Pour l’Américaine Rochelle Gutierrez, l’enseignement des mathématiques « perpétue le privilège blanc »

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Où va se loger le « racisme en sens contraire » ! Rochelle Gutierrez, professeur de mathématiques à l’Université d’Illinois, vient d’asséner que l’enseignement de la géométrie et de l’algèbre « perpétue le privilège blanc ». Notre pédagogue et chercheuse américaine, sous le titre verbeux « Soutenir les pratiques universitaires dans les méthodes mathématiques », écrit ceci : « Sur bien des plans, les mathématiques par elles-mêmes jouent comme un blanchisseur. Celui qui parvient à faire et développer (une pensée) mathématique, celui qui est apte aux mathématiques, et celui qui se sent membre de la communauté mathématique, est généralement perçu comme blanc. » Et d’enfoncer le clou : « Les programmes scolaires en mathématiques mettent en avant des termes tels que Théorème de Pythagore, et les chercheurs perpétuent une perception des mathématiques largement développée par les Grecs et autres Européens. » Que le Samoën Pythagore, athlète et philosophe, eût pu avoir la peau mate et les yeux foncés, nul ne le sait. Mais Mme Guttierez n’est pas à cela près.
 

Les mathématiques « privilège de naissance, comme le fait d’être blanc », affirme l’Américaine Gutierrez

 
Plus avant, notre professeur de mathématiques déracialisées nous enseigne que les mathématiques fonctionnent comme un privilège de naissance, « exactement comme le fait d’être blanc ». Rochelle Guttierez, une brune à la peau albâtre et aux yeux noisette, s’interroge douloureusement, dans un édifiant accès de haine de soi : « En tant que chercheurs, obtenons-nous nos crédits parce que nous nous occupons d’enseignement des mathématiques plutôt que d’études sociales ou d’anglais ? » Pour elle, se concentrer sur les aptitudes d’un élève aux mathématiques perpétue la discrimination à l’encontre des minorités, particulièrement si elles ont de moins bons résultats que leurs concurrents blancs. Elle affirme aussi que de nombreux élèves « ont subi des micro-agressions en suivant des cours de mathématiques car on y juge les gens en fonction de leur aptitude à raisonner de façon abstraite ». « Sommes-nous tellement intelligents parce que nous faisons des mathématiques ? », se demande-t-elle. A la lire, on peut effectivement en douter.
 

Pour la chercheuse Melissa Libertus, le sens des nombres est pour partie inné

 
Face à ce supposé racisme de l’enseignement, Melissa Libertus, psychologue à l’Université Johns Hopkins de Baltimore, estime que les aptitudes aux mathématiques sont d’abord liées à l’intelligence globale, un don inné. Une étude qu’elle a menée a établi que les aptitudes au raisonnement mathématique des enfants en maternelle sont liées à un « sens des nombres » congénital et primitif, dénommé « Système approximatif des nombres ». Melissa Libertus poursuit : « Des études précédentes sur des enfants plus âgés ont laissé penser que des différences dans leur expérience d’apprentissage auraient pu déterminer leurs différences dans leur sens des nombres : en d’autres termes, quelques enfants testés dans les collèges ou au lycée ont semblé démontrer un meilleur sens des nombres simplement parce qu’ils avaient reçu un meilleur enseignement mathématique ». « Pour autant, poursuit Mme Libertus, à l’inverse de ces études, la nôtre montre que le lien entre le sens des nombres et l’aptitude au raisonnement mathématique est déjà présent avant le commencement d’un enseignement formel des mathématiques. »
 
Tout cela ne signifie pas que les individus qui ne sont pas nés avec ce don ne peuvent pas devenir matheux. Les recherches montrent qu’un travail consciencieux et de bonnes études sont, en fait, les facteurs les plus importants pour améliorer l’aptitude aux mathématiques. Mais des gens comme Rochelle Gutierrez, plutôt que d’accepter que pour certains individus, blancs ou non-blancs, les mathématiques puissent exiger plus d’efforts que pour d’autres, les mathématiques sont « racistes » et l’affaire est pliée. « Si quelqu’un n’est pas considéré comme matheux, il subira toujours un sentiment d’infériorité car l’étudiant moyen ne se posera pas nécessairement la question du rôle des mathématiques dans la société », argumente-t-elle. Mais la question est-elle raciale ? Et la réduire à cela ne revient-il pas à adopter une pensée précisément de type raciste ?
 

Rochelle Guttierez propose une « vision politique » de l’enseignement des mathématiques

 
Pour répondre à cette supposée perpétuation du privilège blanc par l’enseignement des mathématiques, Rochelle Gutierrez propose aux professeurs d’adopter une « vision politique de l’enseignement » leur permettant de cibler les opportunités d’apprentissage qui fonctionnent le mieux pour chaque étudiant. En d’autres mots, au lieu d’aider les élèves à se renforcer dans les domaines où ils sont faibles, les éducateurs devraient enseigner dans les domaines où ils sont forts. Mais l’enseignement ne vise-t-il pas pourtant à développer de nouveaux talents tout en renforçant ceux qui existent ?
Malheureusement, l’université de l’Illinois ne s’inquiète pas des théories de Mme Gutierrez et de son dédain affiché pour la matière qu’elle enseigne. Son recteur par intérim, John Wilkin, se félicite qu’elle soit admirée et publiée : « Comme dans toutes nos facultés à Urbana-Champaign (ville universitaire dans le sud de l’Illinois), le professeur Gutierrez a droit à la liberté nécessaire à sa mission de recherche et d’enseignement sur des sujets importants, et à établir des conclusions même si certains ne sont pas d’accord avec elles ». Une façon pour Wilkin de souscrire aux théories de Gutierrez, d’autant qu’il ajoute que « Les enjeux pour l’équité et l’accès à l’éducation sont réels » et que « questionner les approches pédagogiques est exactement ce que doit faire une faculté, dans un établissement de classe mondiale ». Mais questionner les divagations universitaires sur la pédagogie est exactement ce que doit faire une démocratie qui se veut exemplaire.
 

Matthieu Lenoir