – a constaté un sérieux « manque de connaissances » voire de la « confusion » chez les sujets de sa Gracieuse Majesté. Mais l’enquête ne dénonce pas pour autant un manque de bonne volonté chez les trieurs incompétents. Elle met plutôt en cause les « règles compliquées » qui expliquent à elles seules les erreurs suffisantes pour déclasser des cargaisons entières de déchets.
Le tri sélectif des ordures, ou l’art de perdre son temps
Au-delà de la confusion, c’est la frustration qui gagne les propriétaires qui n’en peuvent plus de se poser indéfiniment des questions sur les objets recyclables ou non, d’autant que les règles varient d’une municipalité à l’autre et qu’on ne peut se fier aux indications des fabricants d’emballages, bien souvent sibyllines.
L’enquête menée auprès de plus de 2.000 foyers a révélé que 89 % des personnes interrogées « avouent » avoir mis dans le bac des recyclables des objets qui ne le sont pas. Un aveu qui, par les temps qui courent, sonne comme une accusation au confessionnal…
Selon Wrap, ce sont chaque année quelque 400.000 tonnes de déchets recyclables « mélangés » qui, du coup, sont jugés « contaminés » et qui partent avec les ordures ordinaires. En cause, principalement, les règles relatives aux déchets plastiques. Mais la différence de couleurs des différents bacs d’un lieu à l’autre et des règles qui ne cessent d’évoluer jouent également contre la perfection du tri.
Les règles sont encore bien plus compliquées qu’on ne l’imagine. Ainsi, il est interdit de jeter dans le bac des déchets à recycler les bouteilles noires, les verres à vin, les cartes de vœux lorsqu’elles sont ornées de paillettes, les bouteilles de vernis à ongles, les sachets pour gâteaux… salés. Pour les bouteilles de plastique noir, la raison est étonnante : les détecteurs des trieurs automatiques ne savent pas reconnaître cette non-couleur.
Au Royaume-Uni, des élus veulent en finir avec la « perte de temps » du tri sélectif
En revanche, les enveloppes à fenêtre ou les aérosols un temps refusés outre-Manche peuvent désormais être recyclés. Allez comprendre !
Une seule couche usagée peut conduire au rejet de toute une cargaison, or un Britannique sur dix imagine qu’il s’agit là de matière récupérable (pas ragoûtant…). Moins évident : mettre ses cartons dans un sachet noir, c’est envoyer l’ensemble d’une cargaison à la décharge, parce que c’est la règle, indépendamment du contenu.
A la Chambre des communes, des voix s’élèvent désormais pour demander que les municipalités prennent la responsabilité du tri parmi les objets recyclables dans les règles compliquées rendent la tâche impossible au citoyen lambda, comme cela se fait dans certaines parties du Royaume-Uni où les sociétés spécialisées s’occupent de tout. Comme l’a dit l’élu Clive Betts, « les gens n’ont pas le temps d’appeler le conseil municipal chaque fois qu’ils ont un déchet pour demander s’il peut se recycler non. » On imagine d’ailleurs la réaction exaspérée des employés municipaux… « C’est une situation impossible et nous devons aller vers un système de recyclage où la municipalité récupère dans un seul bac tout ce qui peut être recyclé – plastique, boîtes en métal, bouteilles, cartons – et se charge ensuite du tri », a-t-il tempêté.
En attendant qu’une casuistique ad hoc vienne accompagner ces nouvelles règles « morales » du XXIe siècle !